La cathédrale d'Amiens
Notice
Visite de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens en compagnie du truculent guide du monument, Jean Macrez. Celui-ci nous conte l'histoire de cette cathédrale bâtie en seulement 45 ans. En 1940 elle fut le seul édifice de la ville resté intact lors des bombardements. Ce reportage est illustré de nombreux plans tournés en intérieur et en extérieur qui rendent compte des dimensions impressionnantes de l'édifice.
Éclairage
Ce reportage diffusé en 1996 présente une vision allègre et simple du grandiose monument grâce à l'humour, ô combien picard, du guide Jean Macrez, dont les Amiénois auront reconnu la silhouette. Face à la grandeur et à la beauté, l'humour picard préfère en effet toujours se dévaloriser et se moquer de lui-même dans une auto-dérision foncièrement douloureuse. C'est une différence avec l'humour belge (les Picards sont des Belges pour Jules César) totalement construit sur l'invraisemblable et l'absurde. Ceci pour dire que ce qui fait le prix de l'édifice cathédrale d'Amiens ce ne sont pas uniquement ses proportions architecturales somptueuses, mais aussi la présence à leur côté de la dimension humaine du quotidien.
On pensera sans doute aussitôt à la face la plus visible de cette dimension, à savoir les gargouilles évacuatrices de pluie. Mais dans les blasons en quatre-feuille du portail ouest (portail saint Firmin) les signes du zodiaque sculptés montrent avec beaucoup de conviction des paysans en plein travail saisonnier (voir le "geste auguste" du semeur au signe du Sagittaire, par exemple). Les stalles du chœur sont l'autre exemple de la présence du populaire et du vivant avec leurs 4000 figures bibliques sculptées dans le chêne blond par les "huchiers" (sculpteurs) Boulin, Avernier et Huet sur l'espace de onze ans (1508-1519) pour en faire l'un des trésors du gothique flamboyant. D'ailleurs s'il fallait retenir un élément plutôt que d'autres à propos de ce monument ce serait l'incroyable vitesse générale d'exécution. On n'est jamais allé aussi vite, aussi haut, aussi large dans aucune construction de ce type. D'où ce sentiment de légèreté et de vitesse qui saisit lorsqu'on entre par le portail saint Firmin et que se décalant légèrement vers l'axe central on prend la mesure de la nef. Soit exactement 42 mètres 30 pour la hauteur sous la voûte. Or commencée en 1220 sur commande de l'évêque Évrard de Fouilloy et confiée à l'architecte Robert de Luzarches, cette nef sera achevée à peine dix ans plus tard en 1230. Luzarches étant mort entre-temps en 1422, le flambeau est repris par Thomas de Cormont et le chœur terminé en 1269. On donne 1288 pour date d'achèvement définitif de l'édifice, époque à laquelle dut être installé le dallage du labyrinthe. Ce qui fait de la cathédrale l'édifice le plus rapidement construit de toute la chrétienté, sans même évoquer quelques ralentissements dus au manque d'argent ou au mauvais vouloir de tel ou tel évêque. Car la construction du monument correspond en vérité à la grande prospérité de la ville, reposant sur la culture de la guède (ou pastel) et la teinturerie des draps, ainsi que sa proximité aux routes du commerce entre foires de Champagne et villes de la Flandre. Si l'on ajoute que la présence des reliques de saint Jean Baptiste rapportées des croisades par tel chevalier picard (Wallon de Sarton, évêque de Picquigny) faisait déjà du lieu l'objet de pèlerinages, et que le soldat de Pannonie Martin, devenu célèbre sous le nom de saint Martin, avait divisé en deux près de là, au Vè siècle, son manteau pour en vêtir un pauvre, toute cette concordance d'événements explique la ferveur suscitée par cette cathédrale.
On ne peut d'ailleurs expliquer que par la ferveur et la foi ce magnifique élan s'incarnant dans la pierre blanche de Picquigny, charriée en bateau sur la Somme jusqu'au chantier. Ne manquait plus que la bénédiction d'un vrai miracle : celui qui se produisit dans la nuit du 19 au 20 Juin 1940 lorsque les bombes incendiaires allemandes brûlèrent la ville entière, laissant la cathédrale intacte. D'ailleurs le monument avait déjà échappé à plusieurs alertes comme l'incendie de la flèche en 1527, sans conséquences, et les tirs de l'artillerie allemande en 1918, interrompus sur intervention du pape Benoît XV. Classée monument historique depuis 1862, la cathédrale est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1981. Enfin le nettoyage des portails au laser dans les années 1990 a permis de découvrir des traces de polychromie qui depuis 1999 ont donné prétexte à un grandiose spectacle « Son et Couleur », par projection sur la façade, chaque été et pendant les fêtes de fin d'année.