# Présentation
Ce parcours propose de revenir sur les grandes étapes qui ont marqué la reconnaissance de l'occitanisme au niveau national, depuis les années 1960 jusqu'à aujourd'hui.
- Mouvements sociaux -
- Politique -
- L'occitan dans le débat national -
- Les écoles Calandreta -
- La formation pour adulte -
- Télévision -
- La Nòva Cançon -
- Racines et renouveau musical -
- Arts du spectacle
Introduction
50 ans... Il y a 50 ans, l’internet n’existait pas, il fallait se contenter de la poste ou du téléphone (fixe). Pas de TGV, à peine quelques tronçons d’autoroute. Pour les pays d’oc, une situation économique difficile : désindustrialisation, déclin des mines de charbon, problèmes de la viticulture languedocienne, exode rural qui s’accélère... Les débuts d’un aménagement touristique contrôlé par des capitaux extra-régionaux, le parachutage en cours de la sidérurgie lorraine à Fos-sur-Mer ne compensent guère cette fragilité de l’espace occitan, toutes régions confondues.
Date de la vidéo: 15 mars 1973
Durée de la vidéo: 02" minutes 41 secondes02M 41S
Industrialisation de la région de Fos-sur-Mer
Des habitants réagissent à l’installation d’usines sidérurgiques et d'un port pétrolier aux abords de Fos-sur-Mer. Un intervenant explique la nécessité d'intégrer ces industries au tissu économique local. Un éleveur estime que l'industrialisation et le développement du tourisme sont une catastrophe pour la Provence. Un pêcheur de Martigues dénonce l’impact des exploitations pétrolières de Lavera et de Fos sur la pêche et l’environnement.
Politiquement, il y a encore un Midi rouge, du Haut-Var au Bas-Languedoc, mais entre De Gaulle et Pompidou, l’idée que la gauche accède au pouvoir fait figure d’utopie. On entend encore l’occitan dans les villages, mais les jeunes ne le parlent plus guère, sauf ceux qui décident de le reconquérir, avec l’aide de quelques enseignants volontaires qui se forment, avec d’autres fous de langue d’oc, dans des stages associatifs organisés par l’Institut d’études occitanes (IEO), ou le Calen en Provence, à leurs frais, pendant leurs vacances. Il y a une épreuve facultative d’occitan au bac, mais peu motivante, les points gagnés n’étant pris en compte que pour une mention, pas pour l’admission.
C’est de cette préhistoire qu’il faut partir pour mesurer le chemin parcouru depuis.
Date de la vidéo: 14 sept. 1967
Durée de la vidéo: 01" minutes 38 secondes01M 38S
Un stage d'occitan à Sivergues
Des jeunes du centre culturel de la ville d'Orange se sont rendus à Sivergues pour suivre un stage consacré à la langue et la culture occitanes. Le village de dix habitants, situé sur un haut plateau, est le décor parfait pour une immersion totale. Au travers d'animations proposées par Pierre Pessemesse et José Ferrandi, ils ont notamment découvert le quotidien des habitants d'autrefois.
# Les années 68, le temps des militants
On l’espère ou on la craint, c’est selon : la révolution ébauchée sur les barricades à Paris a trouvé un écho dans tout le pays. L’IEO tient son stage annuel à Muret en septembre et s’y donne une mission de décolonisation révolutionnaire. C’est alors qu’apparaissent un peu partout des chanteurs engagés (Marti, Delbeau, Mans de Breish) qui refusent le folklore associé jusque-là à la chanson en occitan : les premiers vinyles sortent en 1969, tandis que naît un théâtre occitan de combat, lo Teatre de la Carriera (Claude Alranq) ou le Centre dramatique occitan (André Neyton).
Date de la vidéo: 30 sept. 1977
Durée de la vidéo: 04" minutes 45 secondes04M 45S
Claude Marti
Le chanteur Claude Marti est interviewé à Couffoulens dans l'Aude, où il exerce son métier d'instituteur. Il évoque son refus de la violence économique qui oblige à l'exode rural, ferme les usines, pollue les mers. Il interprète ensuite sur une scène de village la chanson Montsegur, accompagné à la guitare par Gilles Cardon et à la contrebasse par Didier Capeille.
