Le parc Saint-Pierre d'Amiens
Notice
Reportage au parc Saint-Pierre à Amiens cinq ans après son ouverture. Parc de loisir et espace naturel, des "guides verts" expliquent aux promeneurs comment protéger leur environnement.
Éclairage
Amiens, milieu des années 1980 : pratiquement au centre géométrique de la ville, quelques activités traditionnelles comme la pêche, des équipement vétustes, la piscine par exemple, quelques résidences, mais globalement un espace assez dégradé et de relégation urbaine. Telle est, globalement, la situation de cette partie cruciale de la ville, entre Cathédrale, – classée au patrimoine mondial en 1981 –, hortillonnages et le quartier Saint-Leu.
Quatre années – 1990-1994 – auront été nécessaires pour inventer ce qui est désormais le parc Saint-Pierre. Pour cela, il aura fallu conduire un véritable chantier de travaux publics sur les 19 ha du site : arracher et planter des arbres, ouvrir les pistes, ménager les pelouses, imaginer la végétation pour, au final, raconter aussi une histoire de la ville. L'enjeu d'aménagement est considérable et le cahier des charges plutôt compliqué : comment, tout à la fois, produire un espace à forte "identité" – l'importance de l'eau et la présence de canard en atteste – et organiser les liens entre différents pôles urbains qui ne communiquent guère. De fait, le projet s'inscrit dans un projet urbain global qui intègre la ZAC Cathédrale, la piétonnisation du centre ville et s'achève dans le remodelage de la place Fiquet. La nature du parc Saint-Pierre est donc une nature construite et, singulièrement même, une nature "urbaine", autrement dit une nature pour urbains et intégrée à un projet global de ville.
Telle est, encore, l'idée que développe et illustre ce reportage diffusé le 20 mai 1999. Parmi d'autres, il valorise sur deux aspects essentiels du parc. D'une part, il s'agit de le présenter comme espace naturel et d'en rendre accessible les savoirs à ceux qui le souhaitent. Le parc n'est-il pas un peu espace touristique ? Ce faisant, on parie sur une meilleure compréhension de ses logiques, espérant peut-être une identification, voire un attachement, plus forts des usagers. La nature, cela se regarde, s'apprend. Le document insiste, de l'autre, sur les multiples usages possibles du parc : promenades à vélo ou avec un chien, pêche, repos, etc. et en suggère d'autres, plus insolites, pourvu qu'ils restent dans les règles de l'ordre urbain. Par l'image plus que les mots, il montre, enfin, l'importance de la circulation, à la fois dans ses limites, mais aussi comme élément de lien urbain central : longue de 620 m, voici la "promenade des jours", rappelant ainsi le travail d'une journée de charrue ; franchissant les grieux – ces canaux de la Somme – une série d'escaliers, de passerelles (comme la passerelle Samarobriva, nom ancien d'Amiens qui signifie "pont sur la Somme") et de petits ponts participent ainsi à la diversité, au "charme" et à la fluidité du lieu. Là, dans la paix des diverses pratiques de nature que montre le document, se joue une part importante de la construction de l'urbanité amiénoise, une urbanité décontractée à l'instar du présentateur, au nœud de laquelle se trouve le parc.
On comprend alors peut-être un peu mieux les conflits qui ont entouré sa construction et l'équivalent des 6,5 millions d'Euro, hors taxes, engagés. Avec le point de vue des usagers traditionnels, était défendue une conception de la ville et de son fonctionnement. La mise en avant de "valeurs" et d'images urbaines contemporaines, celles fondées sur la nature par exemple, implique bien une autre approche du "vivre-ensemble". En privant les anciens usagers de leurs pratiques, elle marginalise du coup les mémoires sociales précédentes. Faut-il le regretter ? Là n'est pas tant la question que dans sa conclusion : ici comme ailleurs, la question de la nature se pose aussi en termes politiques.