René Vautier, cinéaste
Notice
René Vautier, cinéaste breton engagé, revient sur sa carrière. Outre Avoir 20 ans dans les Aurès, il a notamment réalisé le premier film documentaire anticolonialiste français, Afrique 50, qui lui a valu un an de prison.
Éclairage
Evoquer le parcours cinématographique de René Vautier, c'est aussi parler de ses engagements politiques et citoyens, les deux sont indissociables dans l'œuvre de ce cinéaste. Né à Camaret en 1928, très jeune il rejoint la résistance dans la région de Quimper. Premiers engagements de l'artiste breton que suivront ceux plus prégnants dans son œuvre d'anticolonialiste, d'anticapitaliste ou encore d'écologiste.
Formé à l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), René Vautier utilise la camera pour traduire ses combats. Son premier film Afrique 50, sorti en 1950, est un coup de poing anticolonial. Parti en Afrique noire pour une commande de la Ligue de l'Enseignement visant à mettre en valeur le travail de l'association, il se retrouve en fait à filmer une réalité toute autre. Ce documentaire lui vaut 13 inculpations, une condamnation en prison et le film sera interdit pendant plus de quarante ans. N'empêche, il n'en reste pas moins convaincu et continue à travers le cinéma de défendre son opinion, mais surtout il donne la parole à ceux qui ne l'ont pas, ceux qu'on ne veut pas entendre. Il entre clandestinement en Algérie et part filmer le FLN.
De retour en France en 1970, René Vautier crée L'Unité de Production Cinéma Bretagne (UPCB). Cette coopérative de production promeut un cinéma breton indépendant avec ses propres moyens techniques et humains. Pour Vautier c'est l'idée qu'on peut "vivre et filmer au pays". On peut dire que l'UPCB joue un rôle pionnier dans la conception d'un outil propre au cinéma régional. Ce sont les premiers pas d'une décentralisation indépendante et autonome. C'est avec l'UPCB qu'il va réaliser son film le plus connu et surtout le plus reconnu, Avoir vingt ans dans les Aurès. Ce film reçoit le prix de la Critique au festival de Cannes en 1972. Là encore, la guerre d'Algérie est au cœur du film. Pendant la guerre, des rappelés sont pris dans l'engrenage de la violence, avec tout ce que cela implique comme exactions. Un seul résiste, Noël, personnage humaniste et pacifiste qui libère un prisonnier algérien. Inspiré de faits réels, collectés pendant ses années en Algérie, le film pose les questions de l'engagement, de la désertion, de la responsabilité. C'est sans doute ce succès qui permet à l'UPCB de produire d'autres films sur les luttes en Bretagne (Quand les femmes ont pris la colère 1976, Marée noire colère rouge 1978), mais aussi et toujours sur le contexte politique mondial avec Front Line qui dénonce en 1976 l'apartheid.
Si René Vautier continue à réaliser un cinéma militant dans les années 1980, ses films restent plus inaperçus et ont moins d'écho sur le plan national et international. Après la disparition de l'UPCB, symbole du cinéma militant, il crée une autre société de production indépendante "Images sans chaînes". Son œuvre est alors marqué par son combat contre le racisme. En 1998 il obtient le Grand Prix de la société civile des auteurs multimédias ( SCAM) pour l'ensemble de son œuvre, qui consacre le cinéma d'un artiste engagé.
Bibliographie :
Tanguy Perron, Le cinéma en Bretagne, Editions Palantines, 2006.