La Franc-Maçonnerie mise en cause à Nice
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Après plusieurs mises en examen de francs-maçons, les dirigeants de la Grande Loge Nationale Française veulent rétablir leur réputation..
Date de diffusion :
15 déc. 2000
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Le procureur de la République, Éric de Montgolfier, avait fait sensation en octobre 1999 en dénonçant au Nouvel Observateur les dysfonctionnements du tribunal de grande instance de Nice et l'influence de réseaux maçonniques sur le cours de la justice. Il avait été convoqué à la Chancellerie par Élizabeth Guigou, garde des Sceaux (PS), mais il avait réitéré ses accusations en stigmatisant, dans le quotidien Le Monde, le "total mélange des genres entre franc-maçonnerie, politique, économie, justice". La mise en évidence publique, en novembre 2000, de l'utilisation de renseignements confidentiels par des policiers maçons pour les besoins de leur obédience et l'implication du juge Renard, doyen des juges d'instruction, dans ces réseaux d'influence venaient confirmer ses déclarations.
Le procureur de Montgolfier, d'origine lyonnaise, était arrivé à Nice en février 1999 après avoir défrayé la chronique à Valenciennes dans le cadre de l'affaire du match truqué VA/OM où Bernard Tapie avait été impliqué (voir L'affaire Valenciennes/OM). Lionel Jospin aurait souhaité que le "ménage" soit fait à Nice où, depuis plusieurs années, des rumeurs couraient sur les pratiques peu orthodoxes qui y avaient cours. L'écrivain Graham Greene avait écrit un brulôt à ce sujet (J'accuse. The Dark Side of Nice, 1982) et plusieurs scandales étaient venus éclabousser les milieux politiques, à commencer par les affaires Médecin (voir Jacques Médecin en exil en Uruguay) et Mouillot. Celui-ci, maire de Cannes (PR), avait été incarcéré en 1996 pour avoir exigé de l'un des casinos de la ville un pot-de-vin pour lui faire obtenir l'autorisation d'installer des machines à sous. C'était un juge de Grasse, Jean-Pierre Murciano, qui avait instruit, non sans mal, cette affaire. Le sulfureux Michel Mouillot appartenait à la Grande loge nationale française (GLNF), l'obédience mise en cause par le procureur de Montgolfier, mais dont certains membres, déjà, avaient fait parler d'eux dans le Var, en particulier autour de l'affaire Arreckx.
La Provence est une terre d'implantation maçonnique ancienne, mais, jusqu'aux années soixante, le monde maçonnique est dominé par les deux grandes obédiences de tradition républicaine et laïque, le Grand Orient de France, recrutant plutôt à gauche, et la Grande loge de France. À partir des années soixante, le monde maçonnique s'est diversifié avec surtout l'essor d'obédiences d'origine anglo-américaine, aux tendances spiritualistes et spiritualistes plus marquées et aux orientations politiques conservatrices. Parmi elles, la GLNF s'impose et devient localement la deuxième obédience maçonnique à partir de son enracinement dans les Alpes-Maritimes. Ancrée à droite, elle recrute notamment parmi les professions libérales, le monde des affaires et les fonctionnaires d'autorité. Son implication dans les affaires a poussé le Grand Orient à lui interdire d'utiliser ses temples en 1998. L'affaire dévoilée en novembre 2000 met en cause le Grand maître provincial de la GLNF, le banquier Bernard Meroli. Les renseignements tirés du fichier du STIC (Système de traitement des informations constatées) par des policiers membres de l'obédience permettaient de recueillir des informations sur les candidats à l'entrée dans l'obédience. À la suite de cette affaire, la GLNF entreprend une "opération mains propres" dont est chargé l'ancien Grand maître provincial Jean-Charles Foellner. Celui-ci l'annoncera à Juan-les-Pins le 15 décembre 2000. Pour le 90e anniversaire de l'obédience, en février 2003, il se targuera, alors qu'il a été élu Grand maître national, d'avoir fait partir 350 membres. Entre temps, la province Alpes-Méditerranée, forte de 2 200 membres (sur les 31 500 revendiqués en France), aura été mise sous tutelle, Bernard Méroli contraint à la démission et le juge Renard, particulièrement mis en cause pour ses relations et ses pratiques peu conformes à la déontologie, interrogé et même gardé à vue en 2001 (il sera révoqué en 2008).
Les interventions fracassantes du très médiatique procureur de la République, Éric de Montgolfier, ne lui valent pas que des amis, en particulier dans le milieu politique et dans le monde judiciaire, jusqu'au sommet de sa hiérarchie. Sa dénonciation tous azimuts de la "culture de l'arrangement" et de celle de "l'impunité" dérange, en paraissant mettre tout le monde en cause. Les enquêtes qu'il lance avec l'appui de certains médias ébranlent la municipalité de Jacques Peyrat en aboutissant à des condamnations pour marchés truqués. Jouant volontiers à l'empêcheur de tourner en rond (Le Devoir de déplaire, écrira-t-il), il lui arrive aussi de manquer de discernement, par exemple en engageant des poursuites contre Johnny Hallyday pour viol en 2002. En 2003, un rapport de l'Inspection générale des services judiciaires sera sévère à l'égard du fonctionnement de la justice à Nice, mais aussi à son égard. Ce rapport, qui recommande le départ de quatre magistrats - dont lui -, le rend responsable de l'échec de la réorganisation du Parquet à Nice. Le garde des Sceaux de l'époque, Dominique Perben (UMP), souhaitera le muter à Versailles, ce que le procureur de Montgolfier refusera en se disant victime d'une machination.
Inculpé à son tour pour "atteinte à la liberté individuelle" pour avoir maintenu abusivement en prison un voleur de bijoux de haut vol, il vient d'être relaxé en décembre 2008 par le tribunal correctionnel de Lyon.
Une chose est sûre, par-delà les polémiques, c'est que, comme l'écrit Paul Barelli, dans Le Monde du 18 décembre 2008, "dans la juridiction niçoise, il y a eu un avant et il y aura un après Montgolfier".
Bibliographie :
Éric de Montgolfier, Le Devoir de déplaire, Paris, Michel Lafon, 2006.
Jean-Pierre Murciano, Juge sur la Côte d'Azur, Paris, Éditions Michel Lafon, 2001.
Transcription
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