Le musée Paul Valéry à Sète

En 1964, le conseil municipal de Sète adopte l’avant-projet de l’architecte montpelliérain Guy Guillaume. L’homme de l’art, imprégné des concepts géométriques de Le Corbusier, en souligne le cadre évolutif permettant une adaptation à l’évolution des besoins. La perspective sociale de l’opération est affirmée dans la priorité donnée à l’Éducation populaire tout en intégrant les objectifs traditionnels de conservation, de recherche scientifique et d’administration.

Le choix du terrain situé près du cimetière marin [1], sur la grande traversée touristique de la ville [2], instaure un lien symbolique avec l’œuvre de Paul Valéry. Ces vers, édités en 1920, semblent prémonitoires :

« Sur les maisons des morts mon ombre passe (…)  

Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,

Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres, 

Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres ; 

La mer fidèle y dort sur mes tombeaux. »

Orienté au sud, le musée s’offre à la lumière du soleil et favorise une vue panoramique sur la Méditerranée. Ce lieu inspire le poète et les visiteurs. Le regard valéryen sur l’art souligne une manière de voir et de percevoir. Une phrase en relief sur le mur de l’édifice en révèle l’intention muséographique : Une œuvre d’art devrait toujours nous apprendre que nous n’avions pas vu ce que nous voyons [3].

Le projet éducatif induit le classement des collections et leur accessibilité. La conception des parcours articule divers circuits de visite par la mise en place de salles spécialisées pouvant fonctionner séparément. Les thèmes retenus sont l’archéologie, Paul Valéry, les joutes nautiques, l’histoire de Sète et du Canal du Midi, les peintures du XIXe siècle et antérieurement, l’art contemporain. Une salle est réservée aux expositions temporaires et aux conférences. À l’extérieur, un bassin et des ancres marines à jas renvoient à l’identité maritime de la ville.

Après trois ans de travaux [4], ce nouveau musée est inauguré [5] en présence des enfants de Paul Valery. Gabriel Couderc (Sète, 1905-1994) est le directeur du nouvel établissement. C’est un artiste-peintre reconnu, cofondateur de l’école dite de Sète avec André Blondel et François Desnoyer. Conservateur de l’ancien musée, il est à l’origine, en 1948, du premier dépôt d’archives de la famille Valéry. En 1970, ce fonds comprend divers manuscrits [6], des sculptures et des œuvres graphiques. Un espace du musée est consacré à leur présentation.

Gabriel Couderc connait la réticence du poète pour ces lieux de conservation d’objets d’intérêt public :  Je n’aime pas trop les musées. Il y en a d’admirables, il n’en est point de délicieux. Les idées de classement, de conservation et d’utilité publique, qui sont justes et claires, ont peu de rapport avec les délices (…) un musée ne devrait présenter que des choses exceptionnelles [7].  Il espère pourtant que le poète aurait aimé celui-ci.

Fidèle à l’esprit de Le Corbusier, le bâtiment a été rénové en 2010 pour s’adapter aux attentes des visiteurs (terrasse, cafétéria, librairie, hall d’accueil). En 2021, 150e anniversaire de la naissance de Paul Valéry, la salle consacrée à son œuvre a été réaménagée. Un nouvel accrochage y est proposé, avec de nouvelles acquisitions, dont un portrait de Paul Valéry par Vincent Bioulès. En 2022, le musée poursuit le concept original 4 A 4 qui réunit, à chaque nouvelle manifestation et tous les deux ans, quatre expositions individuelles consacrées à quatre artistes  sans qu’aucune thématique commune ou une correspondance visuelle ne fédèrent leurs œuvres . Il s’agit de présenter la démarche singulière de chaque artiste dans son interrogation du monde contemporain et d’en faire un objet d’éducation artistique du public. L’esprit valéryen des collections est ainsi pérennisé.

 
[1] Archives municipales de Sète, PLC1, Avant-projet de construction du musée municipal Paul Valéry, 20 juillet 1964, p. 3, Le cimetière marin que l’édifice dominerait, dans le champ de vision de la tombe du poète . 
[2] Archives municipales de Sète, PLC151, Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, 14 octobre 1964.
[3] Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, La Nouvelle Revue Française, 1919. 
[4] La première pierre du musée a été posée le 7 septembre 1967.
[5] Le 27 novembre 1970.
[6] Dont le premier manuscrit du cimetière marin.
[7] Paul Valéry, Pièces sur l'art, Le problème des musées, 1934.