Date de la vidéo: 05 août 1975
Durée de la vidéo: 03" minutes 13 secondes03M 13S
Le théâtre de la Carrièra et La Pastorale de Fos
Claude Alranq présente sa compagnie et le genre du théâtre populaire méridional. Il en mentionne les thèmes, et la place qu'y occupe la langue occitane. Puis il décrit le processus de création de La Pastorale de Fos, et se réjouit des retombées positives du succès de la pièce pour la reconnaissance de la culture occitane. L’entretien est ponctué d’extraits de La pastorale.
Il y a aussi un occitanisme proprement politique. Le Comité occitan d’études et d’action dirigé depuis 1961 par Robert Lafont et les frères Yves et Jean Rouquette donne naissance en 1971 à Lutte occitane, parti révolutionnaire qui milite pour une Occitanie décolonisée, autonome et socialiste. Ses militants soutiennent des luttes sociales du moment en pays d’oc, celle des viticulteurs, et, dès 1971, celle des paysans du Larzac contre l’extension d’un camp militaire dans le sud Aveyron : se popularise alors un mot d’ordre en occitan « Gardarem lo Larzac » (nous garderons le Larzac), souvent associé à un autre : « Volèm Viure al Païs » (nous voulons vivre au pays).
Date de la vidéo: 10 août 1973
Durée de la vidéo: 01" minutes 51 secondes01M 51S
Yves Rouquette à propos de la colonisation de l'Occitanie
L’écrivain Yves Rouquette évoque la colonisation de l’Occitanie par l’État français. Selon lui, ce constat s'ancre dans des faits historiques, du Moyen- Âge aux luttes ouvrières. Il rappelle l’interdiction de la langue occitane dans les écoles publiques, et l’affaiblissement de cette culture par la désertification économique. Pour lui, le renouveau culturel occitan doit dénoncer cette réalité.
Date de la vidéo: 22 juin 1998
Durée de la vidéo: 01" minutes 54 secondes01M 54S
Le Larzac, vingt ans de luttes
Ce reportage retrace l'histoire du mouvement contestataire qu’a connu le plateau du Larzac, de son occupation dans les années 1970, portée par l'opposition à l'extension d'un camp militaire, aux années 1990. À Montredon, Alice Monier, monitrice agricole, témoigne de la démarche militante des fermiers qui s'y sont installés. José Bové, syndicaliste, souligne le développement d'une solidarité internationale entre luttes paysannes.
L’enseignement de la langue se développe, d’autant qu’à partir de 1971 les points obtenus à l’épreuve facultative du bac comptent pour l’admission.
L’occitanisme du temps touche donc un public de plus en plus large, conscient des effets des Trente Glorieuses finissantes qui ont révélé le fossé séparant les régions qui se développent des autres (Bretagne, Corse, Occitanie) là justement où apparaissent de nouveaux mouvements « régionalistes ». Une génération, celle du Baby Boom : ayant bénéficié d’un meilleur accès à l’éducation et aux diplômes, découvre qu’elle doit souvent aller chercher au Nord un emploi que le Midi ne lui offre pas. Elle vit le déclin inexorable de la pratique de la langue des grands-parents, mais aussi un climat culturel et politique planétaire qui, partout, soulève la jeunesse contre l’ordre établi, et pour des causes nouvelles : le Tiers monde, les luttes des femmes et des homosexuels, l’écologie... Le nouvel occitanisme de ces années s’inscrit pleinement dans ce mouvement général.
# Le milieu des années 1970, le reflux
L’espoir de la révolution est loin, et les organisations qui la prônaient ont perdu une bonne partie de leur audience, au profit des partis de la gauche traditionnelle, unis en 1972 sur un programme commun. Un premier rendez-vous électoral en 1974 à la mort du président Pompidou donne la victoire à la droite de Giscard d’Estaing. Il aurait pu y avoir un candidat des minorités de l’hexagone, Robert Lafont ; mais faute d’obtenir la centaine de signatures d’élus alors nécessaire, il doit renoncer.
