Christian Estrosi (LR) remporte les élections régionales face au Front national
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Durant les élections régionales de 2015, de nombreux électeurs de gauche se sont mobilisés au vu du contexte particulier qui opposait deux candidats de droite. Leurs votes ont ainsi été reportés sur le candidat Les Républicains, Christian Estrosi, élu avec 54% des voix face à Marion Maréchal-Le Pen, tête de liste du Front national.
Date de diffusion :
14 déc. 2015
Date d'évènement :
13 déc. 2015
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ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Le 6 décembre 2015, au soir du premier tour des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la candidate d’extrême droite Marion Maréchal-Le Pen arrive largement en tête (40,55 %) distançant le candidat Les Républicains Christian Estrosi (26,47 %) et le représentant du Parti socialiste Christophe Castaner (16,59 %). Députée du Vaucluse, elle a remplacé son grand-père Jean-Marie Le Pen, auteur quelques mois plus tôt d’une nouvelle provocation verbale négationniste et antisémite dans une émission matinale à la télévision. Cette attitude est en effet peu compatible avec la stratégie de dédiabolisation engagée par Marine Le Pen depuis son accession à la tête du Front national en 2011. Marion Maréchal-Le Pen maîtrise mieux les règles de la communication, et se révèle assurément moins véhémente que le patriarche. Nationaliste, catholique et proche de la mouvance identitaire, elle est toutefois plus proche idéologiquement de ce dernier que sa tante Marine Le Pen.
La région constitue de longue date une terre de succès pour le parti d’extrême droite. Lors des élections européennes de 1984, premier scrutin national depuis le choc des municipales de Dreux l’année précédente (ayant vu la fusion au deuxième tour entre les listes RPR/UDF et FN après que le FN ait obtenu 17 % au premier tour), le Front national obtient dix députés à l’échelle de l’Hexagone et enregistre ses trois meilleurs scores dans les Alpes-Maritimes, le Var et les Bouches-du-Rhône. L’année suivante, c’est à Marseille que le parti lepéniste voit l’élection de son premier conseiller général, en la personne de Jean Roussel, transfuge de la droite. Deux ans plus tard, sur les trente-cinq députés Front national élus grâce à l’introduction de la proportionnelle, huit le sont en Provence-Alpes-Côte d’Azur. À l’issue des élections régionales, l’UDF Jean-Claude Gaudin accède à la présidence avec le soutien de l’extrême droite, ce dont il n’aura plus besoin six ans plus tard. Le dimanche 17 avril 1988 à une semaine du premier tour des élections présidentielles, Jean-Marie Le Pen rassemble 30 000 personnes lors d’un meeting de campagne géant tenu au stade Vélodrome à Marseille et obtient dans les urnes un quart des votes en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Un nouveau coup de tonnerre intervient lors des élections municipales de 1995 avec la victoire de candidats frontistes à Orange, Marignane et surtout Toulon (première ville de plus de cent mille habitants conquise par l’extrême droite), puis en 1997 à Vitrolles. Le Front national est ensuite certes temporairement affaibli sur le plan national par le départ, en 1998-1999, de Bruno Mégret et de ses partisans. Cette scission fait en effet perdre au mouvement de nombreux cadres et élus. Mais, aux élections régionales de 1998, Jean-Marie Le Pen obtient plus du quart des suffrages, devançant même le candidat de droite François Léotard, qui refuse les voix frontistes pour être élu (ce qui se produit dans d’autres régions) et laisse le candidat socialiste Michel Vauzelle, arrivé en tête, accéder à la présidence, à laquelle il sera réélu en 2004, alors que Jean-Marie Le Pen qui ne réside pas dans la région et n’y paie pas d’impôts est interdit de se présenter. Aux élections présidentielles de 2002, le leader frontiste rassemble sous son nom plus d’un électeur sur cinq de la région lors du premier tour, le 21 avril, et plus d’un électeur sur quatre au second tour, avant de connaître un recul spectaculaire en 2007, consécutif au report des voix de son électorat vers le candidat de droite Nicolas Sarkozy. Le vote pour le parti d’extrême droite repart néanmoins à la hausse et aux élections municipales de 2014 plusieurs mairies sont conquises en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont Fréjus par David Rachline et le septième secteur de Marseille par Stéphane Ravier.
En 2015, Michel Vauzelle achève son troisième mandat à la tête de la région, mais le Parti socialiste est électoralement affaibli en Provence-Alpes-Côte d’Azur et fortement divisé en interne sur fond d’accusation de détournements de fonds publics contre Jean-Noël Guérini, l’ancien puissant président de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône et du conseil général. En outre, son candidat, choisi par les militants, manque de notoriété. Christophe Castaner, 49 ans, est député des Alpes-de-Haute-Provence depuis 2012 et maire de Forcalquier depuis 2001. Au soir du premier tour et malgré son piètre score, il appelle au rassemblement des forces de gauche en vue du second tour. Mais dans la foulée, le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis annonce depuis Paris le retrait de la liste socialiste, conscient, que, dans un second tour demeurant incertain, seule la droite est en mesure de faire barrage à l’extrême droite.
Lorsqu’il se présente en 2015 aux élections régionales, Christian Estrosi a déjà derrière lui une longue carrière politique ancrée à droite, comme député et président du conseil général des Alpes-Maritimes, comme conseiller municipal puis maire de Nice, et comme conseiller régional et même vice-président de la région. Il a aussi été ministre délégué à l’Aménagement du territoire (2005-2007), secrétaire d’État chargé de l’Outre-Mer (2007-2008) et ministre chargé de l’Industrie (2009-2010).
Pour certains électeurs de gauche, il n’est donc pas aisé de lui accorder leur suffrage, d’autant plus qu’en 1998, alors président du groupe RPR au conseil régional, il avait été tenté par une alliance avec l’extrême droite pour éviter l’élection à la présidence du socialiste Michel Vauzelle.
Avec le slogan « Résistance » choisi pour la campagne d’entre-deux-tours, le candidat Les Républicains fait explicitement référence au Conseil national de la Résistance (CNR) dans le but d’opérer un large rassemblement. Présidé à l’origine par Jean Moulin, cet organisme regroupe à partir de 1943 les différents mouvements de Résistance intérieure, ainsi que des syndicats et des partis politiques n’ayant pas fait allégeance au régime de Vichy, quelles que soient leurs tendances politiques. Christian Estrosi affirmant d’ailleurs dans le quotidien La Provence « quand on prend le maquis on n’est ni de gauche ni de droite ». Au final cette stratégie de front républicain, accompagnée d’une dramatisation des enjeux, s’avère payante, puisque le 13 décembre Christian Estrosi l’emporte largement au second tour avec 54,78 % des voix contre 45,22 % pour Marion Maréchal-Le Pen. Au soir de sa victoire, il continue à filer la métaphore avec la Seconde Guerre mondiale en évoquant un cataclysme évité à hauteur de celui de la bataille de France, c’est-à-dire l’invasion du pays par les troupes nazies en mai et juin 1940.
Bibliographie
- Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg, Les Droites extrêmes en Europe, Paris, Le Seuil, 2015.
- Serge Moati, Le Pen vous et moi, Paris, Flammarion, 2014
Transcription
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