Les frères de la terre gersoise
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Résumé
Ce reportage nous plonge dans le quotidien d’une famille gersoise à Riscle. Les sept frères de la famille Terrain exploitent ensemble une propriété agricole de 210 ha. Grandes cultures céréalières, élevage, entretien du matériel, gestion de l’administration ; ils se répartissent le travail en fonction des compétences de chacun. Cette organisation originale a permis de dégager du temps de loisir et à l’un des frères de pratiquer le rugby de haut niveau.
Date de publication du document :
14 sept. 2021
Date de diffusion :
16 déc. 1976
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Contexte historique
ParEthnologue
Publication : 14 sept. 2021, modification : 17 déc. 2021
La Ve République concrétise une rupture radicale au sein des mondes agricoles. En France, les petites unités de production basées sur un modèle familial « traditionnel » ne sont plus rentables. Deux issues semblent alors se dessiner : cesser l’activité ou s’inscrire dans le modèle prescrit d’une agriculture d’entreprise. Pour répondre aux nouvelles lois de la consommation et de l’élargissement de la mise en marché, l’intensification des appareils productifs est visée et conduit à de nouvelles configurations : mécanisation du travail et performation de l’outillage agricole, augmentation des volumes et des rendements, concentration des moyens de production, agrandissement des surfaces d’exploitation, remembrement des parcelles, spécialisation des cultures et des élevages, sélection des espèces végétales et animales, nouveaux circuits de commercialisation, etc. La ferme devient une « exploitation » et le paysan un « agriculteur » qui répond aux nouvelles normes impulsées par la modernisation, alors dominantes, et à la compétitivité des marchés qui en découle.
Cette politique s’appuie alors sur les forces des jeunes agriculteurs. Les formations qui se déploient véhiculent l’idéal du « bon agriculteur ». On conseille le recours à la chimie et à la science par l’introduction de variétés hybrides plus adaptées au ramassage mécanique et plus résistantes. On incite à l’investissement, à la contractualisation de crédits bancaires, donc à l’endettement, une logique également nouvelle qui libéralise le secteur primaire, réinterroge ses intérêts professionnels et son rapport au profit par un passage à l’industrialisation des pratiques agricoles. La dite « course aux rendements » est engagée. La performance de l’équipement devient un indicateur de promotion sociale et de capacité à réussir. À la fin des années 1960, le Gers serait le département ayant le plus grand nombre de tracteurs (14 000) remplaçant les attelages de bœufs. Leur utilisation impacte les conditions de travail de l’agriculteur, mais aussi les sols. Pour faciliter son passage et agrandir les surfaces, haies et petits bosquets sont coupés : les paysages changent, certains pâturages deviennent des champs de céréales. À l’élevage de la race bovine gasconne dès lors mise en péril, se substitue un élevage de races plus productives pour le lait et la viande de boucherie (veaux). D’une pratique d’élevage de volailles en basse-cour, l’élevage de poulets s’intensifie également, favorisé par l’exportation vers les grandes villes, voire à l’étranger.
Aux variations techniques et économiques, non sans résistances syndicales, s’ajoutent les mutations socio-culturelles : formes de travail augmentées de charges administratives croissantes, savoirs, savoir-faire, structures familiales et systèmes de pensée sont impactés. Si les agriculteurs sont moins nombreux à être « restés », la mécanisation se substitue à la main d’œuvre, autonomise l’exploitation, individualise l’organisation et les pratiques culturales, facilite le travail et dégage du temps libre. La société agricole peut alors, elle aussi, accéder à celle du loisir et participer aux normes sociales de consommation induites par les Trente Glorieuses.
Éclairage média
ParProfesseure de lettres, histoire et géographie en lycée professionnel
Ce reportage débute par une présentation de chacun des sept frères Terrain, puis se poursuit dans l’intimité du foyer familial. Le journaliste rappelle la chronologie des acquisitions de terres des frères, pour que le téléspectateur prenne la mesure de la réussite familiale.
Filmé comme un documentaire, le reportage alterne des plans-séquence très descriptifs au sein de l’exploitation et des interviews avec chaque membre de la fratrie. Ceux-ci sont alors filmés dans leur travail quotidien au sein de l’exploitation. À travers ces portraits, le reportage nous donne à voir l'image d’une famille soudée et solidaire. Si chacun d’entre eux s’est spécialisé, ils restent polyvalents. C’est bien un système de coopérative familiale qui nous est présentée : organisation, efficacité, productivité, mais aussi souplesse et organisation en fonction des emplois du temps de chacun ; poursuite d’étude pour les deux plus jeunes, responsabilité professionnelle pour Benoît Terrain, mais encore et surtout le rugby !
Bibliographie
- Gille Allaire, « Le modèle de développement agricole des années 1960 », Économie rurale, 1988, n° 184-186.
