Tony Garnier, musée urbain pour une œuvre visionnaire

28 janvier 1989
13m 01s
Réf. 00038

Notice

Résumé :

La cité des États-Unis est l'œuvre de l'architecte Tony Garnier, réalisée en 1933. Un projet de rénovation urbaine du quartier est lancé à Lyon, avec la création de peintures murales sur les pignons des immeubles.

Type de média :
Date de diffusion :
28 janvier 1989
Source :
FR3 (Collection: Magazine 12/14 )
Lieux :

Éclairage

La cité des États-Unis a été construite à Lyon par Tony Garnier après la Première Guerre mondiale. En 1985 est lancée une opération de réhabilitation qui consiste à mettre aux normes des logements et des immeubles dépourvus d'ascenseur et de halls d'entrée. Les loggias sont fermées par des vitrages. Une isolation extérieure est réalisée. Sur les grands murs pignons aveugles ainsi rénovés, l'atelier Cité de la Création exécute de grandes peintures murales. Cet ensemble constitue le Musée urbain Tony Garnier, voulu et géré par une association qui regroupe des habitants de la cité. Il est symbolique d'une prise de conscience de la valeur historique et sociale de cet habitat qui fait désormais partie du patrimoine collectif. Il permet aussi de prendre connaissance des idées de Tony Garnier à travers la reproduction de quelques planches de son livre La Cité industrielle.

La cité des États-Unis a été initiée en 1917, lorsque les autorités municipales décidèrent d'étendre la ville en direction du sud-est afin de favoriser le développement de quartiers industriels. Les logements font partie du programme et Tony Garnier conçoit un projet qui est entériné en 1920. Cet architecte avait déjà beaucoup travaillé pour la Ville de Lyon, avant même qu'Édouard Herriot n'accède à la mairie en 1905. Il avait notamment conçu les abattoirs de la Mouche et le marché aux bestiaux (1908-1928), aujourd'hui Halle Tony Garnier, l'Hôpital Grange Blanche (1910-1933) qui a pris le nom d'Édouard Herriot et le stade municipal de Gerland (1914-1924). Mais le quartier des États-Unis est pour lui l'occasion de concrétiser une partie de ses idées. Bien que formé à l'École des Beaux-Arts, Tony Garnier était convaincu du rôle social de l'architecture. Influencé par le roman Travail d'Émile Zola, il conçut, à partir de 1900, une ville idéale dont il décrivit tous les aspects par une série de planches publiée en 1917 dans Une Cité industrielle.

La cité des États-Unis (devenue cité Tony Garnier du nom de l'architecte) est très représentative de l'essor du logement social en France et en Europe. Initiés avant la Première Guerre mondiale par un ambitieux appareil législatif, les Habitations à Bon Marché (HBM) se développent autour de grandes villes. Lyon joua un rôle essentiel dans ce phénomène en consacrant à l'urbanisme une partie essentielle de la grande exposition internationale organisée en 1914. Elle s'était d'ailleurs tenue dans la grande halle des abattoirs de la Mouche. Dans d'autres pays européens, dans les villes de Stuttgart et de Vienne notamment, de grandes opérations de logements sont également réalisées à cette époque. Comme à Lyon, les idéaux sociaux et les préoccupations hygiénistes se rejoignent avec pour ambition de donner des conditions de vie décentes aux ouvriers travaillant pour les grandes industries locales.