Date de la vidéo: 12 mai 2001
Durée de la vidéo: 53 secondes53S
Conférence de presse de Robert Lafont, candidat à l'élection présidentielle
Dans ce document amateur filmé lors de la conférence de presse donnée pour sa candidature aux élections présidentielles de 1974, Robert Lafont explique sa volonté de représenter l'ensemble des régions du pays. Il légitime sa position marginale, opposée au centralisme de Paris, qui lui offrira le recul nécessaire pour résoudre les problèmes de l'État.
De toute façon le reflux général des mouvements de contestation nés de Mai 68 affecte aussi Lutte occitane qui juste après la candidature avortée de Lafont se voit concurrencé par un nouveau parti : Volèm viure al païs, toujours de gauche, mais sans référence à un quelconque projet révolutionnaire.
Même tableau du côté des mouvements sociaux. Certes, le combat pour le Larzac et contre l’armée, habilement dirigé par les paysans eux-mêmes, se poursuit, avec un soutien national qui dépasse largement l’audience de l’occitanisme, présent toutefois dans les impressionnants meetings d’août 1973 et 1974 sur le Causse. Mais ailleurs... Le mouvement des viticulteurs s’essouffle après le tournant tragique de Montredon (mars 1976).
Date de la vidéo: 04 mars 1976
Durée de la vidéo: 04" minutes 11 secondes04M 11S
Les manifestations de Montredon en 1976
Sur les lieux de la manifestation des viticulteurs languedociens ruinés par l'importation des vins italiens, le leader André Cases est interviewé dix minutes avant une fusillade qui fera deux morts parmi les CRS et les manifestants. Des images des dégâts dans les perceptions de Narbonne et ses environs, mises à sac par les manifestants, illustrent la chronologie des événements.
Les dizaines de milliers de manifestants à Montpellier le 29 avril suivant, derrière pratiquement toutes les organisations syndicales du Languedoc, sous une forêt de drapeaux occitans et sous le slogan « Vivre et travailler au pays », ne suffit pas à redynamiser le mouvement social. Bien sûr, il y a encore des luttes sociales (chantiers navals en Provence, ou dernières mines des Cévennes). Des occitanistes y participent encore mais elles sont animées désormais par le Parti communiste, qui soutient en 1979 le manifeste Mon Pais escorjat lancé par Robert Lafont avec le leader viticole Maffre-Baugé et Jean-Pierre Chabrol, tandis que la même année un projet de fusion entre ce qui reste de Lutte occitane et de Volèm viure al pais échoue.
L’enseignement continue à progresser, non sans mal, à la suite des circulaires du ministre de l’Éducation nationale René Haby en 1976, tandis que naît, en marge du système, la première Calandreta en 1979.
Date de la vidéo: 01 avr. 1982
Durée de la vidéo: 03" minutes 21 secondes03M 21S
Les premières Calandretas en Béarn
À l'occasion de la sortie d'un livre scolaire en gascon, l'institutrice Josette Belloc décrit l'enseignement des langues dans une Calandreta. Le président de l'association Calandreta, Jean-Pierre Lalanne-Cassou, appelle à une reconnaissance de l'enseignement en occitan par l’Éducation nationale avec la création de deux filières : des écoles bilingues publiques et des écoles immersives associatives.
Le champ culturel occitan évolue, en synchronie avec l’évolution politique. Le chanteur engagé animant des débats sur la vie du pays laisse la place à une mode « folk » qui permet certes la redécouverte du patrimoine de la chanson et des danses populaires, mais ne porte plus vraiment le même message contestataire.
