Naissance de tortues sur la plage des Aresquiers

Sur les sept espèces existantes de tortues marines, six fréquentent la mer Méditerranée et toutes sont vulnérables ou menacées [1]. Elles font localement l'objet de protection ou de plans de restauration, mais la pollution, le braconnage et les prises accidentelles par engins de pêche restent des causes préoccupantes de recul des populations. Les pontes de tortues marines et leur émergence sont donc des évènements exceptionnels. 

La tortue Caouanne (Caretta caretta) est une espèce protégée au niveau national, européen et international. Elle est considérée comme une « espèce menacée » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) [2]. Elle mesure en moyenne 90 cm de long pour 135 kg à l’âge adulte, mais peut aller jusqu’à plus de 2 m et plus de 500 kg. Omnivore, elle mange surtout des invertébrés. Elle a un faible taux de reproduction, atteint la maturité sexuelle à l’âge de 17 à 33 ans et a une espérance de vie comprise entre 46 et 67 ans. 

Les jeunes tortues sont victimes de très nombreux prédateurs et les œufs sont particulièrement vulnérables. Mais une fois qu’elles ont atteint l’âge adulte, leur grande taille et leur carapace les protègent des grands prédateurs marins comme les requins. La Caouanne est la tortue de mer qui a l’aire de ponte la plus étalée géographiquement : on la retrouve dans les océans du monde entier, excepté en Arctique, y compris en Méditerranée (surtout dans la partie orientale du bassin : Grèce, Turquie, Libye…).

Sa reproduction n’avait jamais été observée dans l’Hérault jusqu’en octobre 2018, où une Caouanne a pondu avec succès sur la plage des Aresquiers, à Villeneuve-lès-Maguelone. Ce film relate l’histoire de cette éclosion naturelle.

Alertés par des promeneurs qui ont observé des tortillons sortant des œufs, des scientifiques sont venus pour accompagner leur départ. 58 tortillons ont pris le large, 2 autres ont été d’abord soignés par Jean-Baptiste Sénégas au Centre d’études et de sauvegarde des tortues marines en Méditerranée au Grau-du-Roi.

D’après Claude Miaud, chercheur au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) à Montpellier, cette naissance ainsi que d’autres en Espagne et au Sud de l’Italie suggèrent que la Caouanne pourrait être en train de recoloniser des secteurs où elle avait disparu, récompensant ainsi 30 ans de protection de l’espèce sur nos côtes. 

Une nouvelle ponte a été observée dans l’Hérault en 2022 : une tortue Caouanne a été découverte dans la nuit du samedi 16 au dimanche 17 juillet en train de pondre une centaine d’œufs sur la plage de Valras. Cette ponte a bénéficié de la mobilisation de différents acteurs qui ont conjugué leurs efforts pour qu’elle puisse arriver à terme. La zone autour du nid a été interdite pendant deux mois et des équipes se sont relayées pour protéger la ponte. La lumière de la Lune est essentielle pour les tortillons qui sortent des œufs sur la plage : elle se reflète sur la mer et permet de les guider pour rejoindre la mer. La pollution lumineuse provoquée par des lampadaires ou des activités humaines peut conduire à la désorientation des tortillons. Un dispositif de protection et d’ombrage a été installé autour du nid et jusqu’à la mer, pour cacher les sources lumineuses, guider de manière passive les tortillons jusqu’à la mer lors de l’émergence, et aussi délimiter une zone d’exclusion absolue contre toute présence humaine afin d’éviter tout risque de piétinement. Ces efforts ont été récompensés puisque près d’une centaine de tortillons sont sortis du sable début septembre 2022 pour rejoindre la mer. 

La Caouanne est l’espèce de tortue la plus communément observée en mer Méditerranée, où sa population actuelle pourrait être de 1 à 2 millions d’individus, mais plusieurs facteurs ont un impact sur la population : les prédateurs exotiques introduits peuvent faire beaucoup de dégâts ; le nombre de plages adaptées à la ponte se réduit à cause de l'élévation du niveau de la mer ; les nichées comptent désormais plus de femelles que de mâles en raison de la hausse de la température du sable sur les plages de nidification, due au réchauffement climatique. 

La sauvegarde de l’espèce nécessite une coopération internationale accrue car les lieux de nidifications sont éparpillés dans de nombreux pays différents. Quand on sait que les tortues Caouannes ne se reproduisent pas avant 17 ans, qu'elles ne pondent que tous les deux à trois ans, qu'en moyenne seulement un jeune sur mille parvient à l'âge adulte..., il est essentiel de mettre en place tous les moyens nécessaires pour sauver chaque individu.

 
[1] En biologie et en écologie, une espèce vulnérable (ou préoccupante) est une espèce en péril car ses caractéristiques biologiques la rendent particulièrement sensible aux menaces liées aux activités humaines ou à certains phénomènes. Espèce menacée, espèce en voie d'extinction ou de disparition, est une appellation générique qui s'utilise pour les espèces susceptibles de disparaître dans un avenir proche. (Wikipédia)
[2] L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est une union unique de membres composée d’organisations gouvernementales et de la société civile ; son rôle est de promouvoir et de coordonner les actions de protection de la nature au niveau mondial.