Voeux pour l'année 1965

31 décembre 1964
13m 03s
Réf. 00068

Notice

Résumé :

Le général de Gaulle débute son allocution en dressant un bilan satisfaisant de l'année écoulée. Il donne ensuite les chiffres de la croissance, et souligne l'élévation du niveau de vie des Français. Il insiste également sur la puissance et l'indépendance de la France, modèle pour les pays moins avancés. Enfin, il conclut son discours en célébrant l'unité du peuple français.

Type de média :
Date de diffusion :
31 décembre 1964

Éclairage

Le 31 décembre 1964, le général de Gaulle présente ses voeux aux Français pour la nouvelle année 1965, par l'intermédiaire de la télévision, comme c'est désormais la tradition depuis le 1er janvier 1960.

Il commence par dresser un bilan de l'année écoulée et celui-ci est " catégorique " : la France s'inscrit désormais pleinement dans le mouvement des " Trente Glorieuses " qui se caractérise par une société d'expansion continue. Les progrès de la société française sont sans appel, comme le démontre le général de Gaulle à grand renfort de chiffres. Dans cette France du baby boom qui profite d'une forte immigration, le problème du logement est en passe d'être réglé, mais de nouvelles difficultés apparaissent : les cités-dortoirs sans transports associés et sans équipements parallèles. C'est en 1965 que les plans d'urbanisme concertés associés à un schéma directeur seront adoptés. Ainsi, le Général annonce-t-il l'augmentation du budget du Logement, mais également celui de la Santé publique, du Travail, de l'Agriculture, de l'Éducation nationale?Ce " budget de sincérité et d'équilibre " avait été adopté le 10 novembre 1964 par le Parlement.

Après l'exposé des brillantes réussites nationales, de Gaulle réitère son refus d'adhérer à la force nucléaire multilatérale placée sous le contrôle de l'OTAN, que l'Allemagne fédérale a accepté au mois de novembre, au grand dam des Français. Il rappelle aussi que des " contacts de plus en plus étroits " sont noués avec l'autre Amérique : en 1964, de Gaulle a réalisé deux grands voyages, tout d'abord au Mexique (en mars) puis dans toute l'Amérique latine (en septembre). En créant ainsi des liens avec les peuples américains, en leur prodiguant les mêmes encouragements d'indépendance qu'aux satellites de l'URSS, le Général exaspère les Etats-Unis qui considèrent ce continent comme leur " chasse gardée ". D'autant que la France a reconnu et renoué des relations diplomatiques avec la République Populaire de Chine en janvier, en opposition totale à la posture américaine.

Enfin, de Gaulle parle de l'Europe, et tout d'abord de l'Europe économique. Malgré l'optimisme du Général sur l'avenir de la construction européenne, 1965 marquera pourtant le début de la politique française dite de " la chaise vide ", où la France s'opposera aux décisions de la Commission européenne.

