Paysage du marais vendéen

25 mai 1969
03m 37s
Réf. 00603

Notice

Résumé :
Maurice Leroux évoque le Marais vendéen jadis recouvert par la mer, protégé aujourd'hui par une longue digue depuis que les terres ont gagné sur l'océan. Ce marais, auquel font face les piquets de bouchot sur l'estran, offre de grands espaces rythmés par ses canaux, creusés par les abbayes de la région pendant le Moyen-âge.
Type de média :
Date de diffusion :
25 mai 1969
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Sur le littoral sud-vendéen, le rôle de la dérive littorale nord-sud dans le charriage des sables et des vases est déterminant. La construction physique – et non seulement humaine – du territoire offre ici la particularité de pouvoir être totalement évaluée à l’échelle du temps historique (XVIIe-XXe siècles). Le reportage propose une lecture de paysage à la faveur de l’interview d’un bon connaisseur de la rive nord de la baie de l’Aiguillon. Durant une grande partie de l’extrait, on circule en voiture le long d’un mur dont on peine à identifier la nature : il s’agit d’une digue maçonnée, d’abord bâtie en pierres, puis maintes fois reprise avec des matériaux plus modernes, comme le béton. Cette digue constitue la rive gauche de l’estuaire du Lay, le plus important fleuve côtier de Vendée.
Aménagement considérable, elle permet de lutter contre l’érosion qui l’affecte et qui est provoquée par la diminution de l'alimentation sableuse, consécutive à la formation de la pointe d'Arçay / La Faute-sur-Mer, rive droite. La digue dite « du Génie » date de la deuxième moitié du XIXe siècle, elle a stabilisé le recul de cette côte, dans le but de protéger les polders de la baie de L’Aiguillon, d’une submersion venue de l’estuaire. En 1969, les dernières conquêtes des vasières par érection de digues, creusement de chenaux et installation de clapets ou portes à la mer viennent juste d’être réalisées (1965). Le témoin évoque la productivité de ces terrains agricoles et s’arrête sur une curiosité topographique : l’île de la Dive.
Cartes anciennes à l’appui, il évoque le destin de cette ancienne île, au temps où la mer allait jusqu’à Luçon qui possède encore sa rue du Port. L’île a d’abord servi de digue à des assèchements réalisés dans le courant du XVIIIe siècle, avant d’être finalement englobée dans un polder aménagé en 1823. Une fois isolée du flot de marée, La Dive a offert ses falaises mortes à l’exploitation de carrières, notamment pour le renforcement de la digue, que l’on s’était résolu à ériger en pierres sèches. En 1956, un audit de la digue dite du Génie révéla que la pierre de La Dive, gélive et friable, laissait prévoir le délitement de son parement qui menaçait de s’écrouler : c’est la raison pour laquelle on a accéléré son renforcement avec du béton, bien visible sur le reportage.
Quant à l’économie locale, elle n’est pas seulement agricole, mais la conchyliculture s’y est aussi installée avec la production de moules dites « de bouchot », les moules juvéniles se fixant sur des pieux de chêne fichés dans la vase par les mytiliculteurs. C’est un va-et-vient incessant qui voit alors de modestes embarcations en bois conduire leurs éleveurs vers les champs qui émergent à marée basse. Le témoin insiste notamment sur l’ingéniosité des paysans de la mer, qui ont parsemé la vasière de balises rustiques (de simples branches) afin de constituer un système de repères propre à les guider à marée haute, de manière à ce qu’ils s’échouent exactement là où se trouvent leurs « ailes » (ou alignements) de bouchots. Ce paysage est présenté ici de manière assez immuable, et il faut admettre que les mêmes points de vue pourraient être filmés de nos jours avec des résultats assez proches.
Thierry Sauzeau

Transcription

(Musique)
Maurice Leroux
Vous voyez, nous sommes entre Les Sables-d’Olonne et La Rochelle, n’est-ce pas, ça, c’est les bouchots, il y en a 15000 kilomètres. Et c’est comme des grands champs, là, il y en a juste un petit bout parce que c’est marée haute, mais enfin, pas tout à fait haute. Mais c’est des grands champs et on, c’est borné avec des petits bois, c’est très, très organisé, les moules. Vous voyez, c’est tout de même, là, c'est une petite marée de 53, mais quand il y a des marées de 112, 120, 180. Alors, tout ça passe par-dessus la digue, encore, malgré les efforts des assécheurs et des Ponts et Chaussées et les Sociétés de Marée, et il n’est pas rare que ça emporte des bouts de terrains et tout ça, et les récoltes. Et là, vous voyez, autrefois, tout ça, c’était la mer, ça allait…
Journaliste
C’était immergé, oui.
Maurice Leroux
Ça allait jusqu’à Luçon, qui est à 15 kilomètres à l’intérieur, où il y a encore la rue du Port d’ailleurs, et ces petits rochers, c’était une île. C’était une île, c’est assez étonnant parce que dans ce pays très large, très plat, très, très fort, très vivant, évidemment, on monte sur cette île qui s’appelle La Dive, qu’on voit encore sur les vieilles cartes, vous voyez, et alors, on a, on voit tout le pays, quoi, évidemment. Alors ce pays a été, il y avait ce, a été asséché peu à peu, voilà, j’aime beaucoup ce paysage, vous savez, ça, c’est le paysage que j’aime. Il y a de l’air, il y a de l’espace, peut-être que j’ai un peu d’asthme alors j’ai envie, j’aime bien avoir de l’espace, de l’air, enfin, me déplacer, et puis la mer. Alors ça, la variété de paysages, le vent salé, c’est enivrant, j’ai vécu là toute ma jeunesse, et j’y retourne toujours d’ailleurs. Et alors, vous voyez, parmi les autres îles, il y avait une autre île qui s’appellait Saint-Michel-en-l’Herm, et vraiment c’est désert, enfin,
Journaliste
Elle a une abbaye, alors…
Maurice Leroux
Il y avait des abbayes partout, et ce canal, en tout cas un canal semblable était au fond fait en communauté par tous les, par les cinq abbayes, les cinq abbayes soeurs, Maillezais, Nieul-sur-l’Autise, les, etc. Et alors, Saint-Michel-en-l’Herm était, évidemment, peut-être la plus belle, la plus la plus riche. Elle était fortifiée, elle datait, vous savez, de 587 ou comme ça.