Voeux pour l'année 1963

31 décembre 1962
10m 10s
Réf. 00064

Notice

Résumé :

Charles de Gaulle présente aux Français ses voeux pour l'année 1963. S'il fait allusion aux épreuves de l'année qui vient de s'écouler, il se montre confiant pour 1963. Après avoir souhaité vie et prospérité à la jeune République algérienne, il met l'accent, pour la France, sur les thèmes de l'Europe et du progrès social et économique.

Type de média :
Date de diffusion :
31 décembre 1962

Éclairage

Le 31 décembre 1962, le général de Gaulle présente ses voeux aux Français par l'intermédiaire de la télévision, comme c'est désormais la tradition depuis le 1er janvier 1960.

Il commence son allocution en dressant un bilan de 1962, une année qui marque " le destin de la France " puisque la Nation est désormais en paix avec la République algérienne, devenue indépendante six mois plus tôt. Il rappelle que les Français ont aussi " solennellement confirmé nos institutions nouvelles " : le 28 octobre 1962, ils ont voté oui à 65 % pour que le président de la République soit désormais élu au suffrage universel ; en novembre, les élections législatives ont offert une large victoire au camp gaulliste. Il évoque aussi les relations avec les pays d'Afrique, à qui la France promet une aide " pour leur développement moderne " (de 1960 à 1963, plus d'une centaine d'accords de coopération sont conclus).

Pour l'Europe, même si le Général rappelle l'échec du Plan Fouchet - refusé en avril par la Belgique et les Pays-Bas, et qui visait à amorcer la construction politique de l'Europe - il réitère pourtant son appel à l'union de la Communauté " pour son économie, sa politique, sa défense, sa culture " afin qu'elle puisse être l'égale des Etats-Unis. Et si l'Angleterre est la bienvenue, il faut avant tout qu'elle s'affranchisse de la domination américaine. De Gaulle évoque aussi l'Allemagne : en juillet 1962, le chancelier Adenauer réalisait un voyage officiel en France, et en septembre, c'était au tour du Général de visiter l'Allemagne fédérale. Ces preuves d'amitié porteront leurs fruits par la signature du traité de l'Élysée en janvier 1963, pas supplémentaire vers l'Europe politique.

C'est le progrès sous toutes ses formes que le Général choisit comme leitmotiv pour cette année nouvelle. Un progrès démographique tout d'abord : en plus du baby-boom, on compte plus de 600.000 rapatriés ayant rejoint en catastrophe la métropole tout au long de l'année 1962. De Gaulle - qui comprend leurs " soucis " et leurs " chagrins " - promet de les aider. Un progrès économique et social ensuite : en poursuivant son essor, son industrialisation, son urbanisation, en maintenant le plein emploi et la hausse spectaculaire de la consommation, la Nation a désormais pleinement entamé la période des " Trente Glorieuses ". Enfin, il rappelle le rôle de la France dans le monde, c'est-à-dire garantir la paix et aider les hommes partout où ils se trouvent à accéder au développement et à la liberté : " nous pouvons et nous devons regarder loin et viser haut ! ".

