Répétition de L'Eau vive au quai d'Orsay
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Ce document est tourné le 21 mars 1957, neuf mois après le précédent, à Paris, dans le Palais d'Orsay. On y voit d'abord les comédiens Henri Arius, Pierre Moncorbier, Jean Panisse, Hubert de Lapparent et Pascale Audret répéter à la table sous la direction de François Villiers. Jean Giono et son coauteur, Alain Allioux, observent la scène. Insistant à plusieurs reprises sur le caractère insolite de cette production, le journaliste interroge ensuite Giono sur les raisons qui l'ont amené à participer à ce film et sur les conditions très particulières de sa réalisation.
Date de diffusion :
21 mars 1957
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Contexte historique
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Il peut paraître étrange de dire que L'Eau vive est un des films les plus insolites du cinéma français. C'est pourtant bien le cas. Du moins en ce qui concerne ses conditions de production et de réalisation. Pour les comprendre, il faut remonter à 1955 et parler... aménagement du territoire ! Cette année-là, l'Etat entérine un projet colossal, essentiel pour les besoins énergétiques du pays et le développement de l'arrière-pays provençal : l'aménagement Durance – Verdon. EDF, qui s'en voit confier la réalisation, doit construire rien moins que 23 barrages et prises d'eau, 33 centrales hydroélectriques et un canal de 250 kms !
Par delà les 117 communes directement concernées, c'est la région toute entière, ses paysages, son économie, qui vont être complètement refaçonnés. Technocrates et politiques mesurent bien qu'un changement de cette ampleur doit se faire non pas contre, mais avec la population. Or, pour bénéfique qu'il soit à termes, l'aménagement entraîne d'importantes perturbations, des changements considérables, et même de terribles sacrifices puisque tout ou partie de plusieurs communes doivent disparaître sous les eaux. Il faut donc vaincre les réticences, les oppositions. De plus, l'enjeu dépasse l'échelle régionale. C'est le pays tout entier qui doit adhérer à cette nouvelle et exaltante avancée de la Fée Electricité.
Mais comment « communiquer sur l'événement » ? L'idée première est de commanditer une série de courts-métrages. Puis, l'aménageur pense que l'objectif sera bien mieux atteint à travers un long-métrage de fiction, avec budget conséquent, acteurs connus et scope couleurs. Il définit alors un cahier des charges qui conditionne le financement : l'intrigue sera laissée à l'initiative des auteurs, à condition que les travaux d'aménagement, et leur progression, y occupent une place de choix. Ainsi va naître L'Eau vive, « propagande romancée », comme on a pu le dire, mais romancée par Giono !
Que vient faire le maître de Manosque, si méfiant envers « le progrès », dans une telle épopée moderniste ? L'explication qu'il donne dans l'archive proposée ici est éclairante. C'est le processus de fabrication, très insolite, de ce film qui lui a fait accepter cette proposition venue d'Alain Allioux (qui sera son coauteur) et du réalisateur François Villiers.
Il commence par imaginer, bien en amont du tournage, une de ces histoires paysannes typiques de son univers... Et lui donne comme toile de fond la construction du barrage de Serre-Ponçon ! On a donc un vieux retors qui cache son argent avant de mourir, sa fille vive et libre comme la Durance, et une parentèle, qui, à l'exception de l'oncle berger, veut faire main basse sur le magot. Mais, contrairement à ce qui se passe habituellement dans le cinéma, ce scénario n'est pas « ficelé », prêt à l'emploi pour le réalisateur. Giono imagine réactions, comportement et péripéties au fur et à mesure de l'avancement de ces fameux travaux qui changent le pays et les hommes. Le tournage s'étale ainsi sur plus de deux ans. Un processus « d'enracinement », comme le qualifie l'écrivain, qui correspond à sa manière.
Pour sa part, le réalisateur François Villiers remplit le contrat avec des images qui marient la dimension colossale de l'aménagement et l'intimité de l'intrigue ; à la sortie du film, les scènes d'inondation ont ainsi été unanimement applaudies. (Pour la petite histoire, c'est le barrage de Chaudanne qui a « doublé » celui de Serre-Ponçon, encore inachevé lors du tournage de ces séquences.)
A travers les amusants souvenirs de Blavette, qui joue le berger, on mesure néanmoins à quel point ce tournage a été difficile. Pendant deux ans, entre 1956 et 1957, il a entraîné un constant va-et-vient entre Paris où se faisaient les répétitions, et le terrain, où les prises de vue se déroulaient souvent dans des conditions acrobatiques. Mais ni la débutante Pascale Audret ni ces vieux routiers de Blavette, Arius ou Milly Mathis n'ont eu à s'en repentir. Sélectionné à Cannes, primé aux Golden Globes, L'Eau vive a été un énorme succès populaire, encore démultiplié par la chanson du film, signée Guy Béart. Quelques mois plus tard, quand le gigantesque barrage de Serre-Ponçon a été mis en eau, EDF avait popularisé son action au-delà de toute espérance !
Bibliographie :
Jean Giono et Alain Allioux, Hortense ou l'eau vive, France Empire, 1958
Charles Blavette, Ma Provence en cuisine, Editions Jeanne Laffitte, 2002
Filmographie :
François Villiers, L'Eau vive, 1958 (édité en dvd)
Transcription
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