Election du président du Conseil régional
Notice
Jean-Claude Gaudin est élu président du conseil régional. Auparavant, chaque groupe a présenté son candidat. Au deuxième tour, alors que le Front National a soutenu le candidat RPR, le Parti Communiste ne s'est pas rallié au Parti Socialiste qui présentait la candidature de Michel Pezet.
Éclairage
L'élection de Jean-Claude Gaudin à la présidence du Conseil régional, le vendredi 21 mars 1986, au Centre méditerranéen du commerce international, est la conséquence du basculement à droite qui a résulté des élections régionales du 16 mars précédent. Dans le contexte du moment, l'élection des conseillers généraux au suffrage universel et à la proportionnelle a donné une majorité d'élus à la droite (UDF-RPR) et à l'extrême droite (FN), avec respectivement 47 et 25 sièges. La gauche, avec 45 sièges (31 socialistes ou apparentés et 14 communistes), perd donc la direction du conseil régional qu'elle détenait depuis sa création en 1974, avec Gaston Defferre, puis avec Michel Pezet, qui lui avait succédé en 1981.
Dans le reportage sur son élection, la satisfaction de Jean-Claude Gaudin se lit sur son visage. C'est pour lui une revanche, après son échec aux municipales de 1983, qui, à ses yeux, lui ont été "volées" par Gaston Defferre. C'est aussi pour Jean-Claude Gaudin une consécration puisqu'il devient le chef de file de la droite dans la région, alors que François Léotard poursuit sa marche vers le pouvoir sur le plan national avec son accession à un ministère de prestige, celui de la Culture et de la Communication, dans le gouvernement que Jacques Chirac vient de former. Lui-même aurait refusé d'entrer au gouvernement pour s'occuper des relations avec le Parlement. Son objectif politique est local et régional.
Mais le problème de cette élection - et son enjeu sur un plan qui va bien au-delà de la région - réside dans la stratégie d'alliance avec le FN adoptée par la droite locale. Durant toute la semaine précédant l'élection du président du Conseil régional, la rumeur est allée bon train sur les contacts Gaudin/FN et sur l'attitude que les gaullistes du RPR adopteraient. Il a fallu attendre le 21 au matin, à l'issue de la réunion des groupes, pour apprendre que les négociations entre droite et extrême droite avaient abouti à un accord qui donnait au FN trois postes de vice-président et la présidence de quatre commissions. L'après-midi, qui voit donc l'élection de Jean-Claude Gaudin à la majorité absolue, au deuxième tour, par 72 voix contre 31 à Michel Pezet et 14 à Robert Allione, le candidat communiste, se déroule dans une atmosphère houleuse et tendue. La voix des orateurs est souvent couverte par les invectives, des huées fusent, Jean-Claude Gaudin est interpellé, et il faut l'autorité bonhomme du doyen d'âge Louis Philibert pour que le calme se rétablisse.
La nouvelle direction du Conseil régional comprend huit vice-présidences (3 UDF, 3 RPR, 2 FN), le bureau de 29 membres est composé de 12 UDF/RPR, 6 FN, 8 PS et 3 PC, mais les partis de gauche ont refusé la présidence des commissions qui leur étaient offertes. Cette nouvelle majorité, droite/extrême droite, traduit l'évolution des rapports de force électoraux dans la région et la radicalisation à l'extrême droite d'une partie de l'électorat. Les communistes connaissent un déclin accéléré. Une partie de leur électorat est passée au PS (qui est devenu le premier parti de gauche sur le plan régional et dans les Bouches-du-Rhône) ou au FN. C'est aux cantonales de 1985 que le FN s'est imposé dans le paysage régional, au point de faire de Marseille et de sa région une sorte de laboratoire. Si une part des milieux populaires votant à gauche a rejoint son électorat, c'est surtout la droite que le FN mine de l'intérieur. Sans doute Jean-Claude Gaudin et la plupart de ses amis (François Léotard faisant d'emblée exception) ne considèrent-ils pas le FN comme une force politique infréquentable. Il a déclaré : "L'adversaire se situe à gauche, ; à droite, je ne vois que des concurrents". Une partie des cadres du FN militait soit au RPR, soit à l'UDF il y a peu et, de fait, beaucoup de points communs relient les uns et les autres, tant sur le plan des thématiques électorales développées (sécurité, immigration, baisse des impôts, etc.), que sur le plan des ressentiments (anticommunisme et, plus généralement, profonde hostilité à la gauche, peurs communes). Cela se traduira, au fil du temps, par le "débauchage" d'une dizaine de conseillers FN, ce qui permettra ainsi de consolider la majorité de droite.
Cette tentation de l'alliance avec l'extrême droite persistera longtemps. On la verra encore à l'oeuvre par la suite, jusqu'en 1998 pour éviter l'accession de Michel Vauzelle (PS) au conseil régional. Mais alors cette option se heurtera à l'hostilité résolue de ceux qui, à droite, avec François Léotard, estimaient qu'elle constituait un reniement. Rendu prudent, ayant finalement mesuré la faute politique qu'il avait commise en 1986 (et l'ayant probablement payée de son échec municipal de 1989), Jean-Claude Gaudin se tint alors en retrait.