L'usine du Joint français à Saint Brieuc
Notice
Le Joint français s'agrandit et s'implante à Saint Brieuc. Malgré quelques inconvénients, ce site offre de nombreux avantages, notamment la main d'œuvre et le cadre de vie. Visite de l'usine et présentation des techniques de fabrication des joints.
Éclairage
Au début des années cinquante, la Bretagne perdait ses hommes, avait le revenu le plus faible par habitant, (environ 30 % de moins que la moyenne française) et la dépense la plus faible par habitant (moitié moins que la moyenne française). La productivité moyenne par habitant y était la plus faible de France.
L'implantation de l'usine du Joint français à Saint-Brieuc, en 1962, s'inscrit dans la phase de forte expansion industrielle enregistrée en Bretagne au début des années soixante. Cette usine est l'une des premières à franchir "le mur des 400 kilomètres" (400 km de Paris), qui semblait constituer un obstacle insurmontable pour les industriels parisiens en mal de décentralisation. L'implantation d'usines décentralisées a joué un rôle essentiel dans le processus d'industrialisation de la région. Pendant la période faste 1960-1965, les deux tiers des 4000 créations annuelles d'emplois (en moyenne), en Bretagne, étaient d'origine extérieure.
Sous l'impulsion du CELIB (Comité d'Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons), organe de réflexion, d'action et de contestation, l'Etat prend conscience de la nécessité de définir une politique d'aménagement du territoire dont la décentralisation industrielle constitue un élément important. Depuis 1955 et le décret Mendès France, les industries parisiennes en expansion étaient obligées d'implanter leurs nouvelles unités de production en province. Ce décret est à l'origine de nombreuses décentralisations en Bretagne.
Pour en savoir plus :
Comme l'avait fait Citroën, installée à Rennes en 1961, le Joint français, ne pouvant développer ses installations de Bezons (région parisienne), devait trouver un point de chute en province. Diverses mesures favorisent également le mouvement de décentralisation, dont la prime à l'emploi et à l'équipement. La Bretagne a su tirer profit au maximum de ces dispositions, bénéficiant très largement de ces primes jusqu'en 1964. En cette même année le régime des aides a été modifié et les zones bénéficiaires des primes ont été étendues, assurant un choix géographique beaucoup plus important aux entreprises.
Le Joint français, quant à lui, bénéficie de six à sept millions de francs de prime, d'une subvention de trois millions de francs offerte par l'Etat et de diverses aides versées par les collectivités locales. L'entreprise produit des joints de caoutchouc et s'affirme progressivement, en répondant aux besoins d'un marché sans cesse élargi et à l'adoption de nouvelles techniques. Offrant plus de 1 000 emplois à la région de Saint-Brieuc (en deçà d'ailleurs des prévisions antérieurement annoncées), l'entreprise s'étale sur plus de 14 hectares, lui laissant de très larges possibilités d'extension. Mais au tournant des années 1960-1970, des conflits éclatent entre le patronat et les travailleurs décidés à maintenir, sinon à améliorer leur pouvoir d'achat, compte tenu du dérapage des prix. Débrayages, meetings et occupations de l'usine se multiplient pour atteindre leur paroxysme de mars à mai 1972. Ce conflit s'inscrit dans le prolongement des luttes engagées en mai 1968 et est déclenché par une menace de fermeture, à l'initiative de non-syndiqués ou des éléments les plus turbulents de la CFDT, voire de FO dans sa composante trotskiste. Aux revendications salariales et aux conditions de travail s'ajoutent celles de travailler et vivre au pays. Cette année constitue la période des hautes eaux des conflits sociaux, avant le retour au calme du début des années 1980.
Bibliographie :
- Michel Phlipponneau, Debout Bretagne!, Saint-Brieuc, Presses universitaires de Bretagne, 1970.
- Michel Phlipponneau, Au Joint français, : les ouvriers bretons, Saint-Brieuc, Presses universitaires de Bretagne, 1972.
- Jacqueline Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, éd. Ouest-France, coll. "Université", 1989.