Renoir se souvient de Toni
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Lors du numéro de La Joie de Vivre qui lui est consacré, le 12 novembre 1957, Jean Renoir reconnaît le caractère pionnier de Toni, qu'il a tourné à Martigues, en 1935, entièrement en décors naturels. On assiste ensuite à la reconstitution d'une scène-clé du film, opposant Blavette et Andrex.
Date de diffusion :
12 nov. 1957
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Contexte historique
Par
« Né à Paris, je fus dès mon jeune âge naturalisé méridional », écrit Jean Renoir dans son autobiographie. Cette « naturalisation », il la doit à son père, Auguste qui, épris du Midi et de sa lumière, s'établit à Cagnes-sur-mer, avec famille et pinceaux, au tournant du XXe siècle (Jean Renoir tournera d'ailleurs Le déjeuner sur l'herbe dans la villa familiale des Collettes, quelque cinquante ans plus tard). Les Renoir connaissent par ailleurs très bien le pays d'Aix, car Auguste est un grand ami de Cézanne.
Jean est donc en terrain connu quand un vieux copain de classe, écrivain à ses heures et par ailleurs commissaire de police, lui apporte l'idée d'un film qui se déroulerait entièrement à Martigues. Cet homme, Jacques Mortier, voit dans une affaire dont il avait eu à s'occuper - un drame de la jalousie qui s'était soldé par deux morts - un sujet parfait pour le cinéma. A ceci près que le fait-divers s'était déroulé dans le milieu des ouvriers immigrés italiens et espagnols. Or, bien que l'immigration soit déjà un phénomène de masse (Pour la seule ville de Marseille, elle représente alors plus d'un cinquième de la population) le cinéma de l'époque ne la montre jamais et n'en parle pas davantage ! C'est précisément cela qui va intéresser Renoir dans le récit du commissaire : la possibilité de raconter une tragédie aux résonances antiques dans ce contexte social particulier.
Dans ce sens, Toni est un film vraiment exceptionnel puisqu'il faudra ensuite attendre la fin des années 80 pour que ce type de démarche, baptisé alors « films de banlieue », se développe dans le cinéma français.
Mais son originalité ne s'arrête pas là, car Renoir veut de surcroît tourner entièrement en décors naturels. On imagine la réaction des producteurs quand Renoir leur présente son projet : déjà échaudés par l'échec de La Chienne, ils lui claquent la porte au nez ! Heureusement, il y a Pagnol, qui vient de créer sa société de production et ses studios à Marseille. Pas effrayé le moins du monde par les « fantaisies » de Renoir - lui-même vient de réaliser Angèle dans des conditions d'extérieur assez semblables - Pagnol met à disposition son parc de matériel, ses studios (essentiellement pour la postproduction) et surtout, il accepte de produire et de distribuer le film. Il conseille même Blavette pour le rôle de Toni !
Extraite de la célèbre émission d'Henri Spade, La joie de Vivre, l'archive que l'on peut visionner ici est très surprenante. Une scène-clé de Toni, réunissant Blavette et Andrex, est reconstituée sur la scène de l'Alhambra Music-hall, vingt-deux ans après le tournage à Martigues ! Reconstitution fidèle par certains côtés (la cabane qui sert de décor, de même que les dialogues et les costumes sont identiques) et infidèle par d'autres (La mélodie que reprennent ici les charbonniers italiens n'est pas celle qu'ils chantaient originellement dans cette séquence, mais celle du prologue et de l'épilogue du film).
En prélude à cet étonnant exercice, la comédienne Odette Laure présente Toni comme le film qui a inventé le néoréalisme, « bien avant les Italiens ». Jugement un peu rapide, même si les points communs sont effectivement nombreux.
L'autre grand intérêt de cette archive est qu'on y voit la manière dont Renoir dirigeait ses comédiens, comment il les amenait à supprimer les effets. Blavette, ouvrier ferblantier que Pagnol avait convaincu de « faire l'acteur » - et qui trouvait avec Toni son premier grand rôle - proclamera toujours que Renoir « lui avait appris le métier ». Devenu par la suite un incontournable de la Pagnolie, il retravaillera néanmoins par deux fois avec Renoir, dans La Marseillaise et La Vie est à nous. Pour sa part, Andrex s'était déjà taillé une jolie réputation au music-hall quand il a tourné le film. Il retrouvera lui aussi « le Patron » pour La Marseillaise, mais le personnage qu'il incarne dans Toni marquera durablement sa carrière, riche en rôles de faux jeton !
Laissons la conclusion à Renoir, qui disait de ce film : « Je serais heureux si vous pouviez y deviner un peu de mon grand amour pour cette communauté méditerranéenne dont les Martigues sont un concentré. »
Bibliographie :
Jean Renoir, Renoir, Hachette, 1962
André Bazin, Jean Renoir, Champs libre, 1971
Pierre Leprohon, Jean Renoir, Seghers, 1967
Filmographie
Jean Renoir, Toni, 1935 (disponible en DVD )
Transcription
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