L'église du plateau d'Assy, lieu de culte et musée d'art moderne.
Notice
L'église Notre-Dame de Toute Grâce fondée par le chanoine Devémy, doit sa réputation aux nombreux artistes de renom ayant participé à sa décoration. Ces derniers bien que de religions, d'opinions et de styles divers ont laissé une œuvre unique.
Éclairage
Depuis la fin du XIXe siècle, le plateau d'Assy est un lieu de cure pour les malades atteints de la tuberculose. Dans l'entre-deux-guerres, le chanoine Jean Devémy (1896-1981), aumônier d'un des nombreux sanatoriums, obtient de l'évêque d'Annecy l'autorisation de faire construire une église pour les curistes. En 1937 est organisé un concours d'architecture dont le lauréat est Maurice Novarina (1907-2002). Cet architecte alors débutant venait d'achever la construction de la chapelle Notre-Dame du Léman à Vongy, près de Thonon-les-Bains. Il y a expérimenté une architecture de compromis entre des références à l'art gothique et une modernité fondée sur le dynamisme des lignes. A Passy, il conçoit un édifice qui renvoie au chalet savoyard, mais en simplifiant les volumes afin d'obtenir une monumentalité à la fois rustique et radicale. Ponctuée par un clocher de vingt-huit mètres de haut, la silhouette massive s'intègre parfaitement au site en dialoguant avec les sommets environnants. L'église construite en grès de Taveyannaz, une pierre locale, et en bois d'épicéa, est couverte d'ardoise verte des Ardennes. Le gros-œuvre est achevé quand éclate la Seconde Guerre mondiale ce qui interrompt les travaux terminés seulement en 1946.
Pour le décor de l'édifice, le chanoine Devémy s'adresse à Marie-Alain Couturier, un dominicain qui avait été l'élève du peintre Maurice Denis. Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, Couturier, associé à Raymond Régamey, veut renouveler l'art sacré afin de moderniser l'image de l'Église. Il est partisan de faire appel aux plus grands artistes, quelles que soient leurs convictions religieuses. Comme il l'écrit à propos de l'église du Plateau d'Assy : « pour garder en vie l'art chrétien, il faut, à chaque génération, faire appel aux maitres de l'art vivant ». La revue L'Art sacré diffuse ses idées qui heurtent une partie de la hiérarchie catholique conservatrice. A la demande de Jean Devémy et grâce aux connaissances de Couturier, des artistes de tout premier plan acceptent de travailler pour le décor de l'édifice. Fernand Léger et André Lurçat, tous deux communistes, dessinent les plus grandes compositions qui ornent la façade et le chœur. D'autres artistes comme Jean Bazaine, Georges Rouault ou Marguerite Huré ont eux coutume de traiter des sujets religieux. Pierre Bonnard, Georges Braque, Marc Chagall, Ladislas Kijno, Jacques Lipschitz, Claude Mary, Henri Matisse, Germaine Richier et Théodore Strawinsky ont également contribué à cet ensemble exceptionnel.
La modernité de leurs œuvres choque et alimente les débats autour de la querelle de l'art sacré qui oppose Marie-Antoine Couturier et les milieux traditionnalistes de l'Église. Neuf mois après la consécration de Notre-Dame-de-Toute-Grâce qui a lieu en 1950, l'évêque d'Annecy fait retirer le Christ de Germaine Richier. Perçu comme une provocation venant d'une artiste athée, cette sculpture réussit pourtant à atteindre la plus grande expressivité sans recourir au pathétique de la figuration saint-sulpicienne. Elle a retrouvé sa place derrière le maitre-autel en 1969. L'église a été classée Monument historique dans sa totalité en 2004.