Manifestation d'agricultrices à Saint Brieuc
Notice
A Saint Brieuc, les agricultrices ont manifesté pour dénoncer la politique agricole. Elles revendiquent de meilleures conditions de travail et souhaitent également que leur travail soit reconnu en obtenant un statut propre d'agricultrice.
Éclairage
Une manifestation d'agricultrices : cet épisode méritait d'être mis en avant car il a fallu attendre 1972 (la grève du lait) pour que les femmes rurales aillent dans la rue. Mais c'est probablement lors de cette manifestation de 1982 que, pour la première fois, les femmes portent des revendications essentiellement féminines.
Au sortir de la guerre, être agricultrice n'est pas un choix - d'autres documents de cette sélection le montrent. La condition d'agricultrice est en effet difficile : les femmes passent des travaux des champs à ceux de la maison, jouant souvent le rôle de "petite-main" sans qualification ni reconnaissance. Certes, dans les années 50, la JACF (Jeunesse agricole catholique féminine), particulièrement active dans l'Ouest, va accélérer la prise de conscience : les jeunes filles vont demander de meilleures conditions de vie et particulièrement un habitat moderne, qui laisse place à l'intimité. Elles souhaitent également améliorer leur formation mais elles sont peu écoutées et l'exode rural féminin demeure important.
Dans les années 70 la formation des agricultrices devient plus facile puisque des programmes sont proposés par l'Etat ; retenons celui "des 200 heures" qui vise la formation des professionnelles de la terre, en les préparant avant tout à la gestion et à la comptabilité et plus rarement aux travaux de chef de culture ou d'élevage. Toutefois, les fermes bretonnes étant souvent tenues en couple, les femmes ont eu progressivement de plus en plus d'inaluence sur les investissements, les choix de production et elles sont de plus en plus nombreuses à se syndiquer.
Malgré cette évolution, l'histoire des agricultrices est en retard sur celle des autres travailleuses, et ces femmes qui défilent n'ont toujours pas de statut professionnel car elles demeurent "femmes d'agriculteur". Il faudra attendre la loi d'orientation de 1980 pour que la situation évolue. Ainsi, en 1980, les conjointes d'agriculteurs obtiennent des droits dans la gestion de l'exploitation ; en 1982, elles peuvent obtenir le statut de chefs d'exploitation dans les sociétés ; en 1988 apparaît la reconnaissance de l'expérience professionnelle de la conjointe travaillant dans l'exploitation ; puis en 1999 le statut de conjoint collaborateur instauré par la loi d'orientation se substitue à celui de "conjoint participant aux travaux" et permet aux femmes d'acquérir une retraite.
Depuis 2006, la loi crée une obligation de choix d'un statut professionnel pour les conjoints participant aux travaux : conjoint collaborateur, salarié ou chef d'exploitation (ou co-exploitant). De plus, les conjoints d'exploitants qui ont cessé temporairement leur activité pour élever leurs enfants peuvent réintégrer cette période dans leur calcul de retraite agricole.
Actuellement, environ un quart des chefs d'exploitation sont des femmes (une sur 5 en 1988). Elles sont en majorité exploitantes individuelles mais ce sont les co-exploitantes qui présentent le meilleur profil professionnel, bien que plus de 60% d'entre elles n'aient pas reçu de formation agricole.
Bibliographie :
- Rose Marie Lagrave (dir.), Celles de la terre. Agricultrice : l'invention politique d'un métier, Paris, Ed. de l'EHESS, 1988.
- Lena Gourmelen, "De la paysanne à l'agricultrice, à la conquête d'un impossible statut ?" Kreiz Breizh n°12, 2004, pp 16-25.
Filmographie :
- Femmes en campagnes, DVD vidéo avec 4 documentaires présentés par laure Adler, CRDP du Limousin, 2007.