Tourisme vert et chambres d'hôtes en montagne

14 février 1989
07m 23s
Réf. 00049

Notice

Résumé :

Afin de survivre en montagne, en Haute Savoie, les agriculteurs ont une double activité. Ils se diversifient et investissent dans le tourisme rural au travers de gîtes ruraux, de camping à la ferme. Cette activité est autant appréciée par les ruraux que les touristes. Le tourisme vert a eu un réel impact sur l'exode rural et permet aux personnes de rester dans leur région natale. La Haute Savoie compte 1200 gîtes de France.

Type de média :
Date de diffusion :
14 février 1989
Source :

Éclairage

Le reportage est issu d'une émission « La terre, les hommes » diffusée au journal télévisé du 14 février 1989. Il y présente le tourisme en milieu rural, identifié comme une ressource (le journaliste emploie la formule de « pétrole vert ») véritable « planche de salut » notamment pour une agriculture de petites exploitations familiales telles qu'on les rencontre en Haute Savoie et plus largement en zone de montagne. Ce tourisme qualifié donc de « vert » est présenté selon trois points de vue qui se complètent et éclairent chacun les intérêts des acteurs associés au développement de l'agritourisme dans les années 1980 (même si le terme n'est pas employé dans le film) :

Le point de vue de l'agriculteur est exprimé à travers le témoignage d'un « ancien », Michel Gachet, par ailleurs responsable départemental du tourisme rural. Ce retraité agricole, qui soutient encore activement le travail de son fils à qui il a transmis la ferme familiale fondée sur l'élevage bovin, évoque des intérêts clairement économiques : l'exploitation n'est plus viable (pour des raisons d'endettement et de limitation liées aux quotas européens), seule la double activité peut permettre d'« aller de l'avant ».

Le point de vue des touristes « à la ferme », filmés dans le quotidien d'un séjour évocateur du tourisme familial, où l'accueil est chaleureux et la table est bonne ; du tourisme qualitatif permettant pour certains une forme de retour aux sources et pour d'autres la découverte d'un monde « différent » ; du tourisme aussi dont les prix sont bien plus bas que ceux de l'hôtellerie classique en station de sports d'hiver.

Les propos de Maurice Poncin, directeur départemental relais Gîte de France, première référence en matière d'hébergements dans le monde rural. La perspective est ici clairement centrée sur le rôle des agriculteurs dans un monde rural en évolution appelé à se renouveler en devenant partie prenante d'un accueil touristique de qualité.

L'époque, fin des années 1980, est en effet celle du développement des prestations agritouristiques et, les territoires qui connaissent une relative attractivité touristique (du fait du tourisme social et du tourisme hivernal) y trouvent une possibilité de faire face au déclin agricole.

Gîte de France symbolise parfaitement ce que sont ces initiatives montantes dans cette période où le développement de l'agritourisme devient un enjeu de la Politique Agricole Commune (PAC) et des politiques d'aménagement du territoire. Dans ce contexte, les acteurs sont appelés à s'organiser pour faire valoir les caractéristiques d'une identité du monde rural, et pour travailler à sa promotion dans des démarches dites de qualité (formations, labellisations, mise aux normes des hébergements). Une période qui révèle aussi les modalités nouvelles d'engagement du monde agricole dans les territoires pour ne plus être de simples spectateurs du développement touristique qui s'y déploie.

Le reportage est diffusé dans le cadre d'un magazine « La terre, les hommes » fortement centré sur le monde agricole ; on comprend donc qu'une large place soit faite à la nécessité de maintenir une agriculture de montagne très en difficulté dans les années 1980. La qualité de l'accueil à la ferme montrée par des images qui valorisent le bien-être des touristes (activités de détente, repas convivial) est présentée comme parfaitement compatible avec les pratiques agricoles et comme argument de l'attractivité de cette forme de tourisme à l'époque encore émergente.

