A propos de Marat-Sade, film de Peter Brook
Notice
Extraits du film Marat-Sade (1966) de Peter Brook, réalisé à partir de sa propre mise en scène avec les comédiens de la Royal Shakespeare Company et entretiens du réalisateur et de Jean-Louis Barrault.
Éclairage
La pièce de Peter Weiss, connue sous le titre de Marat-Sade, s'intitule en réalité La Persécution et l'Assassinat de Jean-Paul Marat représentés par le groupe théâtral de l'hospice de Charenton sous la direction de Monsieur de Sade. Ce texte a apporté la célébrité internationale à son auteur, suédois d'origine allemande, qui a fui le régime nazi avec ses parents (d'ascendance juive) dès 1934. Marat-Sade est structuré en 33 morceaux, tous titrés et qui traduisent une œuvre foisonnante jouant de la forme du théâtre dans le théâtre mais de manière complexe. En effet, Peter Weiss mêle document historique (l'assassinat de Marat par Charlotte Corday le 13 juillet 1793), le psychodrame (la représentation donnée par les malades en 1808 sous l'impulsion de Sade, devant le directeur de l'hospice et le public parisien) et la dispute philosophique entre Sade et Marat. Cette dernière est une totale invention du dramaturge puisque les deux hommes ne se sont jamais rencontrés. Toutefois elle lui permet de mettre en scène deux versants de la Révolution française afin d'interpeller les lecteurs/spectateurs d'aujourd'hui : « Ce qui nous intéresse dans la confrontation de Sade et de Marat, c'est le conflit entre l'individualisme poussé jusqu'à l'extrême et l'idée de bouleversement politique et social. » [1]
La pièce écrite en 1963 est créée l'année suivante, en avril 1964, au Schillertheater de Berlin dans une mise en scène de Konrad Swinarski. Quant à Peter Brook, il découvre la pièce peu de temps après. Il en présente d'abord une mise en scène avant d'en faire un film (1966). A l'origine, le réalisateur avait pour projet de faire un film avec Peter Weiss ; le postulat était Marat-Sade mais ensuite il s'agissait de repartir de zéro en créant un scénario original. Suite à plusieurs difficultés, Peter Brook recentre son projet sur les représentations qu'il a données de la pièce : « Je n'avais pas l'ambition de faire un film pur, mais il me semblait intéressant d'essayer de voir si je pouvais, en gardant totalement la structure de la pièce, sans y rien changer, attraper un peu l'ambiance, les effets, donner à travers le cinéma la même impression. » [2] C'est sans doute cette volonté qui fait de cette œuvre un objet singulier où l'expérience théâtrale se mêle à la subjectivité du cadre cinématographique sans pour autant qu'il ne s'agisse ni d'une représentation filmée, ni d'une transposition cinématographique du texte dramatique.
Marat-Sade apparaît comme un tournant dans le cinéma de Peter Brook puisqu'après avoir réalisé de film de fiction (Moderato Cantabile de Marguerite Duras et Sa Majesté des mouches d'après le roman de William Golding), il se consacre essentiellement à filmer du théâtre ou de l'opéra, mais à chaque fois, en tentant de réinventer le rapport de la caméra à l'espace théâtral. Jamais, il n'est question de filmer une représentation. Brook cherche d'une certaine manière à recréer sa mise en scène en vue de sa captation (Le Roi Lear, La tragédie de Carmen, La Cerisaie). En fait, lorsqu'il filme ses mises en scène, Peter Brook célèbre le théâtre. Dans Marat-Sade, il décide ainsi « de filmer autant l'aventure de la pièce que la pièce elle-même, en traquant, par les moyens du cinéma, les ressorts de sa théâtralité. » [3]
[1] Peter Weiss, Marat-Sade, Paris, L'Arche, 2000, p. 111.
[2] Peter Brook, « A propos du Roi Lear et de Marat-Sade », in Les Cahiers théâtre de Louvain. Filmer le théâtre, n° 46, 1981, p. 20.
[3] Olivier-René Veillon, « Marat-Sade : La célébration des actes du théâtre », in Georges Banu (sld), Peter Brook, Les Voies de la création théâtrales, vol. 13, CNRS, 1985, p. 318.