La relance du charbon ?

12 mars 1980
04m 36s
Réf. 00262

Notice

Résumé :

La crise du pétrole de 1979 et son coût de plus en plus élevé soulève des inquiétudes et des questionnements. Une solution serait de relancer la production du charbon.

Type de média :
Date de diffusion :
12 mars 1980
Source :
FR3 (Collection: Dialogues )

Éclairage

À la suite du second « choc pétrolier » de 1979 et de l'augmentation des coûts de l'énergie pétrolière, la question est posée - avant de l'être au ministre de l'Industrie André Giraud - dans le reportage du 12 mars 1980 de la série « Dialogues », de la relance possible de la production charbonnière malgré le coût de la main d'œuvre qui fait parfois préférer l'importation de charbons étrangers moins chers. Deux secteurs miniers des Houillères du Centre-midi sont, dans la région Rhône-Alpes, concernés par cette relance potentielle : le bassin de la Loire (175 000 tonnes en 1979) avec, à cette date, un seul puits encore en activité (le puits Pigeot à la Ricamarie près de Saint-Etienne) et le bassin d'anthracite de La Mure en Isère (360 000 tonnes).

Le bassin de la Loire est le plus ancien : son exploitation industrielle a débuté dans le premier quart du XIXe siècle et l'histoire de la mine et des mineurs a marqué l'histoire et les mémoires des populations stéphanoises. Preuves en sont dans le reportage, d'une part la statue ricamandoise de Michel Rondet, responsable de La Fraternelle des mineurs, emprisonné après la manifestation du Brûlé de 1869 (qui a servi de modèle à Émile Zola pour écrire son Germinal), devenu dirigeant du syndicat des mineurs de la Loire (1881) puis de la Fédération nationale (1883) et, d'autre part, l'interview en 1980 du maire de Saint-Étienne, Joseph Sanguedolce, lui-même ancien mineur, devenu après la Libération dirigeant du syndicat CGT (voir son portrait). Ce qui explique ses considérations dithyrambiques – mais peu crédibles - sur le charbon stéphanois « le meilleur du monde » avec un coût très bas de la thermie. En effet l'ancienneté de l'exploitation explique les difficultés pour rendre opérationnelles les réserves estimées à 2 à 3 millions de tonnes : seulement 1/10e peut en être extrait sans avoir à se livrer à des travaux importants qui oblitéreraient le prix de revient. Si le maire de Saint-Étienne et le délégué des mineurs de la CGT Loire, soulignent le coût social d'une fermeture éventuelle que l'on ne peut mettre en balance avec les coûts purement financiers, le président du Conseil général de la Loire, le sénateur Lucien Neuwirth, est plus nuancé en mettant cependant la question du prix de revient en regard avec l'augmentation des prix du pétrole : le Conseil général (comme le Conseil régional) a d'ailleurs à l'unanimité émis un vœu pour la poursuite de l'exploitation. Quant au directeur des Houillères de la Loire, il précise que la fermeture du Puits Pigeot est programmée pour le mois de juillet 1980.

Le bassin de La Mure en Isère semble être, à court terme, moins menacé du fait de sa production spécifique d'anthracite, malgré la concurrence - à cette date - du charbon vietnamien. L'exploitation du charbon des Houillères du Dauphiné nationalisées en 1946 (et ayant rejoint les Houillères du bassin Centre-midi en 1968), situées sur le plateau de la Matheysine au sud de Grenoble, a été facilitée par la construction en 1888 d'une ligne de chemin de fer pour évacuer le charbon dans le cadre du Plan Freycinet (1878). La construction de ce chemin de fer à voie unique fut difficile, avec ses 18 tunnels et neuf viaducs. À la fin de l'exploitation de la houille, il a été transformé en train touristique jusqu'à l'automne 2010. La main d'œuvre traditionnelle formée de mineurs-paysans venant des vallées alpines a été remplacée par des immigrés, des Italiens dans un premier temps, puis des immigrés de l'Afrique du nord après la Seconde Guerre mondiale. L'anthracite de la Mure alimente les foyers domestiques, une centrale thermique et les cimenteries proches (en utilisant les poussières de charbon très importantes dans le gisement) et ce jusqu'en mars 1997 où le dernier puits du bassin sera fermé.

