La semaine sociale à Lyon
Notice
Ouverture de la semaine sociale à Lyon, ville où elle fut créée par Marius Gonin. Le président Alain Barrère souligne l'importance du thème de cette année : "les chrétiens dans la vie politique".
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Éclairage
La publication en 1891 de l'encyclique Rerum novarum par le pape Léon XIII encourage les catholiques à réfléchir aux questions sociales, à agir en faveur d'une régulation des marchés et à prôner une meilleure redistribution des richesses. Lyon se distingue en France par la fondation d'un Secrétariat social et d'une revue baptisée Chronique sociale. Proche des milieux d'où sortiront la démocratie chrétienne, le Lyonnais Marius Gonin et le Lillois Adéodat Boissard ont l'idée de lancer en 1904 une Semaine sociale destinée à réunir à Lyon clercs et laïcs autour de thèmes sociaux. Le succès de l'initiative conduit à pérenniser ces rassemblements sous forme de semaines itinérantes, à la fois universités hors les murs et laboratoire d'idées. Elles sont tenues chaque année dans une grande ville de France, avec comme seules interruptions les deux guerres mondiales. Ainsi que l'explique le professeur André Latreille, celle qui se tient à Lyon en 1973, la soixantième, est donc un retour aux sources et l'occasion d'inaugurer les commémorations prévues pour le centenaire.
L'interview d'André Latreille (1901-1984), figure majeure de la vie publique lyonnaise, ancien résistant, chargé par de Gaulle de traiter avec le Saint-Siège des dossiers délicats à la Libération, ancien professeur d'Histoire contemporaine et doyen de la Faculté des Lettres à l'Université de Lyon, puis l'intervention d'Alain Barrère, professeur d'économie à la Sorbonne et président, dressent un tableau optimiste de la situation. De fait les Semaines sociales continuent à aborder les problèmes les plus délicats et n'hésitent pas cette année là à débattre de la place des chrétiens dans la vie politique au moment où cette question est source de vives controverses au sein du catholicisme français. L'année précédente, le rapport publié sur ce thème au nom de l'épiscopat par Mgr Matagrin, évêque de Grenoble, a suscité des réactions contradictoires et parfois virulentes, en particulier à propos de la légitimité du pluralisme. Dans le contexte de 1973, cette prise de position apparaît à certains comme la légitimation des aspirations de militants catholiques, jusque là plutôt proches de la démocratie chrétienne, à acquérir leur autonomie en matière de choix politique et à réaliser la déconfessionnalisation de l'action sociale politique et sociale. La transformation en 1964 du syndicat Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) en Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), l'adhésion de militants au Parti Socialiste Unifié ou au nouveau Parti Socialiste fondé à Epinay en 1971 et dirigé par François Mitterrand, traduisent de fait la montée en puissance parmi les jeunes catholiques de nouvelles sensibilités qui jugent trop tièdes et équivoques les positions défendues par le catholicisme social. Malgré la volonté de dialogue entre les différents courants impulsée par le président Alain Barrère, la Semaine sociale de Lyon n'empêchera pas la crise interne de s'amplifier et la revue Chronique sociale de disparaître en 1987. Aucune Semaine sociale n'est organisée en 1975. La périodicité variable des années suivantes trahit la fragilisation d'une institution qui survit néanmoins. Redevenue annuelle en 1995 elle semble avoir retrouvé au début du XXIe siècle une nouvelle légitimité comme lieu de confrontation d'expériences et d'expertises.
Bibliographie :
- Philippe Lécrivain, « Les Semaines Sociales de France », dans Denis Maugenest, Le mouvement social catholique en France au XXe siècle, Paris, Cerf, 1990.