Cocteau signe son testament aux Baux
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Dans cette archive du 12 septembre 1959, on assiste aux ultimes préparatifs avant le premier tour de manivelle du Testament d'Orphée, aux Baux. On voit d'abord Jean Cocteau en train de vérifier le plan de travail à la terrasse de L'Oustau de Baumanière, pendant que le commentaire explique ce que va être le film : « un dernier poème visuel légué à tous les jeunes qui lui ont fait confiance, avec l'espoir d'atteindre quelques âmes fraternelles ». Le projet est ensuite plus amplement détaillé devant le décor extérieur qui servira le soir même, lors du tournage de la première séquence. Le reporter égraine le nom de toutes les personnalités qui participeront au film tandis qu'on voit Daniel Gélin donner une interview et Cocteau boire en compagnie de Gitans « qui tiendront une place importante dans le film ». Le document s'achève sur des plans d'ambiance, la nuit, au moment du premier clap.
Date de diffusion :
12 sept. 1959
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Contexte historique
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Dans l'œuvre protéiforme de Cocteau, le cinéma occupe un volume assez mince au regard de sa production littéraire ou graphique, mais il est essentiel. Chacun de ses films le reflète en effet tout entier, avec ses fantasmes, ses obsessions, sa « difficulté d'être ». En 1959, moins de quatre ans avant sa mort, c'est d'ailleurs par le truchement du cinéma qu'il décide d'écrire son testament artistique.
Et, pour la première fois, Cocteau ne délègue à personne d'autre le rôle du Poète, c'est-à-dire le sien. Il veut l'incarner lui-même tout au long d'un film destiné à reprendre les thèmes et les motifs qui ont, sa vie durant, imprégné son œuvre. Plus encore que dans ses oeuvres précédentes, il s'agit d'abolir le temps, de multiplier variations poétiques et philosophiques sans souci de logique, de mêler mort et résurrection, créatures mythologiques et personnages contemporains...
On devine qu'à la lecture d'un tel projet, les producteurs font la grimace. Et s'en détournent avec d'autant plus d'empressement que dix ans plus tôt, Orphée a été un échec.
Si, au bout du compte, Le Testament d'Orphée pourra quand même voir le jour, c'est grâce à un réseau d'amitiés agissantes.
L'un des maillons de cette chaîne est Lucien Clergue. Lui et Cocteau se rencontrent par l'intermédiaire de Picasso en 1956, alors que le photographe arlésien n'a que de 22 ans. Rencontre déterminante ! Enfant du quartier de La Roquette, Clergue fait découvrir le monde des Gitans arlésiens au poète, qui s'en émerveille et s'en inspire, notamment pour décorer la chapelle de Villefranche (que l'on voit dans le Testament, le temps d'une séquence). Lorsque, trois ans plus tard, Cocteau esquisse cet ultime film, il y veut absolument une présence gitane et demande à l'Arlésien d'être de nouveau son « poisson-pilote ». L'aide sera efficace et finalement, Clergue suivra tout le tournage (Il en publiera le compte-rendu photographique bien plus tard, en 2003, sous le titre Phénixologie).
Parmi les autres amis de Cocteau, nombreux sont ceux qui viendront faire une apparition : Picasso, Lucia Bosè et son mari le matador Luis Miguel Dominguin, Yul Brynner, Daniel Gélin, Serge Lifar, Françoise Sagan, Annette et Roger Vadim... Sans compter les « fidèles » comme Jean Marais, François Périer, Maria Casarès ou Edouard Dermit.
Mais l'homme à qui le film doit vraiment d'exister, c'est François Truffaut.
A l'époque, celui-ci connaît Cocteau depuis une dizaine d'années. Dans ses articles critiques, il l'a toujours traité comme un des ancêtres de ce cinéma qu'il appelle de ses vœux. Mais quelque chose de plus vient de les unir indéfectiblement : la présentation des Quatre cent coups au Festival de Cannes 1959. Dans la bataille qui a opposé les Anciens et les Modernes autour du film, Cocteau, président d'honneur, a apporté un soutien appuyé à Truffaut, qui est finalement reparti avec le Prix de la mise en scène. Or, à peine quelques semaines plus tard, le jeune cinéaste apprend que le vieux poète n'arrive pas à boucler le financement du Testament d'Orphée. Aussitôt, il décide de voler à son secours.
Il convainc tout d'abord ses associés des Films du Carrosse de cofinancer le film grâce aux premières recettes engrangées par les Quatre Cents Coups. Puis, pendant l'été 59, il participe à la préparation du film en tant qu'assistant de production. Il trouve ici et là des solutions habiles et aplanit certaines difficultés posées par le scénario, comme par exemple, l'utilisation de l'extraordinaire Val d'enfer.
Le Testament d'Orphée est donc le fruit d'une histoire généreuse avec, en prime, la révélation du site des Baux au monde entier !
Bibliographie
Lucien Clergue, Phénixologie, Actes Sud, 2003
A. De Baecque et S. Toubiana, François Truffaut, Gallimard, 1998
René Gilson, Jean Cocteau cinéaste, L'avant-scène théâtre, 1998
Filmographie
Jean Cocteau, Le testament d'Orphée, 1960 (disponible en DVD)
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