Manifestation paysanne
Notice
Les agriculteurs manifestent dans tout le pays. Rassemblés aux halles du marché de gros de Grenoble, ils ont assisté à un discours de Jean Faure du Centre des jeunes agriculteurs.
- Rhône-Alpes > Drôme > Valence
- Rhône-Alpes > Isère > Grenoble
Éclairage
L'année 1964 est particulièrement fertile en manifestations paysannes. Cela s'explique par les tensions nées des lois d'orientation agricole du 5 août 1960 et du 8 août 1962, dans le cadre de la construction de la Politique agricole commune (PAC) de la Communauté économique européenne (CEE, créée au traité de Rome en 1957). La recherche de la parité (mot d'ordre entendu dans le reportage et qui est employé dans un tout autre sens aujourd'hui depuis la réforme constitutionnelle de 1999), signifie en 1962 que l'agriculture doit être traitée comme les autres activités économiques de la France. Le gouvernement veut réformer les structures foncières avec pour conséquence la disparition des petites exploitations (voir certaines pancartes des manifestations de 1964) ; il veut aussi trouver de nouvelles techniques de commercialisation ainsi que de nouveaux débouchés (ce qui favorise les gros exploitants) ; il a supprimé les modalités de l'indexation des prix agricoles, situation aggravée par le plan général de stabilisation décidé par le gouvernement Pompidou en septembre 1963. Les syndicats agricoles – la Fédération nationale des exploitants agricoles (FNSEA), la Confédération des jeunes agriculteurs (CDJA) et le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF, créé en 1959) s'opposent au ministre de l'Agriculture, Edgar Pisani.
Le reportage des Actualités télévisées régionales du 24 janvier 1964 sur les manifestations agricoles régionales montre des foules importantes – plusieurs milliers de personnes, à la fois sages et déterminées. La succession de trois lieux de manifestations, à Mâcon, dans l'Isère (où se regroupent aussi les Savoyards) et à Valence montrent que l'ensemble des paysans de la région sont concernés, même si les motifs de mécontentement sont très divers selon les types de production (vin, élevage, fruits). Les pancartes brandies par les manifestants indiquent leur provenance par canton (c'est une constante depuis les manifestations viticoles du début du siècle), mais aussi certaines inscriptions percutantes : « Sept paysans disparaissent toutes les trois minutes » allusion claire au regroupement des exploitations non rentables et à l'exode rural, et également une autre, décalquée des manifestations urbaines contre la guerre au Vietnam « Poulets américains GO HOME ». Les répertoires d'action sont ici classiques : meetings avec discours de leaders paysans et manifestations avec pancartes dont l'aspect bon enfant est souligné (un seul agent de police suffit à détourner des milliers de manifestants). Un des orateurs, Jean Faure, agriculteur et militant du CDJA depuis 1963, deviendra sénateur de l'Isère pendant plusieurs mandats.
La situation évoquée dans les Actualités régionales de janvier s'aggravera ensuite au cours de l'année 1964 ; les conditions météorologiques n'ont pas été favorables entraînant une moindre production et une baisse des revenus agricoles compte tenu de la stagnation des prix du lait, de la viande et du vin. À l'automne, après un mois de grève d'approvisionnement du lait, les syndicats agricoles font appel aux parlementaires des régions rurales pour qu'ils déposent une motion de censure contre le gouvernement : en fin de compte cette dernière n'aboutit pas, mais elle recueille cependant 209 voix (environ 40% des députés). Les manifestations agricoles se poursuivent pendant tout le mandat présidentiel du général de Gaulle et bien après aussi.