Enquête sur la future rénovation du quartier Saint-Leu à Amiens
Notice
Daniel Bilalian (qui fait ici sa première apparition à la télévision), présente les projets de réhabilitation du quartier Saint-Leu à Amiens. Quartier historique et ouvrier de la capitale Picarde, Saint-Leu, constitué d'îlots autour de canaux dérivés de la Somme au pied de la cathédrale, n'a pas été rénové depuis l'après-guerre.
Éclairage
Si Saint-Leu est aujourd'hui considéré comme un lieu pittoresque d'Amiens, où il fait bon flâner et sortir, il s'agit à l'origine d'un ancien quartier industrieux et populaire, situé au pied nord de la cathédrale et constitué d'un dédale de ruelles et de "rieux", au tissu bâti marqué par la présence de vieilles maisons basses, étroites, souvent biscornues. Il concentrait les activités artisanales du travail du cuir et des étoffes et était, à la fin des années 1950 l'un des principaux quartiers ouvriers d'Amiens dont la population a ensuite rapidement diminué à la fin des années 1960. Saint-Leu était alors marqué à la fois par la dégradation de son tissu bâti, la vétusté des maisons, le nombre important de logements insalubres, le vieillissement et la marginalisation de la population résidente qui était alors constituée de personnes âgées, d'ouvriers, d'artisans disposant de ressources limitées.
Mais ici comme ailleurs, les habitants de Saint-Leu étaient très attachés à leur quartier, où ils ont passé, pour la plupart, toute leur vie ; il était donc difficile pour eux de le voir disparaître, tandis que, dans le même mouvement, ils ont difficilement accepté d'aller vivre ailleurs. Or, depuis la Seconde Guerre mondiale, différents projets de réaménagement ont été ébauchés, mais n'ont pas été réalisés. Ainsi, le plan Dufau (plan de reconstruction de 1942), s'il ne mentionne pas spécifiquement Saint-Leu, proposait de boucher les canaux et de tracer au cordeau de grandes artères ; le plan Sive (1956) reposait sur un nouveau plan-masse du quartier proposant de le raser intégralement ; le plan Maneval (1960) prévoyait, quant à lui, une rénovation coûteuse îlot par îlot en bouchant de nombreux canaux ; les plans Dacbert (1962-1963) transformaient Saint-Leu – en le rasant – en vaste espace vert et en lycée de jeunes filles ; un projet de classement et de sauvegarde du quartier, en application de la loi Malraux de 1962 instituant les secteurs sauvegardés en France, échoua également. Finalement, au cours de la campagne des élections municipales de 1971, un projet de réhabilitation du quartier fut porté par le communiste René Lamps et contribua à la victoire de son équipe.
Compte tenu de ces atermoiements et des reports successifs des projets d'aménagement, la dégradation du quartier s'est accélérée. Ainsi, le problème de l'habitat vétuste se posait, durant les années 1970, avec une acuité particulière dans le quartier Saint-Leu dans lequel de nombreuses maisons tombaient en ruines.
C'est finalement une politique de rénovation-réhabilitation qui s'est engagée, à partir de 1974. Elle reposait sur un double principe de maintien de la population et de conservation du bâti, quand cela était possible, la reconstruction, quand elle serait nécessaire, reposant sur l'alignement des anciennes rues et une architecture respectant les matériaux traditionnels. Dès le lancement de la politique de la ville en France, Saint-Leu bénéficia de la procédure DSQ (Développement social des quartiers) . Mise en place à partir de 1984, celle-ci planifiait l'implantation d'activités à vocation touristique – pourtant en contradiction avec les objectifs affichés par le projet défini en 1974 –, afin de profiter de la proximité de la cathédrale et du centre-ville ; ce nouveau projet et cette nouvelle ambition ouvraient ainsi une deuxième phase dans la transformation du quartier qui s'inscrivait dans une politique municipale de développement touristico-culturel de la ville dans son ensemble.
De plus, une faculté des sciences avait été édifiée dans les années 1960 à l'extrémité ouest du quartier. Le projet Broutin dit "de l'université de Saint-Leu" prévoyait le déplacement de l'ensemble des facultés du campus dans le quartier, censé devenir un nouveau "quartier latin" picard. Finalement, seule la faculté des sciences, puis la faculté de Droit et Sciences économiques et une antenne de la bibliothèque universitaire ont été construites dans le quartier dans les années 1990.
Aujourd'hui transformé et valorisé, ce quartier ancien, dont les fonctions urbaines ont été presque totalement renouvelées en l'espace d'une cinquantaine d'années, est devenu un lieu très fréquenté par les touristes, les visiteurs et les Amiénois, de jour comme de nuit.