Antigone d'Anouilh, mis en scène par Eric Civanyan
Notice
Présentation au Théâtre de Boulogne-Billancourt du spectacle qui entame une tournée nationale, et extrait de l'affrontement entre Antigone et Créon, scène centrale et nœud dramaturgique de l'Antigone d'Anouilh.
Éclairage
Lorsque Jean Anouilh choisit d'adapter, à la suite de Cocteau, l'Antigone de Sophocle en 1944, il propose une réécriture moins classique et plus actuelle, ancrée par des jeux d'anachronisme dans un contexte contemporain proche de celui de la France de Pétain. Antigone apparaît alors comme une figure de la jeunesse résistante, exaltée par la révolte et l'amour fraternel. À travers elle, Anouilh salue le geste héroïque, solitaire et vain du jeune Résistant Paul Collette, qui avait blessé par balles Pierre Laval et Marcel Déat au cours d'un meeting de la Légion des Volontaires français en 1942.
Cependant, si le personnage de Créon est bien un chef politique dur et inflexible, son rapport au pouvoir est plus ambigu que chez Sophocle, puisqu'il n'est plus tant un tyran qu'un serviteur de l'Etat, que sa fonction contraint malgré lui à des sacrifices lourds. Cette ambivalence a suscité la polémique à la création de la pièce, Anouilh étant accusé par certains de faire l'apologie du pouvoir collaborationniste. Il semble pourtant que la démarche d'Anouilh ait été plus complexe et moins partisane, relevant plutôt, tout comme son intervention en faveur de Brasillach à la fin de la guerre, d'un refus de juger et d'un désir de comprendre.
Pour sa mise en scène de la pièce, donnée en 1987 au Théâtre de Boulogne-Billancourt, puis au Théâtre de Bourg-en-Bresse, Eric Civanyan choisit pour incarner son Créon un monument du théâtre français, Guy Tréjean, qui donne au souverain fermeté et humanité.