Laurent Baridon

Transcription

(Bruit)
Marie-Martine Chambard
Nous sommes dans une cité, apparemment semblable à beaucoup d’autres, construite dans les années 20, 30, quand le béton faisait ses premières armatures. Sauf que celle-ci, dans le quartier des Etats-Unis, à Lyon, est signée d’un nom prestigieux de l’architecture. Un nom plus célèbre à l’étranger qu’en son pays, un nom à redécouvrir, Tony Garnier. Et pour vous y aider, nous vous proposons de vous transporter dans son œuvre.
(Musique)
Eddy Gilles
Je connais bien Tony Garnier, oui. Il a vu un peu ce que serait notre vie en 86, 87. Et c’est très positif parce que cette cité est très stable. La vie y est bien, la vie est conviviale. Donc, les gens vivent très bien cette cité HLM, qui a été construite quand même en l’an 33. Et alors, qu’on voit les cités construites dans les années 60 où la vie est complètement dégradée, il n’y a pas de lien social, on se dit que cet architecte est vraiment un architecte de génie.
(Musique)
Marie-Martine Chambard
Aujourd’hui, les anciennes HBM, Habitations à Bon Marché, comme l’on disait dans les années 20, sont remises aux normes de vie des années 80. L’office HLM de la Courly réhabilite 1600 logements à l’intérieur comme à l’extérieur. Et l’isolation des murs devant servir de support au musée Tony Garnier, sera ainsi réalisée plus tôt que prévu ; grâce à des crédits d’Etat appelés PALULOS et que viendront conforter les crédits des collectivités. L’office HLM a confié à la cité de la création, un atelier de plasticien urbaniste, les 24 murs pignons. Les artistes ont choisi de mettre en scène les dessins essentiels de l’œuvre de l’architecte visionnaire Tony Garnier à travers 6000 mètres carrés de fresques sur les murs de ses propres constructions. En voici la préfiguration grâce au trucage vidéo.
Jean Palluy
Je crois que cette initiative de faire, de reprendre sur les façades des immeubles conçus par Tony Garnier ; sa propre conception de l’urbanisme et de la civilisation moderne ; est quelque chose de tout à fait original. Et moi, j’en félicite ceux qui en ont eu l’initiative.
Gilbert Carrere
Cette idée d’avoir un livre d’histoire de l’art en 24 pages de 240 mètres carrés chacune est ce qu’on peut faire de mieux en termes de pédagogie collective. Le gouvernement a bien l’intention de centrer une partie de son action sur la ville ; sa reconquête dans les quartiers dégradés ; son amélioration dans d’autres domaines. Et puis, dans un cas comme celui-ci, du moins je l’espère, j’allais presque dire, sa glorification, à travers l’audace d’un homme, Tony Garnier.
(Musique)
Marie-Martine Chambard
Contrairement à beaucoup d’architectes, Tony Garnier n’a jamais écrit de manifeste. Ses théories, il les a dessinées, inspiré par les besoins de son temps. Tony Garnier est à l’architecture ce qu’Emile Zola est à la littérature. Ils appartiennent à la tradition des utopistes. Né à Lyon en 1869, ce fils de canut, doué pour le dessin, réagit par le trait aux conséquences néfastes de la révolution industrielle comme la surpopulation des villes ou le manque d’hygiène. Les merveilleux fous volants ne sont pas les seuls à rêver. Dans un ouvrage un peu oublié, Travail, Zola rêve d’une autre vie possible. Et Tony Garnier rêve de dessiner ce rêve d’une cité idéale. Enfin, Grand Prix de Rome à la Villa Médicis, jusqu’en 1904, il va bâtir sur le papier l’œuvre de sa vie, la cité industrielle dans ses moindres détails. Une cité, harmonisant lieu de travail et lieu de vie, au contraire des logements d’alors agglutinés autour des usines. Les esprits académiques apprécient peu son urbanisme révolutionnaire où les habitations individuelles sont séparées par de larges avenues ensoleillées et plantées d’arbres ; où commerces, écoles, hôpitaux trouvent place sous forme de pavillons ; et où n’apparaissent ni église, ni prison, ni armée, ni justice. La cité industrielle ne verra jamais le jour, mais reste l’œuvre