Date de la vidéo: 21 juil. 1971
Durée de la vidéo: 09" minutes 01 secondes09M 01S
Le Conservatoire occitan de Toulouse
Ce reportage évoque la création du Conservatoire occitan à Toulouse. On y découvre les différents enseignements proposés. Pierre Corbefin en présente les missions à venir, et détaille les raisons de sa création. Selon Françoise Dague, il s'agit notamment d'une réappropriation de la culture occitane. Hubert Poirée souligne l'engouement du public pour le projet.
Il faut dire que la crise qui commence en 1973 modifie la compétition entre régions. Désormais, celles qui souffrent le plus et voient leurs industries traditionnelles décliner avant de disparaître, ce sont les grandes régions du nord et du nord-est, tandis que les périphéries de l’ouest et du sud, Bretagne et Occitanie, donnent l’illusion de s’en sortir comparativement mieux. Le Bas-Languedoc, adopté par la multinationale IBM, va faire figure de nouvelle Californie en Europe, pour quelques années du moins. Autant dire que la dénonciation du sous-développement et du colonialisme intérieur dont souffrait l’Occitanie perd quelque peu de son impact.
# Autour de 1981, le temps de l’espoir
Le 10 mai 1981, pour la première fois depuis 1958 c’est le candidat de la gauche unie, François Mitterrand, qui est élu. Son programme électoral fait une place aussi bien à la décentralisation qu’à la prise en compte des cultures régionales. Ceux qui se battent depuis des années pour ces causes peuvent donc espérer le début d’une phase ascendante, bienvenue après des années de reflux. De fait les premiers signaux envoyés par le nouveau pouvoir sont plutôt positifs : le combat pour le Larzac se clôt sur une victoire des paysans. Et le ministre de la Culture commande à l’occitaniste Henri Giordan un rapport sur la situation des cultures régionales.
Date de la vidéo: 11 mars 1982
Durée de la vidéo: 03" minutes 12 secondes03M 12S
La position de Jack Lang vis-à-vis des cultures régionales
À Octon, dans l’Hérault, Le ministre de la culture Jack Lang évoque les grandes lignes de sa politique envers les cultures régionales. À Montpellier, il inaugure le Musée Fabre en compagnie de Georges Frêche, maire de la ville. Le ministre signe ensuite la première convention régionale de développement culturel passée entre l'État et une région, dans les locaux de l'Office régional de la culture.
En 1982, les lois Defferre de décentralisation créent face aux préfets des Conseils régionaux élus au suffrage universel direct (en 1986). Dans le domaine de l’enseignement, les circulaires Savary (1982-1983) améliorent un peu le statut de l’enseignement des langues de France, avec des enseignants à présent organisés dans des Centres régionaux de l’enseignement de l’occitan. Il y a des émissions télévisées en occitan, au moins entre Toulouse et Marseille, et une floraison de radios « libres », permet ça et là, dans un premier temps, une certaine présence de l’occitan. Et pour la première fois, les associations occitanistes bénéficient de subventions publiques suffisantes pour leur permettre de créer des emplois permanents.
Date de la vidéo: 07 avr. 1984
Durée de la vidéo: 05" minutes 44 secondes05M 44S
Tester ses connaissances du provençal
Lors d'un marché aux fleurs dans le quartier de la Belle de Mai, à Marseille, les badauds sont invités à tester leur provençal grâce à des jeux informatiques. L'ethnobotaniste Josiane Ubaud explique le concept de l'un d'eux. Des animateurs présentent les propositions ludiques en provençal et en français aux téléspectateurs, puis aux passants.
Mais la porte se referme vite. Il n’y aura pas de loi sur les langues régionales. Dans le domaine économique, la fin des activités traditionnelles s’accélère, avec la fermeture de la mine cévenole de Ladrecht. L’alternative représentée par les nouvelles industries (IBM à Montpellier, sidérurgie sur l’eau à Fos-sur-Mer) ne tient pas ses promesses. Même si les mouvements migratoires commencent à s’inverser (arrivée dans le Midi de cadres, mais aussi de retraités du Nord) il s’en faut que ce Midi fasse vraiment figure de nouvel Eldorado.