Aude Vassallo

Transcription

(Musique)
Charles de Gaulle
En 1964, la France a vécu en paix à l'intérieur et à l'extérieur, par contraste avec tant d'autres périodes de son histoire qui avaient été marquées par le trouble et par le malheur. Elle ne s'est gaspillée ni au-dedans en vaines agitations, ni en dehors en conflit stérile. Aussi, l'essor de renouveau dont elle est maintenant animée lui a-t-il permis d'avancer largement en fait de prospérité, de puissance et d'influence. Pourvu qu'en 1965 notre pays maintienne cette stabilité et cette activité, je suis sûr que l'année qui commence sera une étape importante de son extraordinaire développement. En fait de développement, le bilan est catégorique, au fond chacun le sait. Mais il est bon de donner des chiffres. Par rapport à 1958, l'année 1964 a vu notre revenu national s'accroître de 35%. Je parle du revenu réel, évalué après défalcation de toutes augmentations des prix, dès lors la France, au train où elle va, sera en moins d'une génération, deux fois plus riche qu'elle n'était. Pendant la même espace de six ans, le revenu moyen des français calculé en valeur absolue a monté d'au moins 25%. C'est le cas notamment pour certaines catégories qui avaient pu naguère paraître défavorisées : agriculteurs, fonctionnaires, agents des services publics. Cela veut dire en somme qu'un bébé qui vient au monde ce soir pourra à partir de sa majorité vivre deux fois mieux que ses parents ne vivent aujourd'hui. Tandis que notre progrès collectif nous permet d'améliorer ainsi l'existence de chacun, nous l'employons également à accroître massivement les grands investissements sociaux. Si l'on chiffre en monnaie constante les crédits qui leur sont alloués par le seul budget national, on voit qu'en 1965 par comparaison avec 1958, l'Etat augmente ce qu'il consacre au logement de 50%, à la santé publique de 68%, au travail de 80%, à l'agriculture de 126%, à l'éducation nationale de 170%, à la jeunesse et au sport de 216% et à la recherche scientifique de 518%. Assurément, nous avons à faire mieux encore, notamment quant au logement et nous le ferons sans nulle doute à mesure de nos moyens. Mais cette amélioration jamais atteinte jusqu'à présent de la prospérité nationale, de la condition de chacun et de la vie collective, tout le monde la constate en vérité, même si du fait qu'on la vit au jour le jour, on la discerne plus ou moins bien ou si les désirs croissants avec les progrès, on n'en est jamais satisfait, ou si les nostalgies, les rancoeurs, les démagogies partisanes, affectent de la mettre en doute. Sans avoir à prophétiser, j'annonce qu'à moins de grave secousse chez nous ou ailleurs, l'année 1965 verra notre prospérité nationale bénéficier de l'avance solide que lui permettent le plan de développement économique et social actuellement en vigueur, le budget de sincérité et d'équilibre qui vient d'être adopté, la stabilisation des prix et du crédit qui est et restera naturellement appliquée. Enfin par-dessus tout, le travail du peuple français. Eh oui le travail ! En effet étant donné que les limites de nos souhaits s'élargissent de jour en jour, que notre démographie s'élève sans cesse par la natalité et par l'immigration, en 1964, 565 000 habitants nouveaux dans la métropole, plus tard sans doute 1 million par an. Etant donné aussi qu'il est de notre devoir et à terme de notre intérêt de concourir à l'avance des peuples encore dépourvus, que la concurrence s'engage sur un marché sans douane de 6 Etats européens, que la pression de la puissance économique américaine se fait sentir jusque chez nous, il est clair qu'il nous faut produire toujours plus et toujours mieux. Epargner et investir constamment et davantage, pousser sans relâche nos recherches scientifiques et techniques sous peine de nous enliser dans une amère médiocrité et d'être colonisé par les participations, les inventions et les capacités étrangères. Mais, il n'y a rien là bien au contraire qui puisse intimider la France nouvelle où pousse une jeunesse fort heureusement nombreuse et ambitieuse. En 1965, nous ne relâcherons donc pas notre effort qui au-dedans nous vaut le progrès et au dehors et la condition de notre indépendance. Je dis notre indépendance, cela signifie que notre pays qui ne cherche à dominer personne entend être son propre maître. L'année qui finit a montré, et celle qui s'ouvre confirmera que tout en redevenant nous-mêmes dans les domaines de la politique, de l'économie, de la monnaie et de la défense, autrement dit : en rejetant tout système qui sous le couvert du supra national ou bien de l'intégration ou encore de l'atlantisme nous tiendrait en réalité sous l'hégémonie que l'on sait. Nous sommes tout disposés à la coopération amicale avec chacun de nos alliés, nous faisons progresser l'union de l'Europe occidentale. Nous demeurons très actifs quant à l'aide que nous apportons aux peuples en voie de développement. Nous prenons avec l'Amérique latine, continent au très vaste avenir et particulièrement proche de nous, par l'esprit et par le coeur, des contacts de plus en plus étendus.Nous renouons avec la Chine, nous multiplions nos rapports avec les Etats européens de l'est, à mesure que la révolution interne les oriente vers la paix. La conséquence évidente de ce redressement français vis-à-vis du monde, c'est que jamais, tant d'hommes sur la terre n'ont tant attendu de nous ni éprouvé tant d'attrait pour la France. Certes la vie est la vie, c'est-à-dire un combat pour une nation comme pour un homme. Il y a, il y aura toujours des difficultés à vaincre, des efforts à déployer, des peines à supporter afin d'avancer en fait de dignité, de justice, de fraternité. Mais tous ensemble, nous sommes un peuple dont l'évolution moderne rend les enfants chaque jour plus solidaires, pour le meilleur et pour le pire. Ce que ce peuple accomplit commande notre sort particulier, ce qui arrive à l'un ou à l'autre compte dans le destin commun. Voilà pourquoi Françaises, Français, en exprimant en notre nom à tous nos meilleurs voeux au pays, c'est à vous que je les adresse et en souhaitant à chacune et à chacun de vous une bonne et heureuse année, je la souhaite à la France. Vive la République ! Vive la France !