Exode urbain : urbanisme consommateur de terres agricoles
Notice
Reportage sur l'exode urbain à la campagne dans les petits villages proches des grandes agglomérations. René Groussard du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) , pense qu'il y a transformation de l'espace rural et une transformation de l'espace social. Dans un village proche d'Amiens, Mme Jeanine Sachy, explique les raisons pour lesquelles elle s'est installée à la campagne. Les agriculteurs perdent leurs terres et comme l'observe l'un d'eux, Daniel Bulot, il n'est plus possible d'avoir certaines activités, comme l'ouverture d'une porcherie.
Éclairage
L'expression "exode urbain", utilisée dans le reportage est un jeu de mots construit à partir de la notion "exode rural" qui a désigné, avec une forte connotation idéologique, le processus d'émigration massive des populations rurales vers les villes à partir du XIXe siècle en France. Il s'agit donc de souligner, avec la force du mot "exode", un renversement de courant migratoire. Ce phénomène est plus communément appelé "péri-urbanisation", processus qui s'est enclenché, en France, depuis une quarantaine d'années, puisque c'est à la fin des années 1960 que l'habitat individuel en périphérie des agglomérations urbaines a commencé à devenir important. En Picardie, la péri-urbanisation a commencé à partir de la période inter-censitaire 1975-1982. En effet, lors des périodes inter-censitaires antérieures (1962-1968 et 1968-1975), la croissance démographique concerne principalement les unités urbaines et leur périphérie immédiate. En revanche, à partir de 1975, ce sont les espaces ruraux proches des villes qui deviennent les espaces les plus dynamiques sur le plan démographique, tendance qui se poursuit et s'intensifie par la suite. De plus, la péri-urbanisation touche au fur et à mesure de son déploiement des espaces ruraux toujours plus éloignés des villes. En 2010, 1418 communes sur les 2291 que compte la Picardie étaient considérées par l'INSEE comme des communes péri-urbaines, soit un peu moins de 62% des communes picardes contre 42,7% à l'échelle de la France métropolitaine (hors aire urbaine de Paris). La péri-urbanisation est donc particulièrement significative en Picardie.
Les causes de la péri-urbanisation sont multiples ; elles tiennent aux aspirations des ménages à davantage d'espace et à une plus grande proximité avec la "nature" ; il s'agit également de fuir les quartiers d'immeubles collectifs, considérés comme trop déshumanisés. La banalisation de l'automobile auprès des ménages à revenus moyens puis modestes a permis d'habiter loin des transports en commun et a ouvert à la péri-urbanisation de nouveaux espaces. Les pouvoirs publics ont également contribué à favoriser ce processus en encourageant l'habitat individuel à partir de la fin des années 1960 – l'expérience des " chalandonnettes" (1) –, mais surtout à la suite de la loi du 3 janvier 1977 qui marque l'inflexion de l'Etat en matière d'aide au logement, en promouvant l'aide à la personne au détriment de l'aide à la pierre et en créant des prêts aidés d'accession à la propriété.
Les habitants de ces communes péri-urbaines ou de ces campagnes urbaines sont des "néo-ruraux" en raison de leur lieu de résidence, mais ils restent des urbains par leurs modes de vie et par leurs activités professionnelles, souhaitant continuer à bénéficier des aménités que seules les villes peuvent proposer. L'arrivée parfois massive de ces néo-ruraux peut conduire à des tensions, voire à des conflits, avec d'autres habitants de l'espace rural, en particulier avec les agriculteurs.
(1) En 1969 , le ministre de l' Équipement et du logement , Albin Chalandon, lance un Concours international de la maison individuelle qui conduit à la construction de 70 000 pavillons individuels , qui ont été appelés "les chalandonnettes".