Marseille, ville métisse : Bye Bye de Karim Dridi
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Le 26 août 1995, Soir 3 consacre un sujet au film de Karim Dridi, Bye bye. Après diffusion d'un premier extrait, accompagné du résumé du film en off, le réalisateur déclare avoir voulu sortir des clichés. Le commentaire parle, lui, d'« un film tendre et réaliste dans cet univers unique du quartier du Panier avec ses tentations et ses violences, mais aussi ses amours et ses volontés d'intégration ». Le film, conclut Dridi, s'adresse à tous ceux qui veulent découvrir la communauté maghrébine en dehors des à priori, et « aux gens de la communauté elle-même qui ont envie de se voir représentés avec dignité ».
Date de diffusion :
26 août 1995
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Contexte historique
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Le rapprochement de deux archives - l'une concernant Le Grand frère (Francis Girod, 1982), l'autre Bye bye (Karim Dridi,1995) - permet de constater le changement qui intervient, en l'espace de quinze ans, dans la représentation de l'immigré dans le cinéma français, avec, comme corollaire, le rôle assigné à Marseille dans cette évolution.
Il faut d'abord rappeler que ledit cinéma n'a, pendant longtemps, éprouvé nul besoin de représenter les immigrés. Mis à part Toni, qui a été, en 1935, l'exception qui confirme la règle, la première grande vague d'immigration du XXe siècle, essentiellement composée d'Italiens et d'Espagnols, est donc restée, littéralement, invisible. (cf. dans le premier chapitre, le texte Renoir se souvient de Toni.) La seconde, qui démarre à la fin des années 50 avec l'arrivée des Maghrébins et des Subsahariens, a un destin cinématographique bien différent.
A partir des années 70, les personnages d'immigrés commencent en effet à apparaître à l'écran, en général sous l'aspect d'ouvriers et de manoeuvres. Dans ce sens, le film le plus emblématique, en raison des polémiques qu'il soulève et de son énorme succès public, reste Dupont Lajoie, inspiré à Yves Boisset par une vague de meurtres racistes perpétrés un an plus tôt, en 1973. Tourné en grande partie à Fréjus–plage, non sans courage de la part de l'équipe, puisque les manoeuvres d'intimidation ont été nombreuses et violentes, le film tire à boulets rouges sur le racisme ordinaire, celui du « Français moyen » incarné par Jean Carmet.
Mais il faut attendre les années 80 pour que se forge vraiment une représentation cinématographique de l'immigré, pour que sa présence dans un film, au premier ou au second plan, devienne courante. En venant à Marseille tourner Le Grand frère en 1981, Francis Girod est un des premiers « contributeurs ».
1981, c'est un moment particulier de l'histoire sociale française. Les Trente glorieuses sont terminées, l'exploitation a cédé la place à l'exclusion, et les premières émeutes urbaines (les « rodéos des Minguettes » datent de cette même année) font découvrir au pays stupéfait l'étendue du malaise de la « deuxième génération ».
Dans l'archive proposée, Girod affirme haut et fort sa volonté de dénoncer le racisme à travers ce film. On ne peut pas mettre en doute la sincérité de cet homme de conviction. Néanmoins, il faut noter qu'il le fait à travers un genre très codé : le polar. (Le scénario est une adaptation du roman éponyme de l'Américain Sam Ross paru en 1966 dans la Série Noire) Et il ne sera pas le seul à prendre cette voie. Tout au long de la décennie, pratiquement tous les cinéastes qui mettront en scène des personnages issus de l'immigration, le feront dans les films policiers... Où ils leur assigneront les rôles de délinquants ! (Dans le film de Girod, le grand frère est un trafiquant qui se fait flinguer sans sommation par un flic à la gâchette facile, la sœur est une prostituée occasionnelle, et le petit dernier fauche déjà.) Bien sûr, le roman et le film noirs ne sont jamais des apologies de la délinquance. Ils visent au contraire à dénoncer les tares, les injustices et les déviances de la société. D'où l'usage que peuvent en faire des gens engagés comme Girod. Mais, en l'espèce, le paradoxe est qu'à la fin des années 80, l'équation « immigré = délinquant » s'est imposée comme mode quasi unique de représentation !
A partir des années 90, des cinéastes armés de leur jeunesse vont proposer une tout autre approche, plus sociétale, qu'on étiquettera, de façon quelque peu réductrice, « film de banlieue ». Cette nouvelle génération, souvent elle-même métissée - c'est le cas de Karim Dridi, le réalisateur de Bye bye, qui est de père tunisien et de mère française - se veut en prise directe avec une réalité sociale désenchantée mais jamais mortifère, celle des quartiers multiethniques où il faut tenter de vivre avec les autres tout en gardant sa propre identité, avec une violence jamais loin, mais un goût farouche de la vie. En faisant le « portrait précis et sans complaisance d'une communauté saisie de l'intérieur » (pour reprendre les termes de l'archive), Karim Dridi et ses pairs renvoient au spectateur une image encore largement méconnue de l'immigré, non pas celle du fait-divers, mais celle du quotidien.
Il s'ensuit que ce Marseille métissé est utilisé de façon très différente par les deux cinéastes. Dans Le Grand frère, Girod reprend la vision classique de la ville dans le polar, romantique et noire. Dans Bye bye, tourné pour l'essentiel dans le quartier du Panier - Marseille ayant la particularité d'avoir (une partie de) ses « banlieues » en centre-ville - Dridi en fait un fragile, mais possible melting pot. Et un endroit qui « pulse », qui « bouge » ! Pourtant, dans les deux cas, la fin est la même : l'espoir d'une vie meilleure réside dans un ailleurs vers lequel il faut partir.
Bibliographie
Amal Bou Hachem, L'immigré dans le cinéma français : imaginaire, identité, représentation, communication au Groupe de Recherche sur l'Image en Sociologie, 2005.
Filmographie
Francis Girod : Le Grand frère, 1982 (disponible en dvd)
Karim Dridi : Bye bye, 1995 (disponible en dvd)
Transcription
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