Voyage dans l'Est : discours à l'Université de Strasbourg

22 novembre 1959
02m 03s
Réf. 00045

Notice

Résumé :

A l'occasion d'un voyage dans l'Est de la France, le général de Gaulle prononce un bref discours à l'Université de Strasbourg, dont la tâche est selon lui d'aider à la coopération franco-germanique. Il cite ensuite quelques grands hommes de la civilisation germanique (Leibniz, Goethe), qui ont appellé de leurs voeux l'union des peuples.

Type de média :
Date de diffusion :
22 novembre 1959

Éclairage

De février 1959 à juin 1965, le général de Gaulle réalise un gigantesque tour de France qui le conduit d'un bout à l'autre de la métropole, dans toutes les provinces, dans toutes les régions. C'est pour lui l'occasion de créer un contact direct avec les Français, de " récolter des moissons d'impressions et de précisions pratiques " sur les grandes questions de l'heure. Le sixième voyage officiel - du 18 au 22 novembre 1959 - se déroule à Belfort et en Alsace.

Le 22 novembre, le général de Gaulle - entouré d'André Bouloche (le ministre de l'Éducation nationale) et de Joseph Angelloz (le recteur de l'Académie de Strasbourg) - prononce un discours à l'université de Strasbourg qui inaugure sa bibliothèque et fête alors plusieurs anniversaires (l'entrée des troupes françaises à Strasbourg en 1918, la réouverture officielle de l'Université en 1919, la libération de la ville en 1944). Ayant revêtu sa tenue de militaire pour l'occasion, le Général évoque l'Europe et la réconciliation franco-allemande.

Depuis le 1er janvier 1959 en effet, la première étape du Marché Commun a été franchie et le général de Gaulle oeuvre avec énergie à la réconciliation franco-allemande, postulat nécessaire à la construction d'une Europe forte et stable, capable de devenir la " troisième voie ". En mars, Adenauer, avec qui de Gaulle noue une profonde amitié, avait été reçu à Paris ; il reviendra faire une visite officielle au peuple français, quelques jours après la déclaration du Général à Strasbourg. Pour de Gaulle, la coopération entre l'Allemagne et la France est " la condition, et peut-être la gloire, de la civilisation de demain ". Il cite ensuite les pensées de deux illustres Allemands : Leibniz et Goethe. Le premier - philosophe, mathématicien et diplomate, qui projeta de créer une " bibliothèque universelle " - prônait l'avènement d'une Europe politique, afin que celle-ci cesse " de conspirer contre elle-même ". Il aurait été envoyé en mission diplomatique en 1672, pour convaincre Louis XIV de porter ses conquêtes vers l'Égypte plutôt que vers l'est. Le second - Goethe, écrivain et scientifique, qui avait fait une année d'étude à l'université de Strasbourg - avait déclaré qu'à une " certaine hauteur " de connaissances, " les haines nationales s'effaçaient " ; il découvrit d'ailleurs la culture française à l'occasion de la guerre de Sept Ans, en 1759, date à laquelle un officier français s'installa chez lui et sympathisa avec son père.

De Gaulle conclut son discours en saluant le " rôle éminent de l'université de Strasbourg " dont la mission " est entièrement conforme à la vocation et aux intentions de la France ".

Aude Vassallo

Transcription

Charles de Gaulle
Dès lors que l'on parle d'une tâche rhénane et d'une tâche européenne pour l'Université de Strasbourg, je crois qu'explicitement on peut dire qu'il s'agit pour elle avant tout d'aider à la coopération du monde français et du monde germanique. Coopération dans laquelle, pour ma part, je vois la condition et peut-être la gloire de la civilisation de demain. Je pense que c'est à cette coopération-là que pensait Leibniz quand il parlait de l'unité spirituelle et du désir qu'il avait même de voir naître l'unité politique de l'Europe, afin, disait-il, que l'Europe cessât de conspirer contre elle-même. Je pense que c'est aussi à cette coopération-là que pensait Goethe quand, s'indignant des haines nationales, il constatait que si haine existait surtout au degré les plus bas de la culture et qu'à une certaine hauteur, à une certaine valeur de cette culture, au contraire, les haines nationales s'effaçaient et que chacun ressentait comme les siens le bonheur ou le malheur d'un peuple voisin. Je ne crois pas avoir pu exprimer mieux que je ne le puis par ces quelques paroles la conviction que j'ai, moi aussi, du rôle éminent de l'Université de Strasbourg. Mais je tiens à lui dire que sa mission, celle qu'elle se fixe à elle-même, est entièrement conforme à la vocation et aux intentions de la France.
(Applaudissements)