La mort du cardinal Gerlier
Notice
Veillée mortuaire du Cardinal Gerlier à la basilique de Fourvière. Plusieurs personnalités importantes lui rendent hommage, aussi bien à l'homme qu'à ses actions.
Éclairage
Le 19 janvier 1965 le cardinal Gerlier s'éteint dans sa résidence de Fourvière après 28 années passées à la tête de l'archevêché de Lyon. Né à Versailles en 1880, il semble d'abord promis à une brillante carrière d'avocat, doublée de responsabilités publiques pour lesquelles il montre de remarquables dispositions en tant que président de l'Association Catholique de la Jeunesse Française (ACJF). Mais il entre au séminaire parisien de Saint Sulpice en 1913. Mobilisé, blessé et fait prisonnier au début de la guerre, il est ordonné prêtre en 1921. Chargé des œuvres du diocèse de Paris, il encourage l'Action catholique naissante à travers la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC). Nommé évêque de Tarbes et de Lourdes en 1929, il est porté en juillet 1937 à la tête de l'archevêché de Lyon et donne un grand rayonnement au titre honorifique de primat des Gaules attaché à son siège. Promu cardinal dès 1937, il participe à l'élection de deux papes, Pie XII en 1939, Jean XXIII en 1958.
Son arrivée à Lyon consacre la rupture des liens politiques noués à l'extrême droite par son prédécesseur, le cardinal Maurin, proche de l'Action Française. Il acquiert très vite une grande popularité dans une ville où il s'impose comme une figure majeure de la vie publique et sait nouer des relations personnelles au-delà des frontières traditionnelles, notamment avec le maire radical Édouard Herriot (on voit le cardinal dans toutes les cérémonies lyonnaises). Favorable à l'engagement pour la justice sociale, mais fidèle à une ligne apolitique, il encourage le catholicisme social. Ouvert aux initiatives pastorales, il donne son appui aux innovations de son clergé dans les paroisses (père Rémillieux), en matière d'œcuménisme (abbé Couturier à Lyon, puis Roger Schutz à Taizé), de catéchisme (abbé Colomb), et même de travail (expérience des prêtres ouvriers condamnée par Rome en 1954). Il couvre de son autorité la recherche théologique et permet au jésuite de Lubac de poursuivre à la Faculté catholique, rue du Plat, l'enseignement que Rome lui a retiré dans le scolasticat jésuite de Fourvière.
Cette ouverture d'esprit ne l'empêche pas, le 12 novembre 1940, de déclarer dans sa cathédrale devant le Maréchal Pétain : « Pétain c'est la France et la France, aujourd'hui, c'est Pétain. Pour relever la patrie blessée, toute la France, Monsieur le Maréchal, est derrière vous ! » Convaincu que Vichy est une opportunité à saisir, il est fidèle à cette ligne au nom de l'obéissance aux autorités légitimes avant d'adhérer pour les mêmes raisons au Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) en 1944. Mais il proteste contre les rafles de juifs en 1942, protège des filières de sauvetage et couvre les activités de résistants comme le père Chaillet fondateur de Témoignage chrétien à Lyon. Au temps de la décolonisation, il dénonce la torture en Algérie (1958) et soutient les prêtres lyonnais engagés contre la guerre d'Algérie.
Homme d'Église pénétré de l'importance de sa fonction et convaincu de ses responsabilités missionnaires, il n'hésite pas à voyager en Amérique et en Afrique, aime présider des grands rassemblements, se montre pasteur proche des fidèles et du clergé. Les personnalités interviewées attestent de sa capacité à transcender les clivages. Le cardinal Eugène Tisserant, chargé à Rome des Eglises orientales, gaulliste de la première heure, vétéran du gouvernement de l'Église (la Curie) témoigne de la considération dont le primat des Gaules jouissait à Rome malgré les divergences qui avaient pu surgir. Le député de la Loire, Lucien Neuwirth, vient rappeler la popularité du cardinal dans toute la région, le département de la Loire étant jusqu'en 1970 rattaché au diocèse de Lyon. Le pasteur Marc Boegner, longtemps président de l'Eglise protestante au niveau national, le pasteur Daniel Atger, président de la région protestante Rhône-Alpes, rappellent les liens étroits noués depuis la guerre avec le protestantisme, d'abord dans la dénonciation de l'antisémitisme, puis dans la promotion du mouvement œcuménique qui vise au rapprochement des Eglises chrétiennes. Le chauffeur et une lyonnaise anonyme viennent enfin confirmer la popularité du prélat.
Bibliographie :
- Xavier de Montclos (dir.), Lyon, Dictionnaire du Monde religieux dans la France contemporaine, Paris, Beauchesne, 1994.