Pierre Soulages et le rapport physique à la peinture
Notice
Pierre Soulages est l'invité de Philippe Lefait dans son émission Le Cercle du mois de décembre 1998. Il est accompagné de Pierre Encrevé venu présenter le dernier tome de la trilogie L'Œuvre complet, ouvrage sur le travail de Pierre Soulages. L'entretien porte sur le rapport physique que l'artiste développe avec et dans son œuvre.
- Europe > France > Midi-Pyrénées > Aveyron > Conques
Éclairage
Pierre Soulages est l'invité de Philippe Lefait dans son émission Le Cercle du mois de décembre 1998. Il est accompagné de Pierre Encrevé venu présenter le dernier tome de la trilogie L'Œuvre complet, ouvrage sur le travail de Pierre Soulages.
Dans cet extrait, au travers de l'analyse de plusieurs de ses œuvres - notamment des vitraux de Conques ou bien de l'ensemble créé pour la première biennale de Lyon -, Pierre Soulages évoque le rapport physique induit dans sa peinture. Ce rapport s'établit dans une confrontation réelle avec la toile. Ainsi, dans cet extrait, il met de côté toute reproduction d'œuvre de ce discours ; ces reproductions ne pouvant pas remplacer la rencontre nécessaire à l'appréhension physique d'une Œuvre d'Art, et a fortiori des siennes.
Dans un premier temps il s'agit du rapport physique de l'artiste avec sa propre création. Pierre Soulages n'est pas un artiste adepte de la doxa, ses œuvres n'obéissent a aucun principe prédéfini, elles tentent simplement de répondre à sa volonté de faire de l'espace de la toile noircie, du vitrail ou de la gravure, un espace duquel jaillit la lumière. L'artiste dispose et aménage différentes surface qu'il nomme lisses, violentes ou adoucies, jusqu'à ce que naisse enfin cette rencontre entre espace pictural et espace lumineux.
Par la suite, c'est le regardeur qui doit entretenir ce rapport physique à l'œuvre. L'espace créé par cette peinture est activée par lui seul, qui, en se déplaçant librement en vis-à-vis de cette toile, va voir apparaître ces différentes lumières émergeant du noir, avec différents tons de bruns, d'ocres ou bien encore de bleus. Par cette expérience se déroulant dans le domaine du sensible, le regardeur donne aux toiles de Pierre Soulages une existence dans une troisième dimension : celle qui se trouve entre lui et la toile et qui n'est habitée que par l'impalpable qualité de la lumière. Cet espace se meut et se transforme en fonction des déplacements du regardeur et des différentes variations de la lumière elle-même. Il est ce que l'artiste nomme « le champ mental » de sa peinture. Comme le dit Pierre Soulages, les mots sont des éléments préfabriqués, ils ne peuvent donc pas définir l'expérience du champ mental de l'œuvre car celle-ci appartient a chaque regardeur, c'est une expérience physique qui s'inscrit dans le réel et l'intime.