Véronique Peyrache-Gadeau

Transcription

Patrice Morel
Roger Luc, bonjour ! Vous avez vu on a parlé du Vercors tout à l’heure, le Vercors c’est une terre agricole notamment, mais où les agriculteurs sont obligés de se recycler et ils font, maintenant, ils aménagent des gites ruraux. Alors, j’ai pensé à vous, parce que aujourd’hui, vous aller nous parler un peu de ça, des chambres d’hôtes.
Roger Luc
Oui, bien sûr, le monde rural en France vous savez, c’est un formidable gisement de pétrole vert, entre guillemets. Il occupe, s’il vous plaît, 90% du territoire et regroupe près de 50% de la population. La France verte, c’est bien entendu également, ces petits villages, ces hameaux accrochés quelquefois à flanc de montagne ; et les agriculteurs ou des retraités agricoles dans ces coins ont été obligés, par la force des choses, de se diversifier, tout simplement, pour joindre les deux bouts ; et pour un grand nombre d’entre eux, le tourisme rural a été effectivement la planche de salut. Les gites ruraux, les chambres d’hôtes, et autres campings à la ferme forment depuis bien des années le paysage du tourisme vert, et c’est précisément, vous l’avez dit, le thème de notre dossier d’aujourd’hui.
(Bruit)
Roger Luc
Le mas, le charme tranquille d’un hameau, comme il en existe un peu partout dans la Haute-Savoie rurale, des fermes isolées au détour d’un sentier ou d’une piste de ski. Ici, des paysans du coin se sont accrochés à leurs vieux terroirs. Les anciens ont passé le relais aux jeunes, et de père en fils, on a su gérer l’exploitation familiale. Elle se résume bien souvent à des bâtiments encore très solides, abritant entre autres le cheptel.
(Bruit)
Roger Luc
Dans ces coins de moyenne montagne, ces petits élevages constituent le revenu minimum, en quelque sorte, de ces exploitants agricoles, soucieux de maintenir néanmoins leur activité. La relève était donc indispensable, mais elle n’a pas exclu pour autant le précieux concours des anciens toujours actifs.
(Bruit)
Michel Gachet
Je ne suis pas totalement coupé de l’exploitation parce que nous travaillons ensemble, et éventuellement, si lui part un jour, d’une façon ou d’une autre, c’est moi qui viens soigner le cheptel. Il a une difficulté, bon disons, il y a toujours pareil, il y a les emprunts qui sont une charge. Actuellement, il est en difficulté par rapport au quota, il ne peut plus assez produire de lait pour rentabiliser, disons, ce dont il a besoin pour vivre.
Roger Luc
Oui, c’est vrai que aujourd’hui, les agriculteurs, il n’y a pas un seul agriculteur qui ne soit pas endetté ?
Michel Gachet
Malheureusement !
Roger Luc
Ça n’existe pas.
Michel Gachet
C’est pour ça que la double activité permet à certains d’aller de l’avant ou de mieux vivre.
Roger Luc
Et pour mieux vivre, le tourisme vert s’est inséré naturellement dans les activités diversifiées des agriculteurs de montagne. Les chambres et tables d’hôtes, par exemple, sont entrées dans les moeurs des vacanciers. On se retrouve dans une ambiance familiale, la table est bonne et le budget des vacances n’a rien à voir avec les prix pratiqués dans les stations de sports d’hiver. Nuit et repas compris, 150 francs par jour, sans commentaire.
Inconnu 1
Personnellement, ça nous intéresse beaucoup parce qu’on est autour de la table, dans cette ambiance familiale, la vie à la ferme. Je suis, moi-même, originaire d’un petit village et j’ai passé mon enfance en Franche-Comté, très près des fermes et des agriculteurs. Donc, je suis bien content, pendant mes vacances, de retrouver un petit peu cette ambiance, ce milieu.
Inconnue 1
Ah ouais, c’est sympa !
Inconnue 2
Je n’ai rien à faire, ni course ni ménage ni cuisine et je suis débarrassée de tous les soucis habituels.
Inconnu 2
Je crois qu’on oublie très vite le boulot et d’où l’on vient, pour se replonger dans un autre monde qui nous ouvre obligatoirement, je trouve ça extraordinaire.
Inconnu 1
Financièrement parlant, oui, c’est intéressant par rapport à une location ou une pension complète dans un hôtel.
Roger Luc
Le tourisme vert permet aux gens de la terre d’affirmer leur volonté, d’être présents dans un débat dont ils sont les principaux partenaires. Les paysans du coin savent eux mettre en valeur les particularités qui font du secteur rural un réel lieu de vie fondé sur son histoire et sa culture. Et dans bien des cas, ce tourisme à la ferme a enrayé l’exode des jeunes.
Maurice Poncin
En tout cas, il a permis à beaucoup d’entre eux d’avoir un complément de ressources, donc, qui dit complément de ressources, un équilibre budgétaire à la fois pour la famille mais aussi un apport culturel qui n’est pas négligeable.
Roger Luc
Alors, d’après vous, il faut gérer l’espace rural avec les gens du pays ?
Maurice Poncin
Tout à fait, c’est l’objet d’ailleurs de notre mouvement, c’est de permettre aux ruraux, aux agriculteurs en particulier, d’être partie prenante dans l’accueil touristique. Et c’est d’autant plus important qu’ils contribuent aussi à la venue de gens qui cherchent dans notre pays un accueil plus convivial, plus personnalisé.
(Musique)
Roger Luc
Dans un contexte où les loisirs prennent aujourd’hui de plus en plus une place importante, l’agriculture de montagne a une carte maîtresse à jouer avec cette filière du tourisme rural et sa qualité de vie.
Maurice Poncin
Il faut toujours renforcer l’esprit d’origine, savoir baser sur la qualité, qualité donc de l’hébergement ; et au fil des années, on s’est rendu compte qu’il fallait améliorer les éléments de confort. Et on a été les premiers en France à instituer le classement des hébergements par une charte, d’exiger un minimum d’équipements, donc c’est quand même quelque chose de sérieux. Mais l’évolution des besoins fait qu’on améliore sans cesse la qualité de l’équipement, que ce soit dans les gites, que ce soit dans les chambres d’hôtes, dans les gites de groupes, ou les gites d’enfants.
Roger Luc
Et les gens qui gèrent, les propriétaires, les agriculteurs, les anciens agriculteurs qui gèrent ces gîtes de France jouent cette qualité à fond ?
Maurice Poncin
Tout à fait, oui, et nous nous employons à le faire, et ils le font entre eux lors de rencontres. Chaque année, nous réunissons nos propriétaires, nous organisons des journées d’information, de formation, des voyages d’études pour voir aussi ce qui se passe à l’extérieur, voire à l’étranger.
Roger Luc
Et à propos de touristes internationaux, des agriculteurs reconvertis dans le tourisme rural se familiarisent, s’il vous plaît, aux langues étrangères pour élargir davantage leur clientèle. Le tourisme vert français ne doit pas négliger les perspectives européennes de 1993. Quelles sont nos possibilités, une radiographie en survol, la Savoie, avec ses 2000 gites de France, est le premier département en matière de tourisme rural ; et en Haute-Savoie 1200 hébergements sont labélisés gîtes de France. Et pour compléter cette carte de visite du tourisme vert, la région Rhône-Alpes compte à l’heure actuelle plus de 7000 hébergements ; c’est dire que de véritables structures sont en place un peu partout, et elles ont bien souvent renfloué, j’allais dire, les agriculteurs de montagne.