Inauguration du barrage de La Rance
Notice
Le général de Gaulle inaugure le barrage de La Rance et son usine marée-motrice. La foule accueille chaleureusement le président qui prononce un discours. Il place la Bretagne au cœur du développement de la France.
Éclairage
Le déclin de la Bretagne est un sentiment partagé au cours des années 1950-1960. Si des causes multiples se sont conjuguées depuis plus d'un siècle pour faire de la Bretagne une région "à la traîne" dans tous les domaines, une volonté politique contribue à un retournement de situation. Les hommes du CELIB se mobilisent pour lutter contre la faiblesse de l'activité industrielle et la fuite des forces vives : ils cherchent à poser le problème breton en termes économique, démographique, d'équipement et de plan. Bref, à redonner force et vitalité à l'activité régionale.
Devant la faiblesse de l'activité industrielle en Bretagne, pour favoriser l'implantation d'industries nouvelles, il avait été promis d'améliorer la fourniture de l'énergie, en particulier la quantité de l'électricité. C'est dans ce Plan qu'étaient prévus les travaux de construction de l'usine marémotrice et du barrage-route sur la Rance, 134 ans après la canalisation de cette dernière.
Commencés en 1957 sous la IVe République, ils sont inaugurés en 1966, sous la Ve République. L'amplitude des marées dans l'estuaire de la Rance se situe parmi les plus fortes du monde. C'est ce que l'usine marémotrice va exploiter. Son fonctionnement est inspiré de celui des moulins à marée. Mais à la différence de ces derniers, grâce à la mise au point d'un nouveau groupe de turbines - les groupes bulbes - l'usine utilise aussi la marée descendante pour produire de l'électricité. Les groupes bulbes sont conçus pour être utilisés comme pompes : quand la mer est proche du niveau du bassin, le pompage accélère le remplissage et permet une production plus importante d'électricité. Facilitant, par ailleurs, le passage de Dinard à Saint-Malo, évitant le détour par Port Saint-Jean, le barrage apparaît néanmoins dès sa création comme un obstacle pour la plaisance à cause des éclusages à heure fixe. De plus, la transformation de l'estuaire de la Rance en lac d'eau douce modifie de façon durable la partie maritime de la Rance, non sans conséquence sur la faune, la flore et la vie aquatique.
La question qui s'est posée depuis le début est celle de la rentabilité de cet équipement. Le ministre de l'industrie de l'époque, Jean-Marcel Jeanneney s'interroge en ces termes : "économiquement ça n'était pas absurde, à l'époque je disais souvent "on peut prendre des décisions pour des raisons d'ordre politique et c'était politique, c'était le désir des Bretons, mais économiquement ce n'était pas absurde". Et lors de l'inauguration du barrage, le général de Gaulle dit à Jean-Marcel Jeanneney en parlant de l'usine marémotrice : "Au fond, on a eu tort de la construire, on a eu tort, ce n'est pas rentable". Quant aux arguments politiques et à la question de savoir si cette construction était néfaste à l'environnement, le ministre de l'industrie déclara que les gouvernants ne se sont pas préoccupés de son impact sur l'environnement et des perturbations sur l'écosystème. Dans la région, il est significatif que la population utilise toujours le terme "barrage de la Rance" et non celui d'usine marémotrice, comme si elle y voyait davantage de conséquences négatives que positives. Aujourd'hui, l'usine, restée unique en Europe, alimente l'équivalent d'une ville comme Rennes et est devenu un site de tourisme industriel qui attire entre 300 000 et 400 000 visiteurs par an.