Manifestation au Chantier Dubigeon à Nantes
Notice
La décision de réduire les effectifs des chantiers navals Dubigeon provoque la colère des salariés. Après avoir manifesté violemment dans les rues de Nantes, les salariés se sont rendus à la Direction de l'entreprise où ils ont saccagé les locaux.
Éclairage
Le chantier Dubigeon, comme une grande partie des chantiers de construction navale ligérien, est né de la prospérité du commerce colonial nantais au XVIIIe siècle. Fondé en 1738 par Julien Le Charpentier, il devient en 1969 une société anonyme qui réunit les trois grands chantiers nantais. A Saint-Nazaire, le processus de concentration est parallèle. Le chantier de Penhoët, créé en 1861, et les Ateliers et Chantiers de la Loire, fondés en 1881, fusionnent en 1955 et prennent le nom de Chantiers de l'Atlantique.
Ces grands centres de production rassemblent des effectifs conséquents de travailleurs : ils sont 10 000 à Saint-Nazaire en 1960 et 7 000 à Nantes. Une classe ouvrière tout à fait atypique prend naissance et de grandes actions collectives contribuent à maintenir ou même conforter cette identité collective : on peut notamment citer les grandes grèves de 1955 ou de 1968.
Dans le domaine de la construction navale civile et militaire, la reconstruction - due aux dégâts occasionnés par la Seconde Guerre mondiale - s'est poursuivie depuis le milieu des années 1950 avec une succession de fusions et de rachats. Mais, depuis le début des années 1970, la construction navale est victime d'un certain malaise. En effet, le premier choc pétrolier de 1975 a d'importantes répercussions pour les entreprises navales comme Dubigeon. L'industrialisation de la région est encore fragile et bien des entreprises régionales, dans les années 1979-1985 sont rachetées ou font l'objet d'une prise de contrôle par des firmes françaises ou étrangères. Avec ce processus transparaît une incapacité à s'agrandir ou à se moderniser faute de capitaux, donc d'une inadaptation des structures aux nouvelles conditions du marché national et international. Quant aux entreprises régionales dynamiques, elles sont obligées de s'associer avec de grandes firmes extérieures afin de maintenir leur expansion, tout en prenant garde de ne pas être absorbées.
Il apparaît clairement que le rôle joué par l'Etat et la concurrence internationale incite à la concentration et à la diminution du nombre des unités. En 1976, Alsthom s'introduit dans les Chantiers de l'Atlantique. Puis en 1983, une fusion donne naissance à Alsthom-Atlantique-Dubigeon-Normandie. Cette restructuration conduit le chantier Dubigeon à se tourner vers les navires de guerre, les car-ferries, les transports frigorifiques ou de produits chimiques et à délaisser la construction de bateaux pour la navigation de plaisance et la pêche. Ces mutations réduisent le poids économique de la construction navale en Pays de la Loire, mais elle n'en reste pas moins déterminante dans les villes dont elle est l'activité principale. Malgré la reprise de la production des paquebots en 1981, les Chantiers de l'Atlantique n'emploient plus guère que 4 600 personnes. Avec le Bougainville, Nantes a vécu, en 1986, son dernier lancement de navire. Toutefois ces efforts n'ont pu contrecarrer la chute : Dubigeon disparaît en 1987. Un lieu de mémoire s'est élevé : les anciens ouvriers de l'entreprise Dubigeon ont effet fondé une association culturelle en 1986 et animent depuis 1991 une Maison des hommes et des techniques à Nantes.