Michelle Zancarini

Transcription

Intervenant 1
Ah mais le prix de revient on peut lui faire dire ce qu’on veut au prix de revient. Je prends un exemple : un puits comme celui que vous avez derrière, à savoir le puits Pigeot. Voilà un puits qui a été équipé pour remonter, doté d’une machine puissante pour remonter le charbon et qui tourne disons le quart de ce qu’il pourrait tourner dans une journée. Comment voulez-vous que nous fassions une production convenable qui pourrait à la rigueur améliorer le prix de revient, quand vous pensez qu’autrefois nous étions 24 600 mineurs et que maintenant nous nous retrouvons exactement 278 ouvriers au fond et 42 agents de maîtrise, pour un total de l’ensemble tout compris, tout personnels confondus de 882. C’est quand même quelque chose qui s’explique par lui-même.
Intervenant 2
Et j’ai apporté des chiffes. J’ai donné des chiffres, apporté une démonstration à la région. Je le répète, la thermie française, le prix de la thermie française est inférieur au prix de la thermie allemande, à condition d’embaucher des producteurs.
(Musique)
Journaliste
On fait aussi valoir que la thermie charbon française revient de toute façon moins cher que la thermie fuel. D’autres encore admettent que le prix de revient est élevé mais ils s’interrogent. Avant de tirer un trait sur une exploitation, ne faut-il pas envisager un renversement de tendance sur le marché international comme le prix du pétrole qui a quadruplé depuis 1973 ?
Intervenant 3
Nous sommes à la merci de foucades, de gens qui augmentent le prix du pétrole d’une façon disproportionnée et qui mettent notre économie à genoux. On ne va pas continuer à subir pour aller à la ruine en quelque sorte.
Intervenant 4
La thermie, le prix de la thermie eh bien personne ne peut dire ce qu’elle sera en l’an 2000. Actuellement, avec le prix du pétrole, on est bien placé pour savoir que les prix des matières énergétiques ne vont cesser d’augmenter et que pour nous, on ne doit pas, la France ne doit pas se priver de ressources charbonnières et de matières énergétiques.
Intervenant 5
Le charbon est réparti dans le monde aussi bien dans les pays de l’Est qu’aux Etats-Unis et que dans le tiers monde. Il est de plus en très grande partie dans des gisements faciles d’accès, exploitables à ciel ouvert. Ce qui ne permet pas à un cartel comme celui qui existe pour le pétrole de se former pour l’exploitation du charbon.
Journaliste
Déjà pour assurer leurs approvisionnements, les charbonnages de France se sont infiltrés dans les pays producteurs et cette politique d’ouverture à l’étranger pourrait bien être renforcée. Dans la région, on s’interroge quant au maintien de notre production. Rhône-Alpes fait partie du bassin du Centre Midi. Il regroupe sept houillères de qualité inégale dont celle de la Loire et du Dauphiné.
(Musique)
Journaliste
Du dernier puits de la Loire, le puits Pigeot à La Ricamarie près de Saint-Etienne on extrait un charbon gras à coke. Une partie est écoulée dans l’industrie sidérurgique. Le charbon suit son évolution. L’autre partie alimente la centrale électrique du Bec. Il est question de la déclasser en 1985 et d’en faire une chaudière urbaine. Quant aux réserves accessibles, tout le monde s’accorde à peu près sur les chiffres. 2 à 3 millions de tonnes, peut-être plus. Quant aux réserves immédiatement exploitables au fond, le chiffre varie de 300 et 600 000 tonnes sans compter quelques 200 000 tonnes à ciel ouvert. Mais selon la direction le gisement est vieux et les accès sont difficiles. De nouveaux travaux augmenteraient encore le prix de revient qui était de 8 centimes la thermie en 1979 contre 3 centimes pour la thermie charbon importée. Alors on parle encore de fermeture mais tout le monde n’est pas convaincu de cette nécessité.
Intervenant 2
Souhaite... Qu’on ne prenne pas la décision de fermer le dernier puits de mine et que l’on crée très vite les conditions de relancer cette production sur le plan national mais surtout sur le plan de ce département.
Journaliste
Et vous y croyez en dehors des luttes partisanes?
Intervenant 2
Absolument. C’est une logique économique incontestable et incontestée. D’ailleurs le Conseil général de la Loire qui pendant toute une période était hostile à la poursuite de l’exploitation du charbon à l’unanimité a demandé de continuer cette exploitation. Et il en fut de même du Conseil régional où à l’unanimité, il a été demandé de poursuivre l’exploitation du puits Pigeot.