Chamonix Mont Blanc et le chemin de fer du Montenvers
Notice
Ces deux affiches proviennent du fonds iconographique du Musée dauphinois.
Éclairage
Parmi les innovations identifiant les territoires de montagne, les équipements ferroviaires nécessitant des aménagements techniques et des matériels performants compte tenu des conditions géographiques, tiennent une place éminente de la fin du 19ème siècle aux années 1950, avant d'être remplacés dans la notoriété par les transports par câbles. Les compagnies ferroviaires qui les portent comme les communes concernées ne s'y trompent pas. Elles les mettent en avant sur les affiches publicitaires placardées en général dans les gares des grandes villes. Ainsi en est-il de Chamonix, haut lieu de l'alpinisme et ville emblématique de la haute montagne qui associe à son site les deux trains mythiques de la vallée : le train du Montenvers et celui qui relie Chamonix à Martigny.
A quelques décennies d'écart deux affiches, l'une gravure polychrome (1930) et l'autre photo Ektachrome (1966), abordent ce sujet pour faire la publicité du train autant que de la vallée. Qu'elles soient gravure ou affiche, elles sont construites sur le même modèle : une vallée identifiant la montagne au centre de laquelle circule le train : vallée en V pour le train du Valais, vallée glaciaire en U pour le Montenvers. Pour ce dernier, le cadre de montagnes est grandiose, avec des sommets élevés aux pentes vertigineuses (les grandes Jorasses, l'Aiguille du Midi), la végétation rase dans un monde de rocs et de glace sans parler de l'ensemble de la chaîne où la présence de neiges et de glaces en plein été signe l'altitude élevée et la très haute montagne. Le cadre reste plus forestier et verdoyant pour le train de Martigny, même si les aplats sombres de la gravure pointent la profondeur des gorges dominées par la voie du chemin de fer. Au centre des deux affiches le « petit » train aux wagons rouges : celui de Martigny est rendu plus prégnant par l'éclairage de l'affiche qui en souligne la présence avec sa voie parfaitement dessinée, seule trace humaine évidente, à laquelle il faut ajouter un des ouvrages d'art, à flanc de pente permettant le passage du train en corniche. De manière esthétique et allusive, l'accent est mis sur la performance des aménagements nécessaires à la mise en place de cette ligne Chamonix Martigny longue de 37,2 kilomètres qui présente des pentes qui allant jusqu'à 9% nécessitent l'usage d'une crémaillère – c'est d'ailleurs cette partie située en Suisse de 2,5 kms correspondant aux gorges du Trient, entre Salvant et Vernayaz, qui est représentée sur l'affiche avec la crémaillère au centre de la voie unique alors que l'ensemble de la ligne est à traction électrique. Le train du Montenvers est lui un train à crémaillère en raison de la déclivité principale comprise entre 11 et 22%. Mais l'affiche ne le montre pas puisque le train n'est pas photographié dans la partie ascensionnelle du trajet mais à l'arrivée en gare. On a privilégié ce lieu, but d'une excursion pour des flots de touristes qui gagnent la terrasse de la gare dominant la mer de glace qu'ils sont venus admirer.
Les projets et la réalisation de ces deux trains sont contemporains. Ils émanent des ingénieurs du PLM (Martigny) et de promoteurs genevois et haut-savoyards (pour le Montenvers) qui veulent profiter de l'engouement pour le site exceptionnel du Montenvers à proximité de la mer de glace et du point de vue magnifique sur la très haute montagne ainsi rendue accessible aux touristes. En effet, si les alpinistes restent encore minoritaires à l'époque de la construction, les excursionnistes et autres touristes se pressent en masse pour admirer les paysages surtout la mer de glace, devenue le but de tout visiteur à Chamonix. Ses habitants en font une exploitation rentable avec un transport des voyageurs par mules ou en les guidant à pied. Cela explique leur opposition initiale à cette ligne – vue comme concurrente – avant qu'ils n'en reprennent l'exploitation.
La construction des deux lignes est liée puisque le train du Montenvers est lancé une fois la ligne Saint Gervais-Chamonix réalisée (inauguration en 1901). Celui qui relie Chamonix à Martigny, réalisé en plusieurs tranches est inauguré en 1908. Tous deux ont nécessité de surmonter un environnement difficile (enneigement, risque d'avalanches, de laves torrentielles, etc..) par l'installation d'ouvrages d'art (tunnels, ponts, contreforts) et la maîtrise à la fois de la pente et du gel. L'influence des installations suisses, la référence en matière de tourisme alpin, notamment au Rigi, au Gornergrat comme plus tard à la Jungfrau, a pesé dans la décision d'installer ces voies. Mais pour les ingénieurs du PLM, c'était aussi une belle vitrine technologique que d'installer les premiers trains à propulsion électrique au moment de l'équipement des Alpes en hydroélectricité.
Pensées comme des affiches publicitaires, la date de leur édition est intéressante : au début des années 1930, l'affiche du PLM sert à faire la promotion de cette compagnie qui a construit sa notoriété par et grâce au tourisme. Elle sera nationalisée en 1937. En 1966, le train du Montenvers, s'il reste une des destinations touristiques les plus célèbres, subit la concurrence d'une autre moyen de transport emblématique de Chamonix : le téléphérique de l'Aiguille du Midi. Les premières installations datant de 1924-1925 ont été totalement modernisées en 1954-1955, permettant aussi un accès à la mer de glace et un accès encore plus facile autant qu'impressionnant à la très haute montagne. Ces deux trains restent toujours essentiels. Tous deux ont été sérieusement modernisés . Celui de Chamonix à Martigny reste essentiellement une ligne touristique mais aussi joue le rôle de ligne de circulation sécurisée pour relier Vallorcine à Chamonix lorsque le passage par le col des Montets est impraticable en raison des risques d'avalanches.