Pourquoi ? Il y a le virage de la rigueur opéré par le gouvernement dès 1983, assez loin de ce que pouvait espérer l’électorat de gauche ; du coup, les élections de 1986 amènent une majorité de droite, tandis que le Front national commence à recruter des électeurs dans le sud.
L’état de l’occitanisme n’aide pas à une meilleure prise en compte de ses revendications, une fois passé le temps des quelques concessions initiales. Après le mouvement politique, le mouvement culturel, l’IEO lui-même, connaît en 1980-1981 une crise grave et un affaiblissement à peine compensé par la professionnalisation croissante aussi bien de la chanson et de la musique ou du théâtre que de l’enseignement. Du coup, faute d’un organisme capable de mener une action coordonnée sur les 30 départements occitans, de plus en plus de militants se replient sur des actions menées au niveau de leur seul « pays ».
Date de la vidéo: 09 janv. 1976
Durée de la vidéo: 04" minutes 42 secondes04M 42S
L'institut d'études occitanes (IEO) : occitanisme et politique
Introduit par Maurice Andrieu, Jean-Louis Viguier donne des exemples de l’implication de l’IEO dans la société contemporaine. Alain Alcouffe mentionne les études économiques et politiques réalisées. Christian Caujolle évoque la création de mouvements politiques défendant la culture occitane. Alain Alcouffe souligne enfin le sentiment d’appartenance à l’Occitanie qui se développe dans les classes populaires.
# Les années 1990, la stabilité
Il y a du positif. La normalisation de la situation de l’enseignement des langues de France continue, d’une majorité à l’autre : en 1991, un CAPES d’occitan crée un corps reconnu de professionnels de cet enseignement, dans le secondaire du moins. Le mouvement des Calandretas commence à essaimer dans la plupart des régions occitanes.
Date de la vidéo: 16 déc. 2004
Durée de la vidéo: 04" minutes 59 secondes04M 59S
Les Calandretas d'Auvergne
Une soirée de soutien aux Calandretas d'Auvergne est organisée pour soutenir et faire connaître ces écoles. Elle réunit monde associatif, parents d'élèves et musiciens traditionnels. Jean Roux, auteur de la méthode Assimil d’occitan auvergnat et Maguy Deygas, présidente de l'association Calandretas del vernhat, en explique les finalités. Suivent des exemples contrastés de Calendretas, au Puy-en-Velay et à Aurillac.
La montée en puissance des pouvoirs régionaux à Bordeaux, Toulouse, Montpellier ou Aix a des effets, avec la création dans quelques régions de postes de chargés de mission pour l’occitan. En 1991, pour la première fois, un sondage permet d’avoir une idée de l’état de l’occitan en Languedoc-Roussillon ; il y en aura un second, et un autre en Aquitaine en 1997. Ils confirment le déclin de la pratique de la langue, mais aussi sa survivance têtue, et la bonne image qui est la sienne dans la société régionale. Mais en 1992, une modification de l’article 2 de la Constitution fait du français la langue officielle de la République, sans référence aux autres langues du territoire national : une innovation menaçante pour elles.
L’économie des pays d’oc reste à la traîne : taux de chômage supérieur à une moyenne nationale déjà élevée, déclin de l’agriculture, déjà ancien mais moins intense au sud jusque-là. Le vignoble languedocien a nettement rétréci, et c’est le secteur tertiaire qui se développe le plus, notamment avec le tourisme.
Du point de vue politique, on constate une modification profonde des équilibres traditionnels depuis le XIXe siècle : fin du Midi rouge des arrière-pays languedocien ou provençal, et montée en puissance d’une extrême-droite qui trouve au sud un électorat nouveau. Reconstitué avec le Parti occitan, l’occitanisme politique n’est pas encore capable de peser électoralement.
