150ème anniversaire du rattachement de la Savoie à la France
Notice
Pour le 150ème anniversaire du rattachement du Duché de Savoie et du Comté de Nice à la France, des festivités sont prévues. En 1860, après plusieurs années de tractations, Napoléon III et Victor Emmanuel II signaient le traité de Turin.
Éclairage
Préparées de longue date, les manifestations du 150ème anniversaire du rattachement de la Savoie à la France ont été nombreuses, diverses et agencées avec une ampleur et un lustre certains autour de la date anniversaire mais aussi tout au long de l'année 2010. L'ensemble des communes des deux départements savoyards a organisé des expositions, des colloques, mis en scène des commémorations et des spectacles historiques ou proposé des manifestations festives à la mesure de leurs moyens et de leur intérêt pour le sujet. Elles ont été le plus souvent un moment pour affirmer de manière forte l'identité de la Savoie, une des dernières provinces avec le Comté de Nice à être rattachée à la France, si l'on exclue la parenthèse de l'Alsace et de la Lorraine (1870-1918).
Le 24 mars, jour anniversaire de la date de la signature du traité de Turin, le reportage, présenté au cours du JT des Alpes édition de Grenoble, met l'accent sur l'aspect historique de l'événement. Le journaliste a privilégié les images des documents présentés dans une des principales expositions à Chambéry et donné la parole à deux historiens de la Savoie : Jean Luquet, directeur du patrimoine savoyard et François Forray, représentant de l'Académie de Savoie, une des nombreuses académies et sociétés savantes qui maillent le territoire, mais aussi une des plus importantes. En même temps que le journaliste ou le témoin rappellent cet événement, des focus sur des tableaux ou des affiches mettent en exergue le drapeau français alors que des zooms sur les actes officiels illustrent les propos tenus : c'est ainsi que l'on voit le paraphe des principaux signataires pour les deux États : Talleyrand et Cavour, représentants respectifs de Napoléon III et de Victor-Emmanuel II. Dans le contexte d'affirmation des États-nations qui scandent le 19ème siècle, au cœur des stratégies géopolitiques en Europe, le rattachement de ces territoires frontaliers pour les deux États a nécessité de longues tractations (à partir de 1858) et reste la contrepartie de la politique italienne de Napoléon III, notamment son aide apportée à l'unification italienne sous la direction de Victor-Emmanuel II, roi de Piémont Sardaigne. D'autres positions étaient alors défendues comme le rattachement des provinces proches de la Suisse (Chablais et Faucigny) à la confédération helvétique (avec le soutien de l'Angleterre) ou le statut quo. Finalement, le retour de Cavour aux affaires et la volonté d'un certain nombre de notables savoyards de garder l'unité de la Savoie sous l'égide de la France aboutissent à la signature du traité dit de Turin, le 24 mars 1860. En vertu de l'article 1, le duché de Savoie est désormais réuni à la France, sous réserve de l'adhésion des populations appelées à se prononcer. Cela est fait les 22 et 23 avril 1860, en Savoie comme à Nice. La question du tracé des frontières n'intervient qu'en 1861 avec une zone franche instaurée dans la proximité de Genève. Ces frontières font à nouveau l'objet de tractations au moment des conflits du 20ème siècle : réduction de la zone franche après la 1ère guerre, suspension du traité de Turin durant le second conflit mondial, restauration en 1947.
Il est intéressant de voir les termes différents employés par le journaliste et ses interlocuteurs pour évoquer le traité et sa ratification : rattachement/annexion (le terme de rattachement a remplacé en 1960 au moment du premier centenaire celui d'annexion qui figure dans l'article 1) et référendum/plébiscite. L'anecdote généralement racontée à propos des plébiscites de Napoléon III est appliquée à celui d'avril 1860 et crédibilisée par une caricature de Daumier. Elle renvoie à l'idée de l'immaturité politique du monde rural avec des paysans venant demander à leur maire ce qu'ils doivent voter. Si le plébiscite ne fait aucun doute comme le montrent les archives et les résultats du vote, la représentation du monde rural et montagnard reste stéréotypée : une représentation d'autant plus étonnante qu'en Savoie alpine, comme dans d'autres territoires de montagne, les populations ont l'habitude de migrer, ont une tradition d'auto-administration et de pratiques politiques locales, sans parler de l'alphabétisation bien établie dans certaines hautes vallées.
Le retour affirmé de ces termes n'est pas sans rapport avec la réapparition de quelques groupes autonomistes (Ligue Savoisienne) depuis le milieu des années 1990 qui en font leur revendication essentielle. Pour les témoins et plus largement au sein de la population, c'est le signe de la forte identité savoyarde qui s'affirme à l'occasion de cette commémoration comme elle a pu le faire lors d'événements majeurs (JO d'Albertville par exemple).