Réintégration de tortues à Villeneuve-lès-Maguelone
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La réserve naturelle de l’Estagnol, zone marécageuse du littoral héraultais protégée depuis 1975, fait l’objet d’un programme de réintroduction de la Cistude d’Europe : une tortue d’eau douce en voie de disparition. Les sujets sont suivis par télémétrie : très craintive, la Cistude est en effet difficile à étudier.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
23 mai 2010
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Contexte historique
ParChercheur CNRS (Centre national de la recherche scientifique) au CEFE (Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, Montpellier)
Les tortues, terrestres ou aquatiques, font partie des plus anciens reptiles vivants, et ont très peu évolué durant les 200 millions d’années de leur présence sur Terre. Mais les nombreuses menaces qui les guettent de nos jours font que beaucoup d’espèces de tortues sont en péril. Tel est le cas de la Cistude d’Europe (Emys orbicularis), petite tortue d'eau douce classée « vulnérable » ou « quasi-menacée ». Elle est à ce titre protégée au niveau national et international [1].
Présente dans presque toute l'Europe, la Cistude est en forte régression en France. Autrefois consommée par les populations, les principales causes actuelles de la diminution de ses populations sont dues à la pollution et aux activités humaines : canalisation, bétonnage et pollution des cours d'eau, incendies.
La Cistude mesure en moyenne 14 cm de long pour un poids de 400 g (et jusqu’à 20 cm pour 1 kg), avec une carapace peu bombée, des pattes palmées et un fort dimorphisme (une grande différence d’aspect) entre mâle et femelle. Principalement carnivore jusqu’à deux ans, elle se nourrit alors d’insectes aquatiques, de jeunes poissons, de vers, de mollusques, de crustacés, de têtards… Elle devient ensuite omnivore et mange de plus en plus de végétaux. Elle passe la plupart de son temps dans des milieux boueux : canaux, tourbières, bras de rivière, étangs, mares... Elle ne vient à terre que lors de l’assèchement de son milieu de vie, pour la dispersion des mâles ou pour la recherche des sites de ponte. Elle a en effet besoin d'un sol meuble ou sableux et de zones ensoleillées pour déposer ses œufs. Son rythme de vie est lié à la température ambiante et son cycle annuel alterne une période d’activité (de mars à octobre) avec une période d’hivernage (de novembre à février). Diurne, la Cistude est cependant très discrète et farouche, ce qui la rend difficile à étudier. La régression de la Cistude a suscité en France plusieurs projets de protection ou de réintroduction, dont un dans l’Hérault.
La commune de Villeneuve-lès-Maguelone compte plusieurs sites naturels d’exception. Parmi eux un marais de 78 hectares, niché dans la garrigue, dénommé l’Estagnol, a été classé en réserve naturelle nationale en 1975 à l’initiative des chasseurs et des naturalistes locaux. Le propriétaire et gestionnaire historique était l’Office national de la chasse, qui depuis 2020 fait partie de l’Office français de la biodiversité (OFB) [2]. Actuellement l’OFB assure une cogestion du site avec le Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie.
Partagés entre milieux aquatiques et terrestres, les paysages de la réserve témoignent de la diversité des activités qui s’y sont succédé : saliculture, coupe de la sagne [3], pêche, pâturage, chasse ou zone de stockage de gravats d’une exploitation minière périphérique. Reconnue comme zone d’importance pour la biodiversité, la réserve de l’Estagnol bénéficie d'outils de conservation multiples : zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique ; zone importante pour la conservation des oiseaux ; site Natura 2000 ; zone Ramsar pour sa zone humide d’importance nationale.
Cette zone humide légèrement saumâtre abrite plusieurs espèces patrimoniales. En 2021, 329 espèces végétales et 1 360 espèces animales (en majorité des insectes) y ont été inventoriées. C’est un espace privilégié pour certaines espèces d’oiseaux, en reproduction, en hivernage ou en halte migratoire. Auparavant strictement fermée au public, la réserve accueille aujourd’hui des groupes de scolaires et de grand public, pour sensibiliser à la protection de l'environnement et faire évoluer les comportements.
Un programme de réintégration de la Cistude d’Europe est mené avec succès sur l’Estagnol depuis 2007. Denis Reudet, gestionnaire de la réserve, explique dans le reportage que 30 adultes équipés d’émetteurs radio ont été introduits en 2010. Un suivi télémétrique a montré que certains s’y sont reproduits. D’après l’OFB, 130 individus ont été dénombrés en 2016, illustrant la réussite de cette réintroduction. Un autre projet plus récent, mené par le Syndicat mixte du bassin de l'Or et le Syndicat mixte des étangs littoraux, a permis la mise en place d’actions expérimentales et pilotes pour lutter contre la tortue de Floride (Trachemys scripta elegans), espèce invasive qui entre en concurrence avec la Cistude d'Europe.
Tous ces efforts ne sont pas de trop pour protéger la Cistude d’Europe, et les comportements individuels respectueux sont tout aussi importants que les politiques et actions collectives.
[1] Inscrite aux annexes II et IV de la Directive européenne « Habitats-Faune-Flore », strictement protégée au niveau international par la Convention de Berne et classée quasi-menacée par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
[2] L'Office français de la biodiversité (OFB) est un établissement public de l'État qui contribue à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité des milieux terrestres, aquatiques et marins, ainsi qu'à la gestion équilibrée et durable de l'eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique. L'Office résulte de la fusion en 2020 de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
[3] Dénomination locale du roseau Phragmites australis, traditionnellement utilisé dans la confection des toitures des cabanes ou plus récemment dans celle des paillassons ou des brise-vents pour le maraîchage.
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