- « Armagnac, cœur de la Gascogne », Bibliothèque du Travail, n° 656, 15 décembre 1967.
- Bertrand Hervieu et François Purseigle, Sociologie des mondes agricoles, Paris, Armand-Colin, 2013.
- Lucette Lepagnot, « La motorisation des campagnes dans le Lot-et-Garonne », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1960, tome 31, fascicule 4, p. 345-380.
- Mendras Henri, La fin des paysans, innovations et changement dans l’agriculture française, Paris, Armand-Colin, 1970.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Jacques Sudan
Daniel, Benoît, Laurent, Christophe, Damien, Philippe, Jean-Marie, si vous ne voyez que sept frères Terrain, c’est parce que le huitième a quitté l’agriculture et que les six soeurs ne peuvent être réunies.Seule Odile, suppléant papa et maman trop tôt disparus, élève les deux plus jeunes garçons, Philippe et Jean-Marie, et les deux plus jeunes filles, Bernadette et Fabienne, encore lycéennes.
(Bruit)
Jacques Sudan
Les célibataires, Laurent, Daniel et Damien, participent également au repas.
(Bruit)
Jacques Sudan
Donc nos sept frères sont agriculteurs et ont décidé d’unir leurs efforts.Tout est parti de l’exploitation des parents.55 hectares de surface agricole utile en propriété et en fermage.En 1970, Daniel et Benoît achètent par moitié 40 hectares à Riscle, et Daniel ajoute 18 hectares en fermage.En 1972, Laurent s’installe sur 30 hectares en coteau, dans le canton d’Aignan, exploitation sans bâtiment.Enfin en 1975, Christophe et Benoît acquièrent 50 hectares, 35 pour Christophe, 15 pour Benoît qui reprend 50 hectares sur l’exploitation du beau-père.Au total, environ 250 hectares dont 210 cultivables.Damien, Philippe, Jean-Marie auront plus tard l’exploitation des parents encore dans l’indivision.Donc maintenant, nos sept frères vont se spécialiser et s’équiper en matériel en commun en fonction de leur surface.
Benoît Terrain
Nous avons une surface qui peut sembler suffisante pour travailler individuellement, mais nous travaillons ensemble pour des raisons économiques.Un exemple très simple :un tracteur de 100 chevaux, qui a une charrue quadrisoc, coûte moins cher que deux tracteurs de 60 chevaux ayant chacun une charrue bisoc.Il ne faut qu’une seule personne pour le conduire et ensuite le coût du matériel est moindre.
(Bruit)
Jacques Sudan
Laurent, 27 ans, intéressé aux productions végétales, sème, récolte, et cette fois laboure.
(Bruit)
Jacques Sudan
Damien, 23 ans, est l’un des spécialistes des productions animales.Les chevaux et les bovins, les bovins qu’il s’apprête à nourrir avec de l’ensilage.
(Bruit)
Jacques Sudan
Daniel, l’aîné, le mécanicien de l’équipe, s’occupe avec Laurent des productions végétales.Il récolte le maïs à la moissonneuse, à la moissonneuse qu’il n’aurait pu s’acheter tout seul.Mais le séchoir reçoit maintenant la production de maïs de 140 hectares.Et ce maïs sera utilisé en aliment sur l’exploitation.
(Bruit)
Jacques Sudan
Christophe l’aidera à rentrer la récolte.
(Bruit)
Jacques Sudan
Les tâches étant réparties, la spécialisation permettant une plus grande rapidité d’exécution, l’organisation permet davantage de souplesse.
Benoît Terrain
Cela nous donne d'avantage de temps de libre.C’est ce qui nous a permis de monter deux ateliers hors-sol, un atelier de pondeuses et un atelier de porcs.Et ensuite, grâce à cela, de monter un atelier de transformation de nos grains en farine pour ces élevages.
(Bruit)
Jacques Sudan
Les deux plus jeunes fils, Philippe et Jean-Marie, finissent leurs études dans une institution à mi-temps et ne se retrouvent ensemble sur l’exploitation que le samedi et le dimanche.Lorsque Jean-Marie, 17 ans, est à l’école, Philippe, 18 ans est responsable des 25 truies-mères et de leurs porcelets.
(Bruit)
Jacques Sudan
Lorsque Philippe étudie, c’est Jean-Marie qui nourrit les milliers de pondeuses et ramasse chaque jour les oeufs également par milliers.
(Bruit)
Jacques Sudan
Nous venons de visiter deux productions hors-sol, on peut dire à grande échelle.N’est-ce pas dangereux, étant donné les aléas du marché ?
