Fin de la grève au Joint Français à Saint Brieuc
Notice
Après 8 semaines de grève, le conflit au Joint Français aboutit à un accord signé par la majorité des ouvriers qui réclamaient une réévaluation des salaires. Ce mouvement est caractérisé par l'élan de solidarité de la population envers les grévistes.
Éclairage
Cette usine performante de pièces en caoutchouc installée à Saint-Brieuc en 1962, doit sa célébrité à la grève de 1972. Pendant deux mois, au printemps 1972, la grève du Joint Français à Saint-Brieuc mobilise toute une région qui se bat pour sa dignité, développant des solidarités ouvrières et paysannes ébauchées en mai 1968.
Un conflit salarial classique se heurte au mépris et au refus de négocier d'une direction parisienne. Des oppositions bien tranchées, et fortement vécues, expriment les enjeux de la grève : des ouvriers peu formés face à de puissants décideurs, les salaires dérisoires face à des bénéfices alimentés par de généreuses primes d'aménagement du territoire, les Bretons exploités face à des capitalistes parisiens et lointains et, apportant une dimension plus grave, la dignité et la solidarité de gens simples qui s'opposent à la recherche aveugle du profit maximum. Le peu d'empressement à négocier du patronat et le recours aux forces policières consolident le clivage.
Ainsi, le 18 avril 1972, 15 000 manifestants défilent à Saint-Brieuc en chantant, à la suite de Gilles Servat dans "la colère bretonne" : "on ne travaille pas un fusil dans le dos". Allusion à l'occupation de l'usine par les CRS. La grève du Joint Français bénéficie du soutien de l'opinion, mais pour inscrire la grève dans la durée, l'argent est indispensable. Outre les sommes versées par divers organismes ou par des particuliers, des concerts de soutien permettent de récolter des fonds. Glenmor, Servat, Kirjuhel, Kerguiduff et bien d'autres artistes chantent alors au profit des grévistes du Joint Français.
La victoire du Joint Français devient emblématique des nouvelles formes de lutte des années 1970 mais aussi des combats d'une région pour son identité, sa culture et sa langue. C'est une nouvelle manière d'appréhender la politique dans une Bretagne qui bouge, et refuse le conservatisme de ses élites traditionnelles qui paraissent dépassées. Toute une génération de responsables politiques, syndicaux, et associatifs, se forme et s'engage dans ces années 1960-1970. La grève du Joint Français s'inscrit dans le prolongement de mai 1968 et reste l'une des grandes grèves à avoir marqué la Bretagne des années soixante-dix.
Bibliographie :
- Michel Phlipponneau, Au Joint français : les ouvriers bretons, Saint-Brieuc, Presses universitaires de Bretagne,1972.