Les débuts des sports d'hiver à La Clusaz

1953
10m 16s
Réf. 01030

Notice

Résumé :

Ce montage de films tournés par Paul Mérillon de la fin des années 40 au début des années 60 illustre les débuts de la pratique des sports d'hiver à La Clusaz. Ces films muets ont été commentés par des témoins de cette époque lors de la réalisation de la série documentaire : "Feuilleton d'une mémoire heureuse", série coproduite par la Cinémathèque des pays de Savoie et de l'Ain, Kanari Films et TV8 Mont Blanc.

Type de média :
Date de diffusion :
1953

Éclairage

Association dédiée aux films amateurs et professionnels produits en et sur la Savoie, la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain fondée en 1999 collecte et conserve un ensemble de films et de supports vidéo (1). Ces documents, pour les plus anciens le plus souvent muets, ont été en large partie restaurés. Ceux qui ont été édités pour le DVD Feuilleton d'une mémoire heureuse en Savoie (1940-1970), ont été remontés selon un scénario qui couple ces images muettes filmées sur plusieurs décennies avec des extraits d'entretiens réalisés au début des années 2000. Parfois, c'est le cinéaste lui-même qui porte un regard sur les images qu'il a fixées sur la pellicule et sur sa propre démarche de cinéaste amateur. Ce décalage de l'a posteriori est intéressant dans ce qu'il permet de saisir des transformations des territoires. Les extraits retenus concernent les images réalisées après la Seconde Guerre mondiale par le photographe Paul Mérillon (2) sur la Clusaz, berceau de la famille Périllat (3) (Arthur et ensuite son fils le champion de Portillo, Guy plus connu à l'extérieur du massif). Depuis ses débuts en 1910, cette station est restée modeste. Elle connaît cependant un développement important lorsque l'engouement pour le ski de piste commence à drainer un public urbain d'une clientèle encore familiale à une période où cette nouvelle activité reste réservée à une certaine élite sociale. Dans le même temps, le ski permet aux habitants des villages d'altitude de développer une nouvelle économie et de nouvelles ressources. A la Clusaz, le passage correspond aux années 1950, notamment 1955 avec l'implantation d'un premier téléphérique.

Les premiers extraits montrent l'arrivée des skieurs, saisonniers d'un nouveau genre, dans un village qui a déjà pris le virage du tourisme hivernal, même si l'allure de cette bourgade d'un peu plus de 1000 habitants (800 selon l'un des témoins) située à 1100 m d'altitude dans le massif des Aravis, reste, dixit le réalisateur, très rurale. Il vaudrait mieux dire agro-pastorale comme l'ensemble de ces villages, avec pour la Clusaz, la production fromagère de Reblochon, ressource intéressante. Ce que ne montrent pas les images mais que rappelle un témoin, c'est l'importance de la forêt dans l'économie comme dans le mode de vie des habitants : travail du bois intervenant dans la construction des chalets, (le terme de chalet est d'ailleurs intéressant dans la bouche du témoin puisque que cette dénomination concerne bien davantage un mode d'habiter urbanisé à l'exception des chalets d'alpage temporaires), artisanat de ce même bois et surtout exploitation d'une forêt très dense, restée propriété communale (4).

A l'instar des reportages de la télévision dont on peut mesurer l'influence dans la manière de filmer comme aussi ceux de Marcel Ichac, Monsieur Mérillon saisit les touristes qui débarquent sur la place très enneigée du village ; celle-ci a été dégagée « à la pelle » comme d'ailleurs la route qui rejoint ce qui semble être l'unique remonte-pente de l'époque, (actuel cœur de la station). Cette modestie des équipements avec des pentes adaptées aux skieurs débutants, comme le débit de ces « tire –fesses » explique sans doute les queues très longues (150m au moins) filmées quelques séquences plus loin dans une image qui semble faire penser aux dessins de Samivel (5). Le cinéaste se plaît à filmer ces skieurs et ces femmes souriantes mais aussi quelques enfants devant la caméra, peut-être sa propre famille, pointant le décalage avec les habitants occupés à déneiger. En « uniforme » à la mode de l'époque (de l'entre deux guerre), pantalon fuseau ou pantalon « dit de golf » resserré à la cheville, anorak ou veste chaude, longs skis en frêne à lanières, ils s'empressent pour gagner les champs de neige. Le cinéaste a filmé le mode de transport original. Expliqué par le témoin, on mesure l'inventivité de certains habitants qui ont su adapter un ancien GMC (6), camion de l'armée américaine (7) (sans doute un engin laissé lors de la reconquête post débarquement), sorte d'énorme Jeep, munie de chaînes pour rouler dans un terrain très enneigé. Cet engin hybride qui a tout du bus – avec le compartiment pour stocker les skis – ou de la diligence à impériale, mais munie de moteurs puissants pour arriver à grimper une pente, traduit bien la manière dont certains habitants participent de manière essentielle aux transformations de leur village, ayant compris tout l'intérêt de cette nouvelle activité. C'est le signe de leur faculté à bricoler ingénieusement des systèmes pour adapter de manière économe leur outils : le chasse neige – raclette en bois à étrave – tiré non plus par les chevaux mais désormais par une voiture en est un bel exemple. Dans ces années 1950, ces images attestent des conditions spartiates partagées entre touristes et habitants. En réalité, les premiers ne sont que des utilisateurs temporaires (les consommateurs ?) d'un territoire progressivement équipé pour eux.