Benoît Terrain
Oui, les productions hors-sol sont toujours, disons, dangereuses pour l’économie d’une exploitation.Mais nous avons, d’une part, des vaches laitières, ensuite nous avons deux ateliers, ce qui réduit les risques.Au point de vue production végétale, c’est le même, il ne grêle jamais sur toutes les terres en même temps.Donc, le fait de travailler en commun nous diminue les risques.
Jacques Sudan
Vous semblez chacun responsable d’une production.
Benoît Terrain
Oui, dans le groupe, nous sommes plus particulièrement responsables, chacun, d’une production et ceci pour préserver l’initiative individuelle.Mais cela ne nous empêche pas de nous remplacer, non seulement pour les week-ends, mais aussi d’être libres pour les responsabilités professionnelles et sportives.
(Bruit)
Jacques Sudan
Benoît Terrain qui a 28 ans, travaille plusieurs hectares de vignes.Mais grâce au remplacement des ses frères, peut occuper des responsabilités au centre régional des jeunes agriculteurs, et il se passionne pour les problèmes de formation.
(Bruit)
Jacques Sudan
Daniel, après avoir suivi comme ses frères, un stage de 200 heures à raison de deux jours par semaine, est devenu un mécanicien de valeur.C’est lui qui entretient et répare tout le matériel de l’exploitation.Parfois même, il modifie avec bonheur tel ou tel tracteur afin d’en augmenter le rendement.
(Bruit)
Jacques Sudan
Christophe, 25 ans, l’administration.
Christophe Terrain
Oui, il y a un travail considérable au niveau de l’administration.Je m’occupe de l’administration de cinq exploitations.Travail qui consiste au départ à la réception du courrier, au classement comptabilité, toutes les démarches administratives.Un travail qui représente trois heures de boulot par jour en plus de mon travail habituel d’exploitation.
(Musique)
Jacques Sudan
Voilà nos sept frères devenus des agriculteurs spécialistes, mais polyvalents.C’est pourquoi, ils peuvent prendre leur tour de permanence le dimanche, pour soigner les animaux, tandis que les autres peuvent s’adonner à leur sport favori.Damien se plaît beaucoup avec ses chevaux.Il possède des juments poulinières et il fait lui-même travailler ses poulains avant de les monter.
(Bruit)
Jacques Sudan
Benoît possède son exploitation à 20 kilomètres de Riscle, à Vergoignan tout près des Hautes-Pyrénées.Ses terres, achetées ou louées, entourent le club hippique animé par son beau-père.L’équitation est son sport favori, car lui aussi, élève des chevaux.Jean-Marie, Philippe et Stéphane, le week-end, jouent au rugby à Riscle, en plein coeur de la Gascogne, là où la famille Terrain est venue s’installer.C’est aussi à Riscle qu’avait débuté au rugby Christophe, devenu le capitaine de la fameuse équipe de Lourdes.
Christophe Terrain
Pour moi, le rugby ça a d’abord été une manière d’exprimer un peu ma personnalité surtout.J’ai vécu dans un autre milieu, ce qui m’a permis de vraiment m’épanouir un petit peu.Ne pas [inaudible] et rester uniquement à la campagne dans une ferme.Je n’aurais pas connu ce que j’ai pu connaître dans le [inaudible] du rugby, je pense.
Jacques Sudan
C'est-à-dire que le rugby vous a ouvert les choses de la vie en quelque sorte.
Christophe Terrain
Oui, surtout à un âge, je pense à mon adolescence où justement, j’avais besoin justement de découvrir un petit peu autre chose que mon village, que mon travail, je pense qui c'était [inaudible] pour moi.
(Bruit)
Christophe Terrain
Après une semaine au travail, je pense que, pratiquer le sport, dans un autre cadre, fait beaucoup de bien à tout être je pense.
Jacques Sudan
Et le pratiquer au plus haut niveau, c'est-à-dire aspirer peut-être, un jour, à revêtir la cape d’international, cela est une stimulation.
Christophe Terrain
C'est-à-dire que, justement c'est là qu'entre tout le problème d'une organisation sur l’exploitation,je pense que je peux dire grand merci à toute ma famille et surtout mes frères qui, grâce à eux, notamment par des systèmes de remplacements les dimanches et les jours d'entraînement, m’ont permis de pratiquer le rugby à un plus au niveau.Sinon, je pense que ça n’aurait jamais été possible.
(Bruit)
Jacques Sudan
Est-ce toujours le beau fixe ?
Benoît Terrain
Oui et non, comme dans toute équipe de travail, il arrive qu’il y ait des tiraillements.Mais, nous travaillons... Nous savons très bien que si nous ne travaillions pas ensemble, nous aurions de grosses difficultés à rembourser nos emprunts.Et c’est la raison qui nous incite à rester ensemble.De plus, nous avons étudié toutes les modalités de séparation, et à chaque instant, chacun est libre de mesurer les risques d’une séparation et d’un travail individuel.
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