Aude Vassallo

Transcription

Charles de Gaulle
Nous achevons une année qui a dans le bon sens marqué le destin de la France. Certes, ne nous y ont manqués ni les épreuves ni les dangers. Quand commença 1962, on se tuait encore en Algérie tandis qu'attentats et complots se prolongeaient en métropole. Récemment, un démon qui nous fut jadis très familier et très malfaisant, celui des crises politiques, a cru trouver l'occasion de revenir nous tenter. Enfin, il y a deux mois, le monde passa près de la guerre mais rien n'a empêché notre pays de poursuivre sa rénovation : ayant tranché au fond l'affaire algérienne, nous sommes maintenant en paix partout ! Ce qui, en un quart de siècle, ne nous était jamais arrivé. Cette année même, nous avons solennellement confirmé nos institutions nouvelles dans lesquelles l'Etat trouve une continuité qui lui manquait désespérément depuis des générations. Grâce à l'effort national déployé sous ce régime de bon sens et d'efficacité, notre prospérité atteint un niveau que nous n'avons connu en aucun temps et notre progrès social réalise une avance sans précédent. A mesure que le couple de l'essor et de la raison nous ramène à la puissance, la France retrouve son rang, son attrait, ses moyens. Ainsi avons-nous pu, tout au long de cette année, élargir et approfondir nos relations africaines, les étendre en particulier à la république algérienne, à laquelle bien sincèrement nous souhaitons qu'elle s'organise dans l'ordre nécessaire, d'abord, à sa vie puis à sa prospérité. Ainsi avons-nous pu contribuer à mettre effectivement en route la communauté économique, fondée dans la capitale de l'Italie entre six états continentaux, offrir à ces mêmes états un début d'union politique, resserrer nos rapports avec la république d'Allemagne. Ainsi avons-nous pu renforcer notre sécurité et celle du monde libre en commençant à nous doter d'une défense nationale moderne. Je ne dirais certainement pas qu'il n'y a pas d'ombres au tableau. Tout de même, je crois que, en 1962, nous n'avons pas perdu nos peines. Voici 1963 ! Françaises, à chacune de vous, Français, à chacun de vous, j'adresse du fond de mon coeur mes meilleurs voeux de nouvel an ! Et puis, en notre nom à tous, je forme pour la France le souhait immémorial : " Que l'année lui soit heureuse " ! A cet égard, sans doute, beaucoup de choses dépendront avant tout des événements, tout comme un navire sur la mer n'est le maître des vents ni des flots : un peuple ne peut à lui seul commander au calme ni au remous du monde. Mais, dans ce qui lui advient, pour combien comptent, en toute hypothèse, son effort et sa cohésion ? Travailler et rester unis, voilà quelles sont, quoiqu'il arrive, les meilleures de nos garanties. L'an dernier, pour notre bien, nous avons su nous les assurer. L'an prochain, qu'il en soit de même ! Pourquoi faire ? Mais, pour avancer ! Un peuple comme le nôtre ne prodigue pas son labeur, ne pratique pas la stabilité, n'aide pas à maintenir la paix simplement afin d'en rester à ce qui est acquis déjà. Le progrès est aujourd'hui notre ambition nationale. Progrès démographique : la France moderne pourrait compter 100 millions d'habitants. Combien seront donc bienvenus les bébés qui naîtront chez nous en 1963 ! Quant à ceux de nos rapatriés qui voudront, décidément, s'installer en métropole et, nous dont comprenons très bien les soucis, parfois les chagrins, c'est de grand coeur que nous les aiderons à y trouver, comme les autres Français leur place, leurs droits et leurs devoirs. Progrès économique, technique, scientifique, dont tout le reste dépend, qui changent à un rythme rapide, non point certes l'âme, mais la structure et la figure de la France. Notre plan règle ce développement, il nous faut l'exécuter. Progrès social, ce qui veut dire : amélioration nouvelle de la condition de tous. D'abord, des moins favorisés et, en particulier, cette fois, des gens âgés, ainsi qu'une étape de plus vers le mieux en tout ce qui concerne la vie et la valeur de la collectivité nationale : logement, éducation, hospitalisation, équipement urbain et agricole. Progrès international notamment dans les deux directions où s'exerce, au-dehors, notre effort principal : il s'agit d'abord de l'Union de l'Europe occidentale pour son économie, pour sa politique, pour sa défense, pour sa culture. Etablissant ainsi l'équilibre avec les Etats-Unis, renforçant de ce fait même l'alliance du monde libre, ouverte dans l'avenir à une Angleterre qui voudrait et qui pourrait se joindre à elle définitivement et sans réserve. Visant à organiser avec les pays de l'Est, dès lors que, un jour, ils en viendraient à la grande détente, la paix et la vie de notre continent tout entier. Il s'agit ensuite de l'aide que nous devons prêter aux peuples qui en ont besoin pour leur développement moderne et, avant tout, de notre coopération avec ceux des états d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine qui souhaitent celle de la France. Ce sont là de bien grands espoirs. Oui, mais le temps est venu où, sans tomber dans l'outrecuidance, nous pouvons et nous devons regarder loin et viser haut ! Françaises, Français, nos voeux pour la nouvelle année sont à la mesure de la France nouvelle. Vive la République ! Vive la France !