Les extraits retenus qui rejouent les mêmes scènes à quelques années d'écart (la couleur marque le passage aux années 1960-1970) permettent de montrer les évolutions de l'équipement des skieurs mais aussi du village. Sur la place, aux côtés du café, il faut noter la vaste devanture de l'École du Ski Français (qui a remplacé en 1945 l'école française de ski fondée en 1937). Cette école, sous l'impulsion d'un certain nombre de champions dont Emile Allais, a pour mission de développer le ski en partenariat avec la Fédération Française de Ski, et d'enseigner la méthode technique française dite Allais. Une séquence intéressante retenue au sein de ce film de 19 minutes est celle de l'arrivée des comités d'entreprise dont ici celui d'EDF. Un signe à la fois de l'évolution des conventions collectives créées au sortir de la guerre (1945 pour les CE) et des missions dévolues à ces structures, mais aussi de cette période des années 1970 qui donne, durant quelques années via les structures associatives, la possibilité d'ouvrir ce sport à une clientèle sociale élargie. La musique traditionnelle et enjouée qui accompagne ces nouveaux skieurs vise à renvoyer à une période d'insouciance, que la crise n'a pas encore marquée.

(1) Actuellement la Cinémathèque annonce plus de 8000 bobines et vidéos (2014).

(2) et remontées par Jean Stéphane Doignon.

(3) Dont il est question dans cette video et qui ne mentionne pas, et pour cause, d'autres champions de la station comme Edgar Grospiron, Régine Cavagnoud ou Vincent Vittoz pour rester dans le domaine du ski.

(4) Il est à noter le rôle des ressources forestières dans la richesse de certaines communes qui ont pu ainsi développer leur station et leur équipement grâce à cet apport lié à la vente du bois.

(5) Graphiste, écrivain, cinéaste et photographe, et adepte des sports alpins, Samivel (1907-1992) est célèbre par ses dessins, aquarelles et illustrations de revues, de livres et d'albums consacrés à la montagne et s'est fait aussi connaître par ses dessins humoristiques sur les pratiquants de la montagne, en même temps qu'ils lui servaient à défendre la nature.

(6) General Motors Company.

(7) On est dans l'immédiate sortie de guerre.

Pour aller plus loin :

- Rauch André (2001 - réédition de 1998) Vacances en France de 1830 à nos jours. Hachette-Pluriel.

- Rioux Jean-Pierre, Sirinelli Jean-François (2006) La culture de masse en France de la Belle Époque à aujourd'hui. Hachette-Pluriel.

