Melville trouve son deuxième souffle
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Résumé
Ce document, enregistré en février 1966 à Marseille, s'offre une mise en scène très « melvillienne » pour rendre compte du tournage du Deuxième souffle. On assiste d'abord aux préparatifs d'un plan qui sera effectué à la grue. Tandis qu'on aperçoit le réalisateur Jean-Pierre Melville et l'acteur Mel Ferrer (qui ne jouera finalement pas dans le film) le commentaire évoque « une histoire de truands dure et violente ». Puis, dans un bar où ils sont accoudés façon gangsters, Melville, Lino Ventura et Paul Meurisse répondent tour à tour aux questions du journaliste. Le cinéaste souligne les problèmes posés par un scénario où s'entrecroisent pas moins de douze personnages. Ventura et Meurisse parlent de leur rôle respectif.
Date de diffusion :
26 févr. 1966
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Contexte historique
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Haletant va-et-vient entre Paris et Marseille, Le Deuxième souffle est le rejeton de deux êtres singuliers, unis par une même fascination pour les truands « à l'ancienne » : José Giovanni et Jean-Pierre Melville.
D'origine corse, José Giovanni commence sa vie de la pire façon : racket, enlèvement, et complicité d'assassinat, le tout en relation avec les milices gestapistes et les plus troubles « collabos ». Arrêté en 1946, il est condamné à mort deux ans plus tard, peine qui sera finalement commuée en vingt ans de prison. En fait, il en fera dix. Il a 33 ans, en 1956, lorsqu'il sort de prison, et se met aussitôt à écrire un premier roman, Le Trou, qui raconte sa tentative d'évasion. Puis, il publie en rafale, en l'espace de quelques mois, trois autres titres qui vont très bien marcher dans la Série Noire : Classe tous risques, L'Excommunié et Le Deuxième souffle, tous inspirés par cette grande truanderie qu'il a fréquentée de près.
Le personnage central du Deuxième souffle, Gustave Minda, fait ainsi référence à une figure du Milieu marseillais, Gustave Méla, dit « Gu le terrible », un des premiers adeptes en France du hold-up à l'américaine, célèbre pour le braquage, juste après son départ de la gare Saint Charles, d'un train blindé transportant 180 kilos d'or et des pierres précieuses, dans la nuit du 22 septembre 1938. Grâce à des tuyaux aimablement fournis par Carbone et Spirito qui n'aiment guère ces « désordres », la police arrêtera le gang peu après. Gu Méla s'évadera bien de la prison de Castres en 1944, mais sera repris et mourra en prison, en 1960, à la Centrale de Nîmes.
Bien entendu, Giovanni ne garde du personnage et de ses faits d'armes que les éléments susceptibles d'en faire un héros « bigger than life », un « homme d'honneur » comme on dit dans la Mafia, hanté par le désir de se blanchir d'une réputation de « donneuse » que lui a collée un drôle de commissaire.
Jacques Becker a déjà adapté Le Trou puis L'Excommunié (sous le titre Un nommé La Rocca) et Claude Sautet Classe tous risques, quand, en 1966, Jean-Pierre Melville, lui aussi séduit par Giovanni, décide de porter à l'écran Le Deuxième souffle.
Le cinéaste, qui a choisi son pseudonyme en référence à Herman Melville, est un homme pour le moins étrange. Inséparable de son feutre et de ses lunettes noires, c'est un solitaire, un misanthrope, un caractériel - les rapports avec Giovanni furent d'ailleurs houleux - et un perfectionniste. Dès le début de sa carrière, il refuse tout compromis artistique et ne s'engage dans un projet que lorsque celui-ci l'attire de façon absolue. C'est le cas du Deuxième souffle dans lequel il voit, comme il le dit dans l'archive, la possibilité de hisser le film policier au rang de genre majeur. Pas de doute : il y est parvenu ! Ici, les clichés sur la truanderie ne sont que scories, le réalisme n'est qu'accessoire. Images cadrées à l'extrême, mise en scène épurée, répliques aussi rares qu'acérées, goût prononcé pour l'ellipse, distribution d'une justesse absolue, dominée par Ventura et Meurisse : on est dans le Mythe !
La cité phocéenne offre un décor en parfaite adéquation avec cet univers où rode le Fatum antique. Loin des poncifs ou du « folklore », Melville filme un Marseille inhabituel, celui des quartiers tranquilles (le Prado) ou des confins (plusieurs scènes sont tournées dans le quartier de Vaufrèges, juste avant la montée vers le col de la Gineste), le Marseille des calanques aussi, avec leur minéralité dure, leur luminosité crue. Rarement l'utilisation de la ville dans un cadre policier aura été aussi réussie.
Un détail amusant pour finir : ce n'est pas par erreur que l'archive annonce la présence de Mel Ferrer ! Celui-ci a bien été engagé par Melville. Qui, dès la première scène où il l'a dirigé, a trouvé qu'il ne convenait pas. Le cinéaste a donc, sciemment, multiplié les remarques désobligeantes pour que l'acteur américain, furieux, prenne ses cliques et ses claques le soir même ! Sûr de son stratagème, Melville avait déjà prévu un substitut, un inconnu du nom de Pierre Zimmer, formidable dans le rôle d'Orloff, et le tournage n'en fut pas perturbé. Cette archive est donc la seule trace de la présence de Mel Ferrer dans Le Deuxième souffle !
Bibliographie
- Le cinéma selon Melville, entretiens avec Rui Nogueira, Cahiers du cinéma, 1996
- "Pierre Zimmer second couteau de Melville", article de Richard Pevny dans L'Indépendant de Perpignan du 11 avril 2007
Filmographie
- Jean-Pierre Melville, Le Deuxième souffle, 1966 (disponible en dvd)
Transcription
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