René Allio adapte Transit au cinéma
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En janvier 1990, René Allio vient réaliser Transit à Marseille. Ce reportage rend compte de deux scènes tournées place de Lenche, dans le quartier du Panier. La première est un plan général de foule dans le décor reconstitué d'un marché de plein air en 1940. La seconde, au même endroit, est un plan plus resserré sur les deux personnages principaux, respectivement interprétés par Sebastian Koch et Claudia Messner. Entre les deux prises, René Allio résume le sujet du film, inspiré de faits réels : l'histoire de tous ces artistes et intellectuels, qui, fuyant le nazisme, ont conflué vers Marseille dans l'espoir, vain le plus souvent, de trouver un bateau pour l'Amérique.
Date de diffusion :
17 janv. 1990
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Contexte historique
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René Allio est aujourd'hui le plus méconnu des cinéastes marseillais ; sans doute parce que, pour d'obscures raisons juridiques, ses films ne peuvent plus ni circuler, ni être édités en dvd. Les deux archives retenues dans ce Parcours renvoient à La Vieille dame indigne (voir René Allio, la morale de la liberté et les fantômes du souvenir) et à Transit, son premier et son dernier film, qu'il était intéressant de rapprocher car chacune illustre une facette de cette morale de la liberté, si caractéristique de son cinéma, et dont la racine est à chercher dans le dédale mémoriel.
Dans La Vieille dame indigne, qui date de 1965, le rejet de l'oppression se joue au plan intime, individuel. Le scénario s'inspire d'une nouvelle de Brecht au titre similaire. Ou plutôt non ! Il est adapté de Brecht, mais inspiré par la grand-mère du cinéaste, immigrée italienne qui, comme l'héroïne du film, a, sa vie durant, subi le joug de son époux avant de se sentir enfin libre à son décès. Premier film et premier fantôme donc !
Bien avant Guédiguian - qui, en tant que producteur, et en guise d'hommage fraternel, lui permettra de réaliser, peu de temps avant sa mort, un ultime documentaire justement intitulé Marseille, la vieille ville indigne - Allio transpose l'action à l'Estaque. Il choisit ce quartier parce qu'il a peu changé par rapport au Marseille de son enfance. Il en fait celui de sa Madame Berthe, symbole d'un monde en voie de disparition qu'il oppose aux grands ensembles qui poussent alors dans Marseille comme des champignons et où habitent les enfants de la vieille dame, éblouis par les mirages de la « modernité ».
La réception du film est chaleureuse. Le public applaudit « l'indigne » vieille dame, (délicieusement incarnée par une Sylvie alors âgée de 82 printemps) qui, après n'avoir été qu'obéissance, devoir et servitude, part « vivre sa vie » en compagnie d'une « jeunesse » peu recommandable interprétée par Malka Ribowska. La morale tendrement libertaire du film est, à l'évidence, annonciatrice de l'esprit qui gagnera le pays, trois ans plus tard, en 68 !
Adapté du roman semi autobiographique d'Anna Seghers, Transit inscrit, pour sa part, le thème de la résistance à l'oppression dans une dimension historique et collective. Le contexte est celui du Marseille de 1940, seul grand port de la zone non occupée où afflue, dans l'espoir d'échapper aux nazis, une foule hétéroclite d'opposants allemands, de juifs de toute l'Europe, d'anciens combattants de la guerre d'Espagne, d'artistes et écrivains « dégénérés », tous dans l'attente éperdue d'un hypothétique visa et d'un tout aussi hypothétique bateau à destination de l'Amérique.
Jeune lycéen, Allio a vécu les années de guerre comme « quelque chose d'épais et de mortel qui engluait peu à peu les êtres et les choses ». Plus tard, Malka Ribowska, sa première femme, l'a sensibilisé aux tragédies qui se sont jouées à la même époque en Europe centrale, et il en est resté à tout jamais bouleversé. Il n'est donc guère surprenant qu'il éprouve un véritable choc à la parution de Transit, en 1986. Il désire aussitôt l'adapter, y voyant à la fois une matière cinématographique exceptionnelle et un impérieux devoir de mémoire. Car que sait-on alors de cette histoire de réfugiés ? Pratiquement rien.
La romancière allemande a écrit le livre « à chaud », d'un trait, en 1941, à bord du Capitaine Paul-Lemerle qui l'emmenait de Marseille vers le Mexique grâce à un visa que lui avait obtenu la League of American Writers. Mais, comme on vient de le dire, il a fallu attendre 1986 pour qu'une petite maison d'édition régionale, Alinéa, aujourd'hui disparue, en publie la traduction française. A ce moment-là, exceptée une poignée d'universitaires, personne ne connaît cet extraordinaire et tragique mouvement qui a fait transiter par Marseille la fine fleur de l'intelligentsia européenne. Et comme le souligne l'historien Robert Mencherini, cette réalité aura beaucoup de mal à émerger.
En filmant Transit dans des endroits du quartier du Panier et de Belsunce où Anna Seghers est très précisément passée cinquante ans plus tôt, Allio fait resurgir ces fantômes du passé, les arrache à l'oubli, et apporte sur ces événements l'éclairage sensible d'un artiste concerné. Publications, expositions, colloques, articles : les chercheurs feront le reste. Mort en 1995, le cinéaste n'a pas eu le temps d'assister à cette « résurgence » de la mémoire collective dont il avait été un des éléments déclencheurs.
Paradoxalement, c'est lui qui a été happé par l'oubli. Pourtant, à travers cette morale de la liberté et cette fonction mémorielle, l'image qu'il renvoie de sa ville natale est sans conteste la plus éloignée des stéréotypes et des idées reçues. Et elle est, à ce titre, essentielle.
Bibliographie
- Bertold Brecht : La Vieille dame indigne et autres histoires, L'Arche, 1989
- Anna Seghers : Transit, 1944 (trad. française :1986) Poche
- Guy Gauthier : Les Chemins de René Allio, Éditions du Cerf,1993
- Pierre Murat : "Le cinéma d'Allio", article dans la revue Marseille n° 228, mars 2010
- Robert Mencherini : Artistes et intellectuels réfugiés dans la région marseillaise 1940-1942, PUP, 2005
Transcription
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