Claude Chabrol tourne La Cérémonie à Saint Malo

Si Claude Chabrol n'est pas Breton d'origine, il l'est certainement de cœur. Lui-même affirme : "Je dois avouer une profonde prédilection pour la Bretagne". Né à Paris en 1930 de parents pharmaciens, il fait des études de droit. Par la suite, il collabore au magazine Les Cahiers du cinéma avant de se lancer dans la réalisation. Claude Chabrol appartient à cette génération de jeunes critiques, usée par le "cinéma de grand-papa" et désireuse de passer derrière la caméra pour réinventer cet art. Il fait partie du noyau dur de la "Nouvelle vague". Comme François Truffaut, Jacques Rivette ou Eric Rohmer, il défend un cinéma d'auteur. En 1959, il tourne son premier film dans la Creuse, grâce à l'argent d'un héritage de sa première épouse. Le Beau Serge est récompensé par le prix Jean Vigo. Reconnu dès son premier film, Claude Chabrol tourne beaucoup, presque un film par an. La province, la bourgeoisie sont au cœur de son cinéma et c'est dans cette perspective qu'il retrouve plusieurs fois la Bretagne dans sa filmographie.

Claude Chabrol tourne en Bretagne à six reprises. Comme le souligne Alain Bergala dans un article qu'il consacre au réalisateur, sa vision de la région bretonne est résolument "non touristique". Il utilise la Bretagne comme un décor de province et ne cherche jamais dans ses plans à ce que le spectateur reconnaisse un lieu touristique. Les éléments de décor sont filmés de façon générique. Le cadre de l'action n'est pas le sujet et il reste en arrière plan. Il filme la Bretagne en hiver, loin du cliché des vacances estivales, cherche les ombres et les couleurs sombres. Pour Claude Chabrol, l'attachement à la Bretagne est probablement lié à l'enfance, aux souvenirs de vacances. Mais c'est aussi pour des raisons pratiques qu'il a travaillé plusieurs fois dans cette région. En 1969, son adaptation d'un roman anglais (The beast must die) le conduit tout droit dans le Finistère. Il y trouve des paysages similaires à ceux de l'Angleterre. Quelques années plus tard, en 1980, il retrouve le Finistère pour le tournage du Cheval d'orgueil qu'il adapte du livre du même nom de Pierre Jackez Hélias. Il choisit des épisodes précis du roman et joue le jeu de la reconstruction historique. C'est d'ailleurs son seul film qui utilise clairement la Bretagne comme sujet à part entière. Cheval d'orgueil reçoit un accueil mitigé et est souvent considéré comme un échec dans la filmographie de Claude Chabrol. Toutefois, il en garde le souvenir d'une expérience enrichissante et chaleureuse avec les Bretons, ce qui de son propre aveu l'incite à revenir en terre bretonne.

En 1995 il tourne La Cérémonie à Saint Coulomb. Inspiré du roman de Ruth Rendell, L'Analphabète, ce film met en scène une employée de maison mutique ayant pour seule amie la postière délurée du village. Chabrol fait le portrait d'une société figée, où la bourgeoisie provinciale étouffe le monde par ses codes et ses non-dits. Le film n'est pas non plus sans rappeler l'affaire des sœurs Papin. La Cérémonie est un succès critique et public qui est récompensé par plusieurs César. Pour Au cœur du mensonge le dernier film qu'il a jusqu'ici mis en scène en Bretagne, Claude Chabrol retrouve Sandrine Bonnaire, déjà actrice dans La Cérémonie.