universellement connue de Tony Garnier. A travers plusieurs commandes publiques, le maire Edouard Herriot lui permet de concrétiser un peu de son talent visionnaire : Stade de Gerland, Hôpital de Grange Blanche, abattoirs, et leurs célèbres halles ; et surtout cité des Etats-Unis. Cette réalisation moins ambitieuse que son projet en contient cependant toutes les caractéristiques architecturales. Bâtiments aux lignes épurées avec toits terrasses et fenêtres en bandeaux espacées par des portiques. Ils abritent aujourd’hui 4000 habitants, tout désignés comme les futurs guides de ce musée à ciel ouvert, à visiter selon un parcours aménagé pour le public.
(Musique)
Louis Rigal
Rénover les intérieurs, c’est une chose. Mais, il faut aussi apporter la qualité de la vie et surtout l’accompagnement de la vie extérieure. Et cela se fait par des squares, cela se fait par des jeux, cela se fait par, également, des cultures florales. Mais, surtout, également, par ce que nous essayons de créer, c’est une culture populaire que l’on retrouve dans un certain nombre de pays.
(Musique)
Inconnue 1
On en a besoin parce qu’on aurait dit que c’était un quartier un peu oublié. Alors, donc, ça lui redonnera un coup de jeunesse quoi.
(Musique)
Marie-Martine Chambard
Qu’est-ce que vous en pensez, vous, de cette idée de faire un musée sur les murs de la cité ?
Inconnue 2
Très bien, hein ?
Inconnue 3
Très, très joli, moi, je trouve très joli.
Inconnue 2
C’est très bien, parce que ce qu’il nous a montré, le jeune là, et bien, c’est au poil.
(Musique)
Marie-Martine Chambard
Vous leur laissez carte blanche à ces artistes ?
Robert Batailly
Ben, je crois qu’il y a deux choses : ou on fait la collection, ou on crée. Et les gens qui font la collection de toute chose ne sont pas forcément des créateurs, en tous les cas, pas des choses qu’ils collectionnent. Je crois qu’il faut laisser à la création sa liberté d’innovation, sa liberté de création, sa liberté de faire sentir ce qu’ils ressentent eux-mêmes.
Journaliste
Vous avez vu les maquettes, qu’est-ce que vous en pensez ?
Inconnue
Ah, je trouve qu’ils sont très, très bien et d’ailleurs, ça laisse préjuger un peu de ce qui nous attend ; et, maintenant, nous, on a un sentiment d’impatience, voilà.
(Musique)
Jacques Moulinier
Je pense que pour nous, c’est très exemplaire parce que ça correspond à deux objectifs très importants de la ville de Lyon. Tout d’abord, la mise en valeur du patrimoine social de la ville de Lyon et des grands quartiers sociaux de la ville. Et le quartier des Etats-Unis dans le huitième arrondissement est un des quartiers les plus symboliques dans ce domaine. Et puis, je crois aussi qu’il y a une deuxième raison : c’est qu’on a la volonté de mettre en valeur l’architecture contemporaine à Lyon. Et, à ce titre là, Tony Garnier est un pilote qui a marqué l’architecture lyonnaise. Une opération de ce type est sûrement de nature à mettre en valeur aussi Lyon vue de l’international.
(Musique)
Marie-Martine Chambard
Qu’est-ce que vous en pensez, vous, de ce projet ?
Francisque Collomb
Ce projet, excellent ! Je suis très heureux d’avoir vu ces maquettes.
Marie-Martine Chambard
Un musée de plein air, c’est quand même une première ?
Francisque Collomb
Ça, d’abord, pour la population qui va vivre quotidiennement avec ce musée. Puis, deuxièmement, pour les étrangers qui viendront le voir aussi. Ils viendront le voir. Alors, c’est un plus pour la ville de Lyon. Alors, vous pensez bien, si le Maire s’en réjouit.
Intervenant
Dans le cadre de ce musée de plein air Tony Garnier, vous êtes ici, devant la fresque, j’allais dire de l’industrie, dans le cadre de cette cité industrielle. Elle fait 220 mètres carrés et elle représente des dessins conçus par Tony Garnier en 1917. Alors, nous sommes là à peu près à environ la moitié du parcours. Je vais vous demander de me suivre parce que, comme la fresque, après, nous pénétrerons à l’intérieur.
(Musique)