Michel Ragon publie 1793 L'insurrection vendéenne

03 décembre 1992
02m 17s
Réf. 00560

Notice

Résumé :
Michel Ragon s'intéresse dans son nouveau livre à l'année 1793 en Vendée pour tenter de comprendre les événements. L'insurrection était d'après lui ignorée de Robespierre et aurait été une manigance de traîtres républicains pour soulager le front à l'est. 1993 peut être selon lui l'année de la réconciliation, si la République fait un geste en ce sens.
Date de diffusion :
03 décembre 1992
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Éclairage

L’écrivain Michel Ragon est interviewé dans le restaurant nantais La Cigale pour parler de son dernier livre consacré aux guerres de Vendée, dont un épisode les plus dramatiques s’est déroulé précisément dans cette ville. Il y défend des positions originales, puisque selon lui, l'insurrection, ignorée par Robespierre, aurait été une manigance de traitres républicains pour soulager le front à l'est, mais il s'agirait, surtout, d'une guerre de liberté. Cette approche, prenant à contrepied les analyses les plus courantes, fait écho à sa biographie inclassable.
Né par hasard à Marseille le 24 juin 1924, orphelin de père à 8 ans, il passe son enfance à Fontenay-le-Comte dans une famille paysanne vendéenne misérable, avant d’arriver à 14 ans avec sa mère à Nantes où il exerce plusieurs petits métiers. Ce qu’il continue de faire à Paris, mais en rencontrant les milieux intellectuels et anarchistes. Au fil du temps et au gré de sa plume prolixe, il devient l'historien de la littérature prolétarienne, adoptant des positions anarchistes, anti-marxistes et pacifistes. Il s’impose aussi comme un critique et un historien de l'art et de l'architecture modernes, spécialiste notamment de l’art brut, dont le vendéen Chaissac est un représentant. Voyageant dans le monde entier, il devient consultant, commissaire d'expositions, conférencier pour le ministère des Affaires étrangères, directeur de collection chez Casterman et professeur d’université.
C’est dans les années 1980, qu’il commence à écrire des romans du "Cycle Vendéen" : L'accent de ma mère, Ma sœur aux yeux d'Asie, Les Mouchoirs rouges de Cholet, La louve de Mervent, Le Marin des Sables, qui rencontrent un large public. Sortant du cadre familial il considère les guerres de Vendée, comme une révolte paysanne, contre Paris, et non d'un soulèvement fomenté par l'aristocratie et les prêtres, qui s’inscrit dans la guerre fratricide qu’est la Révolution.
En 2000, le conseil général de Vendée a fait appel à lui pour l'organisation d'une exposition intitulée : « Le Musée du XXe siècle de Michel Ragon », qui s'est tenue à l'hôtel du département à La Roche-sur-Yon, du 14 avril au 7 juillet 2000. Il a été élu membre de l'Académie de Bretagne. Dans ses livres plus récents, il dénonce les mutations qui affectent la société et la campagne, mais aussi la mondialisation de l’art et l’enivrement spéculatif.
Jean-Clément Martin

Transcription

Présentateur
À quelques semaines du bicentenaire des premières guerres de Vendée, un Vendéen, Michel Ragon, a troqué sa plume de romancier pour celle d’historien. Il publie, en effet, un ouvrage mémoire sur l’année 1793 qui contient quelques révélations intéressantes. Interview par Evelyne Garcia-Jousset et Philippe Glatz.
Evelyne Garcia-Jousset
On connaissait l’historien de l’art, l’historien du monde ouvrier, cette fois, Michel Ragon a décidé de raconter 1793 en Vendée, l’année de toutes les polémiques, pour aider à comprendre les malentendus de la liberté. Une insurrection paysanne et ouvrière très libertaire au départ, qui tourne rapidement à la boucherie par la volonté des hommes politiques de l’époque.
Michel Ragon
Il y a un certain nombre de républicains intègres qui ont eu conscience très tôt qu’il se tramait quelque chose de bizarre à la Convention, qu’on avait l’air de faire de la Vendée un bouc émissaire mais qui servait à quoi. Il semble bien maintenant, avec les documents que l’on peut avoir, que par exemple, concernant Barrère, Barrère qui est celui qui aboie perpétuellement contre la Vendée, il faut détruire la Vendée, etc. , il est probable que Barrère était un agent de l’Angleterre et que Robespierre était sa dupe ; et que bien sûr, l’insurrection vendéenne était entretenue, si l’on peut dire, par la, par certains républicains, par certains républicains traîtres à la République, pour dégarnir le front de l’Est, car on était obligé de faire venir perpétuellement des troupes qui étaient des troupes qui ne combattaient pas les Autrichiens et les Anglais.
Evelyne Garcia-Jousset
Guerre philosophique, le peuple des lumières contre le peuple obscurantiste, conjuration du noble, du prêtre et de l’étranger, la Vendée ne fut rien de tout cela, dit Michel Ragon, si ce n’est une guerre pour la liberté, principe fondamental de la Constitution. Une guerre dont Robespierre semblait tout ignorer.
Michel Ragon
De toute façon, même s’il ne le savait pas, il est coupable de ne pas le savoir. Car le problème d’un Chef d’État, il avait rôle de Chef d’État, est de savoir ce qui se fait et ce qui se trame.
Evelyne Garcia-Jousset
1993, c’est dans quelques semaines. Les uns et les autres s’y préparent en Vendée, que faut-il espérer de cette commémoration ?
Michel Ragon
Est-ce que ce sera l’année de la réconciliation, je ne sais pas. Il faudrait aussi que la République, qui sera en place à ce moment-là, fasse aussi un geste, et qu’elle ait une certaine compréhension vis-à-vis de cette insurrection populaire.