L'Homme qui, de Peter Brook, au TNP de Villeurbanne
Notice
En 1993, Peter Brook présente au TNP de Villeurbanne L'Homme qui, un spectacle adapté du livre du neurologue Oliver Sacks intitulé L'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Le metteur en scène propose une recherche théâtrale s'inspirant de l'étude de patients atteints de troubles neuropsychologiques. Extraits du spectacle et interview de l'auteur-metteur en scène.
Éclairage
En 1993, Peter Brook présente au TNP de Villeurbanne L'Homme qui. Le metteur en scène a adapté, en compagnie de Marie-Hélène Estienne, l'ouvrage du neurologue britannique Oliver Sacks publié en 1985 et intitulé L'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Cet essai rassemble, sur le mode du récit, des observations sur des patients atteints de troubles neuropsychologiques à la suite d'une maladie, d'un accident ou d'un traumatisme. Son titre s'inspire du cas d'un patient présentant une agnosie visuelle l'empêchant de nommer et d'identifier des objets, des visages ou des formes, tel le visage de sa femme.
Le Journal de France 3 Rhône Alpes du 29 septembre 1993 revient sur l'élaboration de la pièce qui a été présentée la même année aux Bouffes du Nord avant de partir en tournée. Outre le travail d'adaptation du texte, le metteur en scène a rencontré, avec les comédiens, des malades au sein de différents hôpitaux. La préparation du spectacle, qui dura plusieurs mois, a consisté en un long travail collectif d'observation et d'improvisation. L'œuvre représentée en public est ainsi toujours en recherche et en construction. La scénographie reprend le dispositif de l'« espace vide » recherché par l'artiste britannique. Le décor comprend seulement une table, des chaises et deux écrans de télévision. La musique est interprétée en direct par Mahmoud Tabrizi-Zadeh. Quatre acteurs jouent alternativement malades et médecins. Il s'agit de David Bennent, Maurice Bénichou, Sotigui Kouyaté et Yoshi Oïda, ces trois derniers ayant déjà travaillé à de nombreuses reprises avec le metteur en scène. A partir d'un texte non-théâtral, les comédiens jouent avec les codes de la théâtralité. Le passage du personnage de « médecin » à celui de « patient » s'opère à la faveur d'une blouse léguée au partenaire de jeu. Un des extraits diffusés lors du reportage porte sur le cas d'un patient incapable de percevoir la partie gauche de son corps. Pour lui faire comprendre le mal dont il souffre, le personnage-médecin fait appel à l'équipement vidéo qui reflète, pour l'individu et la communauté, la trace concrète de la pathologie.
Prenant la forme d'une observation clinique, la mise en scène essaie de traduire non seulement l'expression d'une communication défaillante entre le corps et le cerveau mais aussi les conséquences de ces symptômes sur la relation qu'entretient le sujet avec l'environnement. La recherche de Peter Brook consiste à interpréter, à partir du jeu théâtral, la complexité de ces dérèglements intérieurs et la façon dont ils transforment, chez le malade, la perception du monde extérieur. Elle trouve dans l'étude de ces patients une énigme propre à interroger la scène et les spectateurs. Refusant de porter tout jugement, elle compose un spectacle drôle et tragique.
En 1998, Peter Brook mettra en scène un autre spectacle qu'il inscrira dans la continuité de L'Homme qui : Je suis un phénomène, adapté d'une étude de cas rapportée par le neurologue Alexandre Luria.