Rassemblement politique à Saint-Laurent-du-Var en hommage à l'oeuvre colonisatrice des Français d'Outre-Mer
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À l'appel d'élus des Alpes-Maritimes et d'associations de rapatriés d'Afrique du Nord, un rassemblement a eu devant la mairie de Saint-Laurent-du-Var pour rendre hommage à l'oeuvre colonisatrice des Français d'Outre-Mer. Comme l'explique le député Lionel Lucca, organisateur de la manifestation, il s'agit de protester contre la décision du président de la République de revenir sur l'article de la loi du 23 février 2005 promouvant le caractère positif de la colonisation. Il n'aurait, d'après lui, entendu que "les plus agités", dont certains auraient "combattu contre la France". Michèle Tabarot, autre député des Alpes-Maritimes, refuse un traité avec l'Algérie qui obligerait l'histoire de France à s'aligner sur sa version. Les gros des manifestants ont été mobilisés par les associations de rapatriés. Les interviewés expriment leur incompréhension. Certains arborent des insignes de l'OAS. Lionel Lucca espère que son initiative fera école.
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03 févr. 2006
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Ce rassemblement réunit 1 500 personnes environ, à 12 heures 30, devant l'Hôtel de Ville de Saint-Laurent-du-Var. Il répondait à l'appel lancé par Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, auquel s'étaient joints ses collègues parlementaires du département, Jean-Claude Guibal, Jean Léonetti, Muriel Marland-Militello, Jacques Peyrat, Jérôme Rivière, Rudy Salles, Michèle Tabarot, ainsi que les députés, de même tendance, Thierry Mariani (Vaucluse),
Philippe Vitel (Var), Jacques Remiller (Isère) et leur hôte, Henri Revel, maire de Saint-Laurent. À ces personnalités politiques, ajoutons, présent avec eux au premier rang, Christian Kert, député UMP des Bouches-du-Rhône, président du Groupe d'études sur les rapatriés de l'Assemblée nationale et rapporteur de la loi controversée du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation en faveur des Français rapatriés ». C'est précisément pour protester contre sa modification que le rassemblement a lieu.
Cette loi visait à satisfaire les revendications, matérielles et mémorielles, d'associations de rapatriés d'Afrique du Nord. Elle permettait d'une part d'indemniser les derniers rapatriés qui ne l'avaient pas encore été (les condamnés pour leur participation à l'OAS), et d'autre part, tenait à introduire dans l'enseignement une vision nécessairement positive de l'action des Français dans leurs anciennes colonies. Votée dans une grande indifférence, y compris par les parlementaires de gauche qui se trouvaient à l'Assemblée, cette loi, à laquelle le gouvernement d'alors ne tenait pas, a très vite soulevé un tollé, en particulier chez les historiens (notamment chez les spécialistes de la question). Elle choquait à cause de l'imposition d'une version « officielle » et obligatoire d'un passé qui est forcément complexe, contradictoire, objet de réexamen. Elle venait, de plus, au plus mauvais moment diplomatique (ce qui ne relevait pas du hasard) alors que s'engageait une xième tentative pour améliorer les relations franco-algériennes. Au cœur du débat, se trouvait l'alinéa de l'article 4 de la loi imposant aux manuels scolaires d'évoquer " le rôle positif " de la colonisation. Pour sortir de l'impasse, le président de la République, Jacques Chirac, avait saisi le Conseil constitutionnel, qui, le 31 janvier, venait de prendre la décision de déclasser l'alinéa contesté au motif qu'il était d'"ordre réglementaire ", ce qui autorisait sa suppression par décret (ce qui sera fait le 15 février).
La manifestation se produit donc dans ce contexte à l'initiative de parlementaires de la majorité, qui sont intervenus activement dans le débat, qui ont poussé à l'adoption de la loi et que le président de la République est en train de désavouer. Dans son allocution, Lionel Lucca a stigmatisé les manuels scolaires qui, d'après lui, « occultent la tragédie des rapatriés », tandis que Michèle Tabarot glorifiait l'oeuvre de la France en Afrique du Nord, que Jacques Peyrat, député-maire de Nice, condamnait « l'auto-flagellation » et le « suicide programmé de la nation » et que Jean Léonetti, député d'Antibes, invitait « à retrouver cette fraternité qui était là-bas » (sous-entendu en Algérie). La cérémonie s'est terminée avec dépôts de gerbes, Marseillaise et Chant des Africains.
