L'île de Houat
Notice
L'île morbihannaise de Houat, isolée du continent de 20 kilomètres, est en marge de la modernisation. Privés d'eau potable et d'électricité, les Houatais qui sont traditionnellement pêcheurs mènent une vie rude et pauvre, avec peu de distractions.
Éclairage
L'île d'Houat est une île de la côte morbihannaise, qui s'étend sur 5 km de long, et sur 1,5 km au plus large. Elle est proche de la presqu'île de Quiberon et de l'île d'Hoedic, et fait face au Golfe du Morbihan. Elle fait partie de l'association des îles du Ponant, créée en 1972 dans le but de promouvoir et de protéger les quinze îles françaises de la Manche et de l'Atlantique qui ont une population permanente, un statut de collectivité locale et qui ne sont pas rattachées au continent par un lien fixe. Houat est une commune depuis 1891, et a une municipalité depuis la fin du système des recteurs (système dans lequel le curé faisait office de maire), après la Seconde Guerre mondiale. Au moment du reportage, en 1960, le recteur désigne le curé, qui a cependant encore une grande importance dans une communauté très attachée aux traditions.
L'île d'Houat vit essentiellement de la pêche aux crustacés (homards notamment) et aux poissons dits "nobles" (bars, dorades...). C'est d'ailleurs grâce à cette spécialisation qu'elle échappe au déclin de la pêche dans les années 1950, ainsi que par le renouvellement complet de sa flottille et de son port, après la tempête de janvier 1951 (le port de Saint-Gildas est construit, plus grand et plus près du village, et une flottille plus puissante est acquise, ce qui permet le redémarrage de la pêche dans des conditions modernes). En 1957, il y a 64 pêcheurs pour 20 bateaux, et ce nombre ne cesse d'augmenter : en 1967, il y a 81 pêcheurs pour 29 bateaux, et en 1986, 83 pêcheurs pour 45 bateaux. Aujourd'hui encore, huit hommes sur dix sont pêcheurs, même s'il n'y a plus que 31 bateaux. Le dynamisme de la pêche houataise permet un dynamisme démographique, qui fait de l'île l'une des rares exceptions au déclin démographique de la France rurale et insulaire dans les années 1950-1960 : l'émigration est faible, car les trois quarts des garçons restent sur Houat afin de devenir pêcheurs (les filles ont, quant à elles, tendance à émigrer, à partir du milieu des années 1960).
L'élevage du porc et de bovins, ainsi que le jardinage, constituent également une activité importante, qui permet aux habitants de n'être pas trop dépendants du continent, car les approvisionnements sont fortement liés aux conditions météorologiques. Cette activité va cependant décliner très rapidement à partir des années 1960, jusqu'à disparaître complètement.
Le tourisme sur Houat commence quant à lui au début du XXe siècle. Le premier hôtel est construit en 1913 et accueille surtout la haute bourgeoisie du continent, friande de homard. Les premiers bateaux de plaisance et d'excursions arrivent dans les années 1920, ce qui conduit d'ailleurs l'industriel Bolloré à offrir 110 000 francs au recteur en 1927 pour acheter 47 hectares de terrain au-dessus des deux plages principales, afin de protéger le site. Cette somme permet la construction d'une éolienne et l'adduction d'eau dans le village. Mais il faut attendre les années 1950 pour voir un nombre croissant de touristes débarquer l'été, attirés par le paysage sauvage et le calme qu'offre l'île.
Au début des années 1960, l'île d'Houat, bien que dynamique sur le plan économique et démographique, semble comme "oubliée par le progrès". Alors que sa voisine Belle-Île est équipée des installations modernes, Houat manque encore de presque tout, comme le montre le reportage. Toutefois, avec le dynamisme de la pêche et le développement rapide du tourisme, l'île s'intègre peu à peu à l'économie de marché, et se modifie progressivement : les maisons deviennent peu à peu plus grandes et plus confortables, et sont parfois louées l'été aux estivants. L'arrivée de ces derniers est cependant longtemps perçue par les Houatais de manière négative, car un grand décalage sépare la communauté insulaire, restée traditionnelle, des visiteurs venus du continent, habitués au confort et dont le mode de vie est très différent. Le nombre croissant de visiteurs pose également le problème de l'approvisionnement en eau potable l'été, question cruciale pendant de nombreuses années. La quantité d'eau potable disponible sur l'île est en effet très limitée, et elle se voit encore restreinte l'été en raison de la sous-pluviosité et de l'afflux des touristes, ce qui contraint fortement les habitants. Ce problème perdure longtemps, puisqu'une usine de déssalinisation expérimentale est installée au début des années 1970 mais ne fonctionne que quelques années. Une solution est trouvée en 1989, avec la découverte de nappes aquifères profondes.
La modernité n'entre donc que tardivement à Houat, et elle en est d'autant plus brutale. En effet, le 4 novembre 1963, l'électricité arrive, et bouleverse en dix ans un mode de vie très traditionnel. À partir de ce moment, les mentalités et les conditions de vie évoluent très rapidement, avec l'acquisition d'appareils électroménagers, de la télévision, du téléphone, et la création du tout-à-l'égout, des routes bitumées, du ramassage des ordures, d'un foyer où se déroulent séances de cinéma, spectacles et bals, d'un collège, d'un dispensaire, d'un second hôtel... L'arrivée de nombreux résidents secondaires fait augmenter les mariages mixtes, et les liens avec le continent sont renforcés par la mise en service en 1967 de l'Enez Houad, qui peut transporter 180 passagers et assurer cinq courriers par semaine, par tous les temps. Le progrès tant demandé par les Houatais en 1960 est donc extrêmement rapide, et modifie considérablement la communauté insulaire.
Cependant, si des années 1960 aux années 1990, l'île d'Houat fait preuve de dynamisme et d'une grande capacité d'adaptation, sa vitalité est aujourd'hui menacée par le déclin de la petite pêche artisanale depuis 1992. De nombreux jeunes houatais travaillent sur le continent, ne trouvant pas de ressources suffisantes à la pêche, et le tourisme, qui suscitait tant de mécontentement, est désormais l'un des moyens principaux pour les Houatais de travailler sur leur île.
Bibliographie :
Catherine Gaston-Mathé, Houat-La mémoire de l'île, Éditions nature et Bretagne, 1995.
René Scouarnec, Histoires de Houat, Éditions Verdi, 2008.
M. Pensec, Houat...hier et aujourd'hui...à l'heure de l'électricité, Imprimerie Presse du Morbihan, 1974.