Le futur complexe touristique du Verdon
Notice
Reportage sur le projet de construction d'un vaste complexe touristique par un groupe financier allemand sur les bords du lac du Verdon. Ce complexe touristique de près de 1500 lits, une piscine, un golf, des courts de tennis, va créer des emplois et re-dynamiser l'économie locale. Mais ce projet s'il suscite l'adhésion de certains habitants du village de Sainte Croix, fédère aussi une farouche opposition.
Éclairage
Ce reportage, diffusé en 1988 par l'antenne de FR3 Marseille, s'intéresse à un projet d'implantation d'un grand complexe touristique à proximité des Gorges du Verdon à la frontière entre les départements du Var et des Alpes de Haute Provence. Il est à bien des égards représentatif d'un dogme aménagiste visant à la mise en tourisme des espaces montagnards et révélateur des conflits qui y sont associés.
Ce type de projet, principalement immobilier, s'inscrit dans la lignée directe d'une politique de développement touristique menée en France à partir du milieu des années 1960. L'objectif principal est de soutenir un développement régional par le tourisme. Issue de la politique volontariste d'aménagement du territoire soutenue par la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR) à partir de 1963, elle vise à un rééquilibrage régional via la création d'activités. Les réalisations les plus marquantes dans le domaine touristique sont les grands projets d'infrastructures via les Plans Neiges de 1964 à 1977 avec la création de multiples Unités Touristiques Nouvelles dans les Alpes ou l'édification de stations littorales sur les côtes du Languedoc-Roussillon ou de l'Aquitaine.
De l'or blanc et bleu à l'or vert... les espaces préalpins et d'arrière-pays méditerranéens ne vont pas rester en marge du phénomène comme le révèle ce reportage. Les velléités de construction de ce complexe touristique à proximité des Gorges du Verdon possèdent toutes les caractéristiques, presque de manière caricaturale, de ce type de projet. Initié au début des années 1980, il porte sur la construction d'une méga-infrastructure (plus de 1400 lits avec un permis de construire de 60 000 m2), installée ex-nihilo et fonctionnant en circuit fermé à proximité d'un haut lieu touristique dont il profite de l'image, soutenu par un investisseur exogène au territoire (ici un groupe financier allemand). Il consiste au transfert à l'espace rural du concept de station via la mise en œuvre d'un système théâtralisé (unité de lieu, de temps, d'action) associant villégiature et espaces de jeux ou de loisirs (complexe hôtelier environné de golfs, piscines et tennis). Il vise une clientèle haut de gamme, seule à même d'optimiser un retour sur investissement rapide pour le porteur de projet.
Localement, ce type de projets va immanquablement cristalliser de multiples oppositions. L'exemple plus contemporain (2014) du projet de Center-Parcs dans la forêt de Chambaran en est l'illustration. De fortes controverses vont voir le jour entre les défenseurs et les opposants au projet. Elles vont s'inscrire au sein de deux modes de justifications antagonistes pouvant être résumés comme suit : « développement économique local » versus « protection de l'environnement et de la ressource naturelle ». Ce reportage illustre parfaitement par une succession d'interviews d'habitants, d'élus, de représentants associatifs, de personnalités locales les discours des « pro et anti projet ».
Les arguments des premiers s'appuient sur un besoin de revitalisation des zones rurales et de montagne par la création d'emplois, d'activités et de services. Leur slogan pourrait être « vivre et travailler au Pays ». Le tourisme est perçu comme une des opportunités pour créer localement de la richesse, y maintenir des jeunes actifs ou encore être un facteur de désenclavement.
Les seconds revendiquent un principe de précaution environnementale visant à la protection des paysages et de la ressource naturelle. Souvent soutenus par des lobbies et associations écologistes, ils mettent en cause le bien fondé du projet, son fonctionnement, ses impacts sur son environnement et le territoire (gestion de l'eau, incidence paysagère, faiblesse de l'emploi local, effet économique pour les espaces limitrophes surévalué...).
Les acteurs locaux vont immanquablement devoir se positionner dans l'un des deux camps. Face aux clivages qui en résultent, une médiation locale est engagée afin de trouver une issue au conflit. Dans ce cas précis, le promoteur retire au début des années 1990 son projet face à l'activisme des opposants et aux différents recours judiciaires engagés.
Le Verdon connaît depuis un développement touristique d'arrière-pays méditerranéen pouvant être qualifié de vert ou de diffus basé principalement sur des pratiques sportives de nature et de découverte. Il est aussi une destination privilégiée pour un excursionnisme issu des stations balnéaires et villes de la Côte d'Azur. En 1997, la création du Parc naturel Régional du Verdon vient reconnaître la qualité paysagère et patrimoniale exceptionnelle de cet espace.