L'activisme mémoriel de Lionnel Luca et de ses collègues en faveur d'une représentation flatteuse du passé colonial de la France s'explique par le poids électoral des rapatriés et de leurs descendants dans le département des Alpes-Maritimes en particulier et dans la Provence en général, où près de la moitié d'entre eux se sont plus ou moins rapidement établis. Il s'agit aussi de disputer au Front national un électorat qui lui sert de socle. Le député Lucca a d'ailleurs veillé au début de la manifestation à ce que les plus extrémistes, qui étaient très présents, se fassent discrets, mais les images montrent que certains arboraient des insignes de l'OAS. On ne saurait omettre, par ailleurs, les liens personnels de certains de ces parlementaires avec la cause de l'Algérie Française, y compris dans sa version « ultra », celle de l'OAS. Le père du député Vitel, lui aussi député de Toulon, était, aux côtés de Maurice Arreckx, parmi les élus varois favorables à l'Algérie Française qui avaient rompu pour cela avec le général de Gaulle. Jacques Peyrat, ancien légionnaire parachutiste en Indochine, responsable du FN des Alpes-Maritimes avant de le quitter pour devenir maire de Nice (et rallier le RPR), a commencé son engagement politique dans la même mouvance. Michèle Tabarot, vice-présidente du groupe parlementaire d'études sur les rapatriés, est la fille d'un ancien responsable de l'OAS à Oran, réfugié en Espagne franquiste avant d'être amnistié en 1968. Rappelons que la droite antigaulliste de la région a très vite promu la mémoire activiste de l'Algérie Française. Les municipalités de Nice et de Toulon ont inauguré dès les années 1970, des monuments qui honoraient explicitement les « martyrs » de l'OAS. Parmi d'autres communes des Alpes-Maritimes, Saint-Laurent-du-Var a donné le nom du général Jouhaud, l'un des généraux putschistes de 1961, à l'une de ses avenues.
Mais, par-delà du contexte régional, cette manifestation et la loi du 23 février 2005 sont les expressions d'une mémoire blessée, vaincue, légitimement douloureuse et qui entend prendre une revanche sur le passé en tentant de faire prévaloir sa version de l'histoire. Les propos tenus par les organisateurs à Saint-Laurent reprennent les discours qu'ils avaient prononcés à l'Assemblée nationale au cours des débats autour de la loi du 23 février 2005. Lionnel Lucca, enseignant d'Histoire-Géographie de l'enseignement privé, avaient affirmé le 11 juin 2004 : « Il nous faut écrire l'histoire et l'enseigner pour que les enfants de notre pays sachent que la France n'a pas été colonialiste mais colonisatrice » et Michèle Tabarot, le 29 novembre 2005, disait ne pouvoir « accepter que cet hommage à la présence française outre-mer soit aujourd'hui attaqué ». Cette action s'inscrit dans un mouvement assez général de revendications mémorielles émanant de groupes divers, qui, les uns après les autres, les uns générant les autres dans une sorte de concurrence, s'expriment au nom de « communautés » victimes de l'histoire et revendiquent une considération particulière, parfois la repentance, ou la réécriture de l'histoire quand celle qui se fait ne leur convient pas. La prise en compte de ces revendications mémorielles a conduit à une série de lois qui ont eu tendance à vouloir fixer une « vérité » historique, à partir de la loi dite Gayssot de 1990 condamnant la contestation des crimes contre l'humanité tels que définis par le tribunal de Nuremberg, qui a ouvert la voie à d'autres demandes (d'où les lois du 29 janvier et du 21 mai 2001, l'une reconnaissant l'existence du génocide arménien de 1915 et l'autre qui fait de la traite négrière et de l'esclavage pratiqués aux siècles passés des crimes contre l'humanité et qui entend leur faire une place « conséquente » dans les programmes scolaires). La loi du 23 février s'inscrivait exactement dans cette ligne qu'une grande partie des historiens ont condamnées. Dès juin 2005, le Comité de vigilance face aux usages publics de l'Histoire publiait un manifeste qui condamnait cette loi et la tendance générale qu'elle reflétait : « Cette loi est non seulement inquiétante parce qu'elle est sous-tendue par une vision conservatrice du passé colonial, mais aussi parce qu'elle traduit le profond mépris du pouvoir à l'égard des peuples colonisés et du travail des historiens. Cette loi reflète une tendance beaucoup plus générale. L'intervention croissance du pouvoir politique et des médias dans des questions d'ordre historique tend à imposer des jugements de valeur au détriment de l'analyse critique des phénomènes ». Le 19 décembre 2005, 19 historiens parmi les plus connus, autour de Pierre Nora (concepteur de la série d'ouvrages sur les Lieux de mémoire) lançaient l'appel « Liberté pour l'Histoire ! », dans lequel ils précisaient : « L'histoire n'est pas la mémoire. L'historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces et établit les faits. L'histoire tient compte de la mémoire, elle ne s'y réduit pas ». C'est la position que vient de prendre partiellement en compte le "rapport sur les questions mémorielles" adopté le 18 novembre 2008, sous l'égide du président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), qui renonce à faire légiférer le Parlement sur de tels sujets.
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