Le général De Lattre de Tassigny assiste à une prise d'armes
Notice
Les généraux De Lattre et De Monsabert, accompagnés de Yves Farge, président une prise d'armes sur la place Bellecour. Les Lyonnais assistent au défilé des résistants et des Forces Françaises Libres à travers la ville.
- Rhône-Alpes > Rhône > Lyon
Éclairage
La libération de Lyon donne lieu comme dans toutes les grandes villes de France à des manifestations de liesse populaire. Pourtant elle ne s'est pas déroulée dans le consensus espéré. Les Francs tireurs et partisans (FTP), en désaccord avec les Forces françaises de l'intérieur (FFI) sur la manière de mener l'ultime offensive, ont tenté sans succès de chasser eux-mêmes les troupes de la XIXème armée allemande au cours de trois journées de combats à Villeurbanne du 24 au 27 août 1944. Menacés par la 17ème Division de la France libre (DFL) du général Brosset qui remonte le Rhône, les Allemands décident l'évacuation de la ville dans la nuit du 2 au 3 septembre et procèdent à la destruction des ponts. Un groupe de FFI commandés par Raymond Basset, le commandant Mary dans la Résistance, occupe l'Hôtel de Ville. Le 3, Alban Vistel, président du Comité Régional de Résistance, et le général Diego Brosset qui commande des éléments avancés de la 1ere DFL, peuvent mettre en œuvre le plan de libération de la ville.
La prise d'armes du 5 septembre permet à la fois de célébrer la liberté retrouvée et de réunir la population autour de l'adhésion aux nouvelles autorités. De Lattre de Tassigny, qui commande la 1ère Armée Française, ses subordonnés les généraux de Montsabert et Brosset (mort dans un accident de jeep le 20 novembre), plus généralement les Forces françaises Libres, sont les principaux acteurs d'un scénario destiné à montrer qu'il n'y a pas de vide de l'État et que la République est incarnée par le seul Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) du général de Gaulle à travers son armée et ses délégués. La séquence s'ouvre sur une levée de drapeaux tricolores frappés de la croix de Lorraine gaulliste. Les résistants défilent aussi, mais derrière les troupes régulières. Yves Farge, Commissaire de la République pour huit départements de la région, ancien journaliste au quotidien Le Progrès, homme de gauche entré tôt en Résistance et chargé d'organiser le Vercors par Jean Moulin, jouit de la confiance des résistants et du Parti communiste français (PCF), mais tient son pouvoir de sa nomination par de Gaulle en avril 1944. Sa présence aux côtés de De Lattre annonce la mise en place progressive d'un pouvoir civil sous l'autorité de De Gaulle. Si on aperçoit furtivement l'Hôtel de ville, Justin Godart, maire provisoire de Lyon, en l'absence d'Édouard Herriot prisonnier en Allemagne depuis la fin août, n'est pas filmé.
Symboliquement la prise d'armes se tient place Bellecour et le défilé parcourt la rue de la République. La libération de la ville, c'est aussi la réappropriation de lieux, en particulier la place Bellecour où le Maréchal Pétain était venu à plusieurs reprises, et encore le 16 juin 1944. C'est là qu'il avait reçu le 19 novembre 1940 l'adhésion d'une autre foule et dans la primatiale Saint-Jean celle du cardinal Gerlier, archevêque de Lyon : « Car Pétain, c'est la France et la France, aujourd'hui, c'est Pétain ! ».
La présence dans cette prise d'armes du même cardinal, auquel on ne manquera pas de reprocher sa phrase de 1940, contribue mieux qu'un discours à tourner la page et affirme l'unité de la nation. Une messe a été célébrée à Fourvière avant la prise d'armes. Aux yeux de l'homme d'Église, qui avait su prendre quelques distances vis-à-vis du régime, protester contre les mesures antisémites et protéger des résistants à défaut de les appuyer ouvertement, l'aujourd'hui de septembre 1944 n'est plus celui de 1940. La poignée de mains entre Farge et Gerlier suggère l'adhésion de l'Église catholique au seul pouvoir désormais légitime, celui de De Gaulle et du GPRF. Le 15 septembre 1944 la venue du général De Gaulle permet d'installer officiellement les nouvelles autorités et d'asseoir leur légitimité.
Bibliographie :
- Gérad Chauvy, Lyon 1940-1947, Paris, Perrin, 2004.