# Au début d’un nouveau siècle
Le « Midi » est toujours le pays du chômage élevé, de la désindustrialisation et de la tertiarisation croissantes. L’alternance politique, à l’échelon national comme au niveau régional, se poursuit. Le poids des institutions régionales, malgré la faiblesse de leurs ressources, se confirme. On assiste à l’élection pour la première fois de conseillers régionaux du Parti occitan présents comme tels sur des listes écologistes dans plusieurs régions. En 2016 un nouveau découpage crée une Occitanie limitée aux anciennes Midi-Pyrénées et Languedoc -Roussillon.
Et le statut de l’occitan ? La professionnalisation de l’enseignement de la langue se poursuit avec les progrès depuis 2003 d’un enseignement bilingue public à parité horaire, et depuis 2017 une agrégation de langues régionales. Les « réformes » successives de l’Éducation nationale (Fillon 2005, Peillon 2013), confirment la place de l’enseignement des langues de France grâce à la mobilisation d’associations représentatives comme la Fédération des enseignants de langue et de culture d’oc (FELCO) et à l’appui de nombreux élus régulièrement interpellés. Et à plusieurs reprises entre 2005 et 2012, des manifestations Anem Oc organisées par une coordination d'associations culturelles (IEO, Felibrige, FELCO, Calandreta) rassemblant des dizaines de milliers de personnes entre Toulouse, Béziers, ou Carcassonne, ont montré que la revendication pour la langue n'était pas si marginale que ça. Des sondages récurrents depuis des années soulignent d'ailleurs un accord majoritaire dans les populations des régions concernées pour des mesures en faveur de la langue d'oc.
Date de la vidéo: 06 nov. 2005
Durée de la vidéo: 02" minutes 58 secondes02M 58S
La manifestation Anem òc
Carcassonne accueille la manifestation internationale Anem òc pour la défense de la langue occitane. Une foule nombreuse y entonne le Se Canta, avant que l'écrivain Yves Rouquette ne rappelle les débuts de ce combat. Dario Anghilante, musicien des vallées occitanes d'Italie, et Robèrt Lesh, de Marseille, témoignent de leur soutien à la défense de la langue. Pour l'écrivain Miquèu Chapduèlh, l'amenuisement de la transmission de la langue constitue un danger.
Mais tout ne va pas pour le mieux : entre 2003 et 2004 le nombre de postes au CAPES d’occitan-langue d’oc passe de 13 à 4 et reste à ce niveau par la suite. Faute d’une vraie politique de l’offre d’enseignement de et en occitan, malgré les progrès des filières bilingues, et des Calandretas, on en reste à un chiffre d’entre 60 000 et 90 000 élèves, bon an mal an. La ratification de la Charte européenne des langues moins répandues, signée par la France en 1999 est rejetée au Parlement à deux reprises. Et toute amélioration du statut des langues de France se voit de fait interdite par l’article 2 de la constitution. L’adoption en 2008 d’un article 75-1 qui en fait un « patrimoine national » n’y change rien.
Date de la vidéo: 23 juin 1999
Durée de la vidéo: 01" minutes 45 secondes01M 45S
Rejet de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires
La révision de la Constitution afin d'appliquer la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, soutenue par le Premier ministre Lionel Jospin, a été débattue à l'Assemblée nationale. Le président de la République Jacques Chirac s'est finalement prononcé contre. Le ministre de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement et le député Charles Pasqua (depuis Bordeaux) argumentent leurs propres refus.
Dans le domaine culturel cependant, le tableau est moins sombre. L’occitan a désormais son centre de documentation officiel et partenaire de la Bibliothèque nationale de France (BnF), le Centre International de Recherche et Documentation Occitanes - Institut occitan de cultura (CIRDOC) -, héritier d’un CIDO fondé à la fin des années 1970 à Béziers. La vitalité de la création musicale ne se dément, pas, comme celle de la création littéraire et théâtrale, malgré la précarité du statut des artistes, de l’édition et des médias spécialisés, notamment sur le net.
Bref, si la situation est grave, disons qu’elle n’est pas totalement désespérée !
© photo d'illustration : Jean-Louis Estèves