Anne-Marie Granet-Abisset

Transcription

Voix off
Et c'est à ça que je pense en redescendant. A ça et à Paul Mérillon qui filmait des skieurs comme moi, ici-même il y a cinquante ans.
(Silence)
Voix off
je travaille en ce moment sur les images que son fils a confié à la cinémathèque.
(Silence)
Voix off
Lorsque Paul achète sa première caméra à la fin des années quarante, il est photographe et filme tout naturellement le village et ses activités hivernales. La Clusaz fut longtemps isolée par les conditions climatiques et l'abscence de bonnes routes. Située à 1100 mètres d'altitude au coeur du massif des Aravis, c'est alors une petite bourgade peuplée d'agriculteurs et de quelques artisans.
(Silence)
Francis Goy
Vous vous rendez compte. Qu'est ce qu'il y avait ? 800 habitants. Il y avait 3 hôtels à l'époque. 3 hôtels et voyez maintenant. C'est sur. Remarquez ça a été le bonheur des gens du pays, c'est sur. Ils vivaient avec des produits de la terre. Très peu d'artisans à l'époque. Les gens faisaient eux-même leur chalet et les réparations. Non les gens vivaient uniquement de la terre. Et du bois. La forêt. L'hiver ils faisaient bucherons, ils exploitaient le bois, ils débardaient le bois, eux mêmes. Il y avait quelques scieries. Tout de suite après la guerre il y a combien de familles qui sont parties. Qui ont quitté La Clusaz pour aller travailler dans les fermes, dans le bas, dans la plaine. Après quand le ski a évolué ça a été fini. Les gens sont restés au pays ils ont trouvé du travail.
Voix off
Le tourisme fait son apparition durant l'entre deux guerres. C'est ce que nous découvrons grâce à ces images. Les débuts du tourisme hivernal.
(Silence)
Voix off
Au début des années 50 c'est encore en camion tout-terrain pourvu d'énormes chaînes à neige que nos touristes intrépides se rendent sur les pistes. Gravissant une route escarpée entourée de congères de neige plus hautes que le camion et progressant péniblement jusqu'à un endroit qui n'est ajourd'hui plus très loin du bas de la station.
Francis Goy
Oh mais les GMC c'était quelque chose ça. Il n'y avait jamais eu d'accidents avec ça. C'était impressionnant. Les gens se tapaient dessus pour monter sur le camion. Fallait voir la bagarre que c'était.
(Silence)
Francis Goy
Ils faisaient le chemin, la route des Aravis au Cri du merle à la pelle hein. Tout à la pelle, ils déneigaient. Ouh là là.
Sebastien Collomb-Gros
C'était qui ? Perillat qui avait ça ?
Francis Goy
Qui ? Arthur ? Quand il a construit le Cri du merle.
Sebastien Collomb-Gros
Il avait acheté ça pour monter là-haut ?
Francis Goy
Oui, il y avait deux camions. Avec ses frères. Il a construit, Arthur, en 45-46, il a du construire. Et c'était ça. Ils avaient deux camions. C'est les GMC. Les machins américains quoi.
(Silence)
Francis Goy
Alors la queue là, au Cri du merle, regardez ! Elle allait jusque vers les sapins qui sont au milieu de la piste là. Regardez voir ça. Il y avait une queue qui faisait 150 mètres de long.
(Silence)
Jacky Mérillon
Je pense que les premiers films qu'il a tourné, il a tourné des films en été, en 9,5 mm, ça a du se situer aux alentours des années 48. 47-48. Les premiers films. Et puis après bon ben il a tourné pas mal sur les championnats de France parce qu'on en a eu toute une série.
(Musique)
Sébastien Collomb-Gros
Aux premières courses de ski, il y a Arthur Perillat, il disait qu'il partait pour aller courir à Megève.
Francis Goy
Ah oui ils allaient à pied.
Sébastien Collomb-Gros
Ils partaient samedi soir.
Francis Goy
Ils partaient avec les skis. Deux paires de skis. Parce qu'ils faisaient le ski de saut, hein, toujours. Le saut et la descente, le slalom. Mais Arthur il partait d'ici, passait les Aravis, Col du Jaillet, il descendait à Megève, et puis il revenait le dimanche soir.
(Musique)
Laurent Favre
Il y avait le saut de tremplin acrobatique et il y avait le saut un peu plus à plat où il s'amusait à faire des sortes de... Il faisait sept twist ou des choses comme ça. En fait c'est comme s'il faisait des sauts de bosse sur un tremplin artistique mais qui n'était pas [Incompris] de la même façon, qui était plus comme on dirait maintenant de nos jours en Big air. Et donc ouais c'est clair nous on est un dérivé de ça. Notre discipline. J'en ai parlé beaucoup avec mes grands-parents et mon père de cette époque là. Moi je dis c'est clair la vie était dure en plus à cette époque là. Mais je pense que ça ferait pas de mal à plein de gens de revenir à cette époque là pour avoir un peu des valeurs, parce que je trouve que maintenant les gens ont de moins en moins de valeurs. C'est plus des sous, des sous, moins de respect pour les gens.
(Musique)
Voix off
Le comité d'entreprise d'EDF organise des séjours à la montagne. C'est pour ces citadins l'occasion de découvrir les sports d'hiver dans une ambiance simple et chaleureuse.
(Musique)
Voix off
La neige est au rendez vous. Le beau temps aussi. La journée s'annonce bien et nos touristes s'élancent à l'assaut des pistes.
(Musique)