Le club de tennis de Pierre Barthès

En 1975, le Cap d’Agde est l’une des nouvelles stations balnéaires conçues dans le plan d’aménagement du littoral languedocien, à l’initiative de l’Etat et sous l’impulsion de la Mission Racine. En dehors du port de plaisance, l’équipement sportif majeur qui fait la particularité de la station est alors le centre de tennis animé par Pierre Barthès. Celui-ci est un champion atypique dont la carrière sportive a été déterminée par son choix d’expérimenter le professionnalisme en rupture avec les instances fédérales officielles, française et internationale, de son sport. Durant les années 1960, il participe – seul Français – à la World Championship Tennis (WCT), circuit professionnel essentiellement américain, qui regroupe des gloires mondiales du tennis tels que les Australiens John Newcombe et Rod Laver ou l’Américain Arthur Ashe. Ce n’est que dans les années 1970 qu’il peut réintégrer la Fédération française de tennis, au moment de l’ouverture de l’ère Open que nous connaissons aujourd’hui.

Originaire de Béziers, Pierre Barthès est approché par Jean Miquel, le directeur de la société d’aménagement du Biterrois et du littoral en charge de la future station. Il saisit l’occasion de s’investir au Cap d’Agde en créant en 1973 un centre d’entrainement « à l'américaine ». Son expérience aux États-Unis en fait un pionnier des conditions de formation des joueurs : il insiste avec raison sur la nécessité de l’apprentissage sur les diverses surfaces de jeu en usage dans le monde. Ce centre inauguré en grandes pompes par Stan Smith, qui fut vainqueur du tournoi de Wimbledon, était alors considéré comme le plus grand centre de tennis d’Europe. Barthès, homme de communication, parraine des stages de formation organisés par son adjoint Francis Rawstorne, et fait parler du Cap d’Agde en organisant des tournois-exhibitions qui attirent la foule estivale, en usant de ses relations : ainsi les  Carrés d’As , au tournant des années 70-80, réunissent des gloires telles que Jimmy Connors, John McEnroe, Bjorn Borg, Illie Nastase ou Yannick Noah, opposés au centre des arènes du Cap. Quelques années plus tard, la grande halle couverte accueille à leur tour les championnes dans un Trophée de la femme, où sont invitées, de Martina Navratilova à Steffi Graf en passant par Monica Seles, Martina Hingis, la Catalane Arantxa Sanchez ou Mary Pierce, toutes les meilleures joueuses mondiales. Ces tournois exhibitions sont rendus possibles par l’état encore embryonnaire du tennis professionnel. Ils disparaissent lorsque les organisations des joueurs (ATP et WTA) emplissent le calendrier avec le nombre toujours grandissant des tournois officiels tout au long de l’année.

Mais il ne semble pas que les ambitions sportives de Pierre Barthès se soient véritablement concrétisées. Le centre de formation fonctionne au ralenti hors saison, et doit déposer son bilan. Barthès parti, c’est la municipalité d’Agde qui reprend le centre en 1991. La concurrence du golf, ouvert en 1989, serait en cause. Mais peut-être aussi le désintérêt de la Fédération de tennis et de la Ligue du Languedoc-Roussillon qui préfère s’installer à la Grande-Motte.

A partir de 2018, la ville d’Agde entreprend les travaux de rénovation et de modernisation indispensables dans un centre laissé quelque peu à l’abandon. Avec sa quarantaine de courts, le centre international de tennis participe pleinement à l’image sportive qu’entendent imposer la station et la ville d’Agde auprès du tourisme de masse, entre les 27 trous du golf (115 hectares) et les 4 000 anneaux répartis entre les trois ports de plaisance.