Antigone de Brecht, mis en scène par Jean-Pierre Miquel
Notice
Interview du metteur en scène Jean-Pierre Miquel, qui souligne la portée politique de la pièce telle que Brecht la réécrit à partir de Sophocle : Antigone elle-même ne prend conscience des implications politiques de son geste que lors de sa confrontation avec Créon. Extrait du spectacle : confrontation Antigone-Créon.
- Europe > France > Ile-de-France > Paris > Théâtre de l'Odéon
Éclairage
Après Cocteau et Anouilh (voir ce document), Bertolt Brecht décide en 1948 de réécrire la tragédie de Sophocle, en s'appuyant pour l'essentiel sur la traduction-adaptation d'Hölderlin. Sa visée n'est pas de restituer l'universalisme du mythe grec, mais de le mettre au service d'un propos politique fortement inscrit dans son époque. Brecht cherche en effet à analyser, à travers les personnages de Sophocle, l'attitude des Allemands sous le IIIe Reich : la résistance de gens ordinaires qui, comme Antigone, y sont poussés par les usages et les circonstances, ou la spirale de la tyrannie où sombrent les détenteurs du pouvoir. Pour resserrer encore l'analogie, Brecht modifie le dénouement en donnant à Argos une victoire écrasante sur Thèbes, et fait précéder le début de la pièce d'une scène-prologue située pendant la Seconde Guerre mondiale.
Si l'action de la pièce de Brecht est inscrite dans un temps et un contexte beaucoup plus familiers que ceux de Sophocle pour son public, il ne cherche pas pour autant à appuyer cette proximité par une esthétique psychologisante : son Antigone, comme la plupart de ses pièces, relève d'un théâtre « épique », où le geste de présentation au spectateur est explicite et où les comédiens abordent leur rôle comme à la troisième personne. Il s'agit, ce faisant, d'empêcher l'illusion et de rappeler au spectateur le jugement actif que l'on attend de lui.
La mise en scène proposée par Jean-Pierre Miquel au Théâtre de l'Odéon au cours de la saison 1972-1973, avec la troupe de la Comédie-Française, assume pleinement la visée politique de l'œuvre de Brecht, tout en élargissant sa portée à des contextes